Le régime iranien a montré sa capacité de résistance face à la contestation, férocement réprimée, tout en s’affirmant économiquement et politiquement grâce aux puissances anti-occidentales.
Elles continuent de défier le régime des mollahs en affichant quotidiennement leur belle chevelure ou leurs mèches coupées, en chantant et dansant sur les réseaux sociaux. Les Iraniennes persistent à revendiquer leurs droits et affirmer le slogan « Femme, vie, liberté » qui leur vaut une sympathie mondiale.
Mais un an après la puissante révolte déclenchée par la mort en prison de Mahsa Amini, les grands rassemblements de jeunes dans les rues de Téhéran et d’autres villes du pays ont disparu. La mobilisation se fait désormais essentiellement derrière les murs, en ligne et grâce aux relais des expatriés iraniens.
La répression féroce déployée par la République islamique est en effet parvenue à étouffer en quelques semaines une contestation inédite, lancée par les jeunes Iraniennes. En un an, plus de 20 000 protestataires ont été arrêtés, plus de 500 autres tués pendant les manifestations tandis que sept jeunes ont été exécutés sur près de vingt condamnés à mort, encore en prison.
Ces dernières semaines, à l’approche de la date anniversaire de la mort de Mahsa Amini, qui tombe ce samedi 16 septembre, une série d’arrestations préventives a visé des militants, des intellectuels, des enseignants et des journalistes. Des étudiants de tout le pays ont été convoqués pour s’engager à ne pas participer à des manifestations.
Capacité de résistance
Comme il l’avait fait lors de précédentes révoltes au cours des vingt dernières années, le régime iranien a réussi à écraser par la terreur le mouvement revendiquant plus de libertés pour les femmes, sans la moindre concession.
Mais s’il a démontré encore une fois sa redoutable capacité de résistance face à la contestation intérieure, il a bénéficié en outre d’un contexte international favorable qui le renforce politiquement et économiquement.
Téhéran profite actuellement de son insertion dans la nouvelle dynamique des pays du Sud défiant l’ordre occidental.
Le pas emblématique dans cette direction a été l’admission prochaine de l’Iran comme l’un des nouveaux membres des Brics (qui rassemblaient jusqu’ici le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) en même temps que cinq autres pays émergents (Argentine, Egypte, Ethiopie, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis). La décision a été prise lors du dernier sommet du groupe à Johannesburg fin août, auquel était invité le président iranien Ebrahim Raïssi.
Accords stratégiques avec la Russie et la Chine
« Après des décennies d’isolement en raison des sanctions, Téhéran est en quête d’une plateforme multilatérale pour ses échanges régionaux et internationaux » , indique Fardin Eftekhari, doctorant à l’université de Téhéran, dans un article pour le site Middle East Eye. Considérant la levée des sanctions comme très improbable, Téhéran espère des Brics une ouverture pour faciliter ses échanges extérieurs, sans être dépendant du dollar et du système financier occidental. »
Dans le même temps, « le gouvernement Raïssi cherche à diversifier ses relations économiques avec le Sud global pour ne pas trop dépendre de Pékin et Moscou », ajoute-t-il.
En effet, c’est essentiellement grâce à la Chine et à la Russie que l’Iran a réussi à rompre l’isolement diplomatique et économique imposé par les Occidentaux. « Alors que la puissance et l’influence de Washington déclinent, Pékin et Moscou ont décidé de défier l’ordre international libéral. Ils ont accueilli les responsables iraniens, offrant à Téhéran un soutien économique et militaire de plus en plus étendu », soulignent dans un article de Foreign Affairs Reuel Marc Gerecht et Ray Takeyh, deux experts américains de l’Iran.
Après la signature en 2021 d’un « accord de coopération stratégique et commerciale » sur vingt-cinq ans avec la Chine, l’Iran a conclu un protocole d’accord avec la Russie au début de la guerre en Ukraine. Depuis le début du conflit, les drones fournis par Téhéran à l’armée russe sont utilisés quasi quotidiennement, tandis qu’un transfert de technologie va permettre la fabrication de drones en Russie. Moscou s’est engagé par ailleurs à investir environ 40 milliards de dollars (37,5 milliards d’euros) dans des projets de développement du gaz en Iran.
Apaisement avec l’Arabie Saoudite
L’autre bénéfice pour l’Iran de la guerre en Ukraine est la crise énergétique qui lui a permis d’augmenter considérablement ses ventes de pétrole, malgré les sanctions américaines.
Sur le plan régional enfin, un retournement spectaculaire s’est produit en mai avec le rétablissement des relations entre l’Iran et l’Arabie Saoudite grâce à une médiation chinoise. La détente entre les deux rivaux historiques du Golfe permet à Riyad de sortir du bourbier au Yémen mais garantit aussi à Téhéran sa mainmise sur l’Irak, la Syrie et le Liban.
Même avec les Etats-Unis, l’Iran est parvenu à des arrangements ponctuels. Ainsi, quelques jours avant l’anniversaire de la mort de Mahsa Amini, Washington et Téhéran ont officialisé lundi 11 septembre un accord pour l’échange de cinq prisonniers américains détenus en Iran contre cinq Iraniens retenus aux Etats-Unis.
L’Iran obtient surtout, et c’est le gain le plus important de cet arrangement négocié par une médiation du Qatar, le transfert de 6 milliards de dollars de fonds iraniens gelés en Corée du Sud. Conclu après des discussions très discrètes, cet accord représente une obole pour les finances étranglées de la République islamique.
« Aujourd’hui, le moral de la République islamique est triomphant comparé à l’année dernière. La République de Khamenei a survécu aux sanctions internationales et à la contestation intérieure. Grâce à ces grandes puissances alliées, elle a stabilisé son économie et commence à renforcer ses défenses. La bombe nucléaire est à portée de main et dès que le Guide suprême décidera de franchir le seuil, il y a peu de raisons pour qu’il n’y parvienne pas », résument les analystes de Foreign Affairs. Le plus cruel encore pour les opposants iraniens, c’est la chance géopolitique qui sourit à leur régime tyrannique.