Nous, Membres du Réseau Parlemenataire International (RPI), crée lors du Forum Parlementaire Mondial de Porto Alegre/Brésil, avons pris l’engagement de défendre fermement l’idée qu’un autre modèle économique et commercial dont bénéficierait les peuples du monde, est possible.
Nous croyons que l’ordre mondial économique actuel, avec les organisations de Bretton Woods comme institutions dirigeant les questions économiques et financières d’un côté, et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) de l’autre, ne conduit pas à ce but. Depuis la création de l’OMC en 1995, le fossé entre les riches et les pauvres s’est creusé de façon dramatique. L’accord obtenu à la 4e Conférence Ministérielle en novembre 2001 dans le Capitale du Qatar, Agenda de Doha sur Développement, ne vaut pas son appellation.
Dans le cadre de la 5e Conférence Interministérielle de l’OMC qui se tiendra à Cancún/México, du 10 au 14 septembre 2003, nous, en tant que parlementaires, proposons un ensemble de revendications minimales qui devront être traitées par la Conférence. Nous nous engageons à soutenir ces revendications dans tous les débats parlementaires et résolutions qui auront lieu avant la Conférence et à exercer toute pression utile lors de la Conférence même.
10 Revendications dans le cadre de la préparation de Cancún
1. Assurer une surveillance démocratique
Les processus de négociations, de conclusions et de mise en place des accords de l’OMC impliquent des obligations. Cela ne peut pas être seulement une affaire intergouvernementale. Nous croyons que les élus doivent jouer un rôle dans tout le processus de négociation et de mise en œuvre des accords de l’OMC. Les positions des gouvernements sur les questions commerciales devraient être discutées et approuvées auparavant dans les parlements dans tous les Etats Membres de l’OMC.
2. Régler d’abord les problèmes en suspens et construire un consensus
Il est encore trop tôt pour négocier de nouveaux traités de l’OMC sur l’investissement, la concurrence, les marchés publics ou les règles douanières (ce qu’on appelle « Singapore issues » ou « New issues »). Il n’est pas acceptable d’élargir les compétences de l’OMC de cette manière et en même temps mettre de côté le développement durable. Un grand nombre de questions en suspens depuis la création de l’OMC ne font toujours pas l’objet de négociations, de conclusions et de mise en œuvre suffisantes. L’OMC a manqué la date limite concernant les questions de mise en œuvre des accords en vigueur, le chapître « Traitement Spécial et Différencié », ADPIC (l’accord sur les brevets) et Santé Publique et les Modalités sur l’agriculture, entre autres. Le lancement de négociations sur les « Singapore issues » élargirait de façon excessive les compétences de l’OMC et servirait les intérêts des entreprises de l’UE et des USA, contre les intérêts du monde en développement.
3. Maintenir et renforcer les services publics
Les négociations actuelles sur les AGCS (Accords Général sur le Commerce de Services) met en danger l’accès au services publics à des prix abordables. On ne doit pas exiger des Membres de l’OMC et en particulier des pays en voie de développement la privatisation de leurs services publics, en particulier la collecte, le traitement et la distribution de l’eau, l’énergie, l’éducation et la santé. Dans les pays en voie de développement et les pays moins développés, certains secteurs comme l’eau et le système sanitaire ont un impact direct et dramatique sur la vie quotidienne des populations et doivent donc faire l’objet d’un traitement particulier.
4. L’accès au médicaments doit être garanti- la santé publique d’abord
A la conférence Ministérielle de Doha en novembre 2001, un accord a été trouvé sur la question de l’accès aux médicaments indispensables. Nous en appelons à tous les membres de l’OMC de s’en tenir aux engagements de Doha concernant la question en suspens des licences obligatoires pour l’importation (paragraphe 6 de la Déclaration sur les accords AGCS et la santé publique). Dans ce contexte, nous leurs rappelons qu’imposer de nouvelles restrictions comme une partie de solution au problème du paragraphe 6 violerait l’esprit de la Déclaration et serait vu, à juste titre, comme une preuve de mauvaise foi par les pays en voie de développement. Chaque pays doit pouvoir produire et importer des médicaments génériques si cela s’avère nécessaire pour protéger la santé publique.
5. Pas de brevetage du vivant
Breveter toute forme de vie doit être interdit dans le but de préserver la biodiversité, la sécurité alimentaire et les droits des peuples indigènes et de les protéger contre l’emprise des entreprises sur les ressources génétiques. Pour le moment, le brevetage est gouverné par l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Néanmoins, son article 27.3b permet la révision des dispositions concernant le brevetage du vivant. Nous soutenons les pays en voie de développement qui demandent la mise en œuvre de l’article 27.3b et notamment la position prise par le groupe Afrique, demandant clarification sur le fait que les plantes, les animaux et micro-organismes ne doivent pas être brevetés ; qu’un système « sui generis » de protection des variétés de plantes puisse inclure des systèmes protégeant les droits de propriété intellectuelle des indigènes et des communautés paysannes ; que l’ADPIC soit en harmonie avec la Convention sur la Biodiversité et le traité de la FAO sur les ressources génétiques des plantes.
6. Protéger l’indépendance des Accords Multilatéraux Environnementaux (AME)
L’OMC est le seul ensemble de règles internationales qui possède un pouvoir de sanction. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’il est supérieur à d’autres ensembles de règles internationales qui ont été conclus. Les problèmes environnementaux, par exemple, ne devraient pas être assujettis à l’OMC. La protection de l’environnement n’est pas une mesure déformant le commerce qui doit donc être sanctionnée par l’OMC, mais un moyen nécessaire pour garantir notre futur commun. Ainsi, nous nous opposons à tout mouvement/rédaction en faveur d’une obligation de conformité des AME à l’OMC, comme proposé par les Etats-Unis ou l’UE, mais rejeté par la majorité des participants au Sommet Mondial sur le Développement Durable à Johannesburg.
7. Soutenir une perspective de « multifunctionalité » pour l’agriculture mondiale
Consommateurs et producteurs du monde entier sont intéressés par le développement rural, la protection de l’environnement et la protection des animaux. Le droit des peuples à se nourrir ainsi que la sécurité de l’eau et des aliments sont fondamentaux pour notre futur commun. Les règles du commerce peuvent et devraient être cohérentes avec ces objectifs.
8. Aller vers les besoins des Pays en Voie de Développement-abolir les subventions à l’exportation
Subventions et autres mécanismes de soutien à l’exportation déforment la chaîne d’approvisionnement agricole. Ils profitent principalement aux gros exportateurs agro-industriels, mettent en danger la survie des petits paysans partout dans le monde, au Nord comme au Sud. Seule une pratique soutenable et un commerce équitable sont capables de garantir l’existence de l’agriculture et de la sécurité alimentaire pour le futur. Nous demandons la suppression des subventions à l’exportation dans tous les pays, et en particulier dans les pays industrialisés.
9. Améliorer les droits des travailleurs
Nous appelons les membres de l’OMC à respecter la Convention du BIT et ses normes concernant le travail, en particulier la liberté d’association des travailleurs. Les règles internationales des normes concernant le travail doivent rester de la compétence du BIT et ne peuvent pas être utilisées comme mécanisme protectionniste ou de barrière au commerce. Nous demandons à ce que l’OMC respecte les décisions du BIT et accorde le statut d’observateur au BIT en son sein.
10. Appliquer le principe de précaution et de soutenabilité de façon systématique
Le concept de taille unique pour tout le monde, ne peut pas s’appliquer à des partenaires qui ne sont pas égaux. Le commerce est un moyen, pas une fin en soit. Afin d’éviter les effets pervers -l’accès au marché se transforme souvent en déplacement de marché- des études d’impact concernant la soutenabilité des mesures commerciales dans ses trois aspects (social, économique et environnemental) doivent être menées avant d’entamer les négociations. Chaque pays doit être libre de faire sa propre évaluation des risques sur la santé et le bien-être de ses citoyens et de son environnement et de prendre les mesures de précautions en conséquence.