Florian Bouhot - Peut-on établir un parallèle entre les événements de Tienanmen de 1989 et les manifestations qui secouent Hong Kong ?
Jean-Philippe Béja - Si l’adversaire des manifestants est commun - le régime communiste chinois -, ce ne sont ni les mêmes protagonistes, ni la même époque, ni le même lieu. On peut dresser un parallèle car ces manifestations engagent une grande partie de la population. Mais Hong Kong n’est pas le cœur de la Chine. C’est une région différente avec un système politique qui lui est propre . Ce mouvement massif de contestation constitue plutôt une continuation de la révolte des parapluies de 2014. A l’instar de la crise actuelle, elle avait été provoquée par une décision de Pékin, qui avait douché les espérances de suffrage universel en dépit de ses promesses. Et comme le projet de loi d’extradition porté par Carrie Lam, cette décision était apparue comme une menace contre l’avenir de Hong Kong.
Pékin avait attendu près de deux mois avant de réprimer dans le sang le mouvement étudiant de 1989. Une intervention armée similaire est-elle envisageable ?
En 1989, il existait de très fortes tensions au sein du Parti communiste chinois quant à la manière avec laquelle il fallait répondre au problème du mouvement étudiant. Le régime a opté pour la violence et pratique depuis la politique de l’amnésie. Si la répression de Tienanmen était perçue comme un succès, les manuels d’histoire chinois expliqueraient que le régime a été sauvé cette année-là. Pour ce qui est de Hong Kong, le parti s’est accordé pour laisser le gouvernement local agir. Je pense que Xi Jinping mise sur le pourrissement du mouvement. Une attitude semblable à celle adoptée en 2014. La vie quotidienne devenant difficile, l’opinion publique avait fini par se retourner contre la révolte populaire. Les manifestants ne veulent pas subir à nouveau un tel revers. Beaucoup de gens estiment qu’ils n’ont rien à perdre.
Les mises en garde répétées et les démonstrations de force de Pékin ne seraient donc qu’un moyen de faire pression sur les manifestants ?
Le pouvoir chinois tend à se raidir et refuse toute solution politique. Xi Jinping tente de dissuader les manifestants en cognant très fort sur les « terroristes » et multiplie les arrestations. La violence des affrontement a choqué et contribue à attiser la flamme des protestataires. Xi Jinping veut montrer ses muscles : 2019 marque les trente ans de Tiananmen, alors il agite la menace d’une intervention. Cependant, Hong Kong n’est pas Pékin. Si la crainte d’une contagion existe, ces événements ne remettent pas en question le pouvoir de Pékin sur le reste de la Chine. Une intervention militaire ne me paraît pas très vraisemblable. Cela signifierait la fin de Hong Kong comme entité autonome : ce serait dramatique aux yeux du monde et très nocif pour le commerce chinois. C’est un ultime recours.
FLORIAN BOUHOT