TOKYO CORRESPONDANT
Philippe Pons
En dépit des assurances données au départ par Tokyo Electric Power (Tepco) sur la résistance de sa centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa au séisme survenu, le 16 juillet, dans la région de Niigata, l’enquête menée par la suite a révélé une cinquantaine d’anomalies et de dysfonctionnements. Le ministère de l’économie et de l’industrie a décidé de maintenir à l’arrêt les sept réacteurs de la plus puissante centrale nucléaire de l’Archipel jusqu’à ce que des vérifications poussées aient été faites.
Le ministre, Akira Amari, a réprimandé Tepco pour son retard à prendre la mesure des dommages. Une inefficacité, reconnue par le président de Tepco, qui risque de raviver les craintes nourries dans l’opinion sur les risques présentés par le nucléaire dans un pays soumis aux séismes et sur le manque de transparence du secteur. « On ne peut faire fonctionner des centrales nucléaires qu’avec la confiance de la population », a déclaré le premier ministre, Shinzo Abe. « Cette fois, l’alerte a été donnée trop tardivement. »
Outre un petit incendie et une légère fuite de 1 200 litres d’eau radioactive dans la mer - jugée « sans risque » par Tepco -, qui furent signalés, lundi, l’entreprise a reconnu, le lendemain, que des substances radioactives avaient été libérées dans l’atmosphère. Elle vérifie si le renversement d’une centaine de fûts (sur 22 000) contenant des déchets et du matériel faiblement irradiés, dont certains se sont ouverts, a eu des conséquences dangereuses.
Au-delà de l’inventaire des dommages subis par la centrale, se posent des questions pour l’avenir. L’Agence de météorologie estime qu’une faille au large de la côte arrive désormais jusque sous la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, installée sur le rivage. Or une des conditions préalables à sa construction était de ne pas être située sur une faille. En outre, si des centrales plus récentes sont bâties dans l’hypothèse de séismes d’une magnitude supérieure à 7 sur l’échelle de Richter, dans son cas, la référence de résistance a été une secousse d’une magnitude maximale de 6,5. Or le séisme de lundi a été de 6,8. L’évaluation de la résistance de la centrale aux séismes se pose donc aujourd’hui en des termes différents de ceux qui prévalaient lors de sa construction.
* Article paru dans le Monde, édition du 19.07.07. LE MONDE | 18.07.07 | 15h54 • Mis à jour le 18.07.07 | 15h54.
Du Japon à la France : nucléaire et risque sismique
Pierre Rousset
Au Japon, le tremblement de terre du 16 janvier a, dans la région de Niigata, fait au moins sept morts et 800 blessés. Il a aussi provoqué un incendie, une fuite d’eau et d’autres subsances « faiblement » radioactive dans la centrale nucléaire de Kashiwazaki Kariwa, l’une des plus grandes au monde… Le tout serait, à en croire des responsables de la Tokyo Electric Power (Tepco), sans dangers pour les humains et pour l’environnement. L’industrie de l’atome ayant, outre-Pacifique comme en France, l’habitude de mentir sur les risques réels, on ne prendra pas pour argent comptant les déclarations officielles — et les responsables de Tepco, cette fois encore, se sont bien gardé de tout dire, tout de suite.
Quelque soit l’ampleur réel des « dysfonctionnements » provoqués par le tremblement de terre, l’essentiel est qu’une nouvelle fois (ce n’est en effet pas la première), une centrale nippone s’avère incapable de subir sans dégâts un séisme de forte puissance (cette fois-ci : 6,8 sur l’échelle de Richter). Et ce dans un archipel condamné à éprouver, à l’avenir, des secousses de violence croissante.
A l’occasion du séisme de Niigata, le réseau « Sortir du nucléaire » a rappelé qu’en France aussi, même si le risque sismique est actuellement beaucoup plus faible qu’au Japon, la capacité de résistance des centrales est loin d’être à toutes épreuves. « Depuis 2003, note le réseau, EDF refuse de payer deux milliards d’euros de travaux nécessaires », après avoir « falsifié des données sismiques pour cacher les faiblesses de ses centrales ».
?Le Réseau « Sortir du nucléaire » a publié un dossier sur cette « question cruciale » du risque sismique et des centrales nucléaires en France. [1]