Avant d’accepter, en 1998, de signer l’accord de Nouméa - qui repoussait de vingt ans au moins la perspective d’indépendance de la Kanaky -, les forces indépendantistes avaient exigé la mise en place des conditions d’un rééquilibrage de l’économie du territoire. L’accord de Bercy, en février 1998, a fixé les conditions de l’accès au nickel, préalable à la construction d’une usine de traitement du minerai dans le nord du territoire à majorité kanak et indépendantiste. À l’époque, le préalable minier avait nécessité une large mobilisation de l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE) [1].
Depuis 1880, le minerai de nickel [2] est exploité par quelques gros groupes qui l’exportent. Il est transformé en métal dans une seule usine, la Société le nickel (SLN) [3] à Doniambo, près de Nouméa. Les bénéfices tirés de l’exploitation du sous-sol kanak n’ont pas profité à la population locale. Aujourd’hui encore, le nickel représente plus de 90% de la valeur des exportations du territoire, mais seulement 2,7 % des recettes (sur la période 1990-2001).
Le projet des indépendantistes est de construire une usine de transformation du nickel dans le Nord, détenue à 51 % par la province, à travers la Société des mines du Pacifique Sud (SMSP), en partenariat avec l’industriel canadien Falconbridge (cinquième producteur mondial). Une telle entreprise créerait de l’emploi dans la province, qui a été volontairement sous-développée depuis le début de la colonisation. Elle permettrait aussi que, pour la première fois, les bénéfices tirés de la terre kanak soient réinvestis majoritairement sur le territoire [4].
L’accord de Bercy prévoyait que le transfert de la propriété du massif minier nécessaire au lancement de l’usine du Nord ne deviendrait effectif que si l’usine commençait à être construite au 31 décembre 2005. Au début de ce mois, l’État français a posé des exigences financières inacceptables au prêt qu’il s’était engagé à accorder à la province Nord pour qu’elle apporte 51 % du capital à la SMSP, condition de la maîtrise de l’avenir de l’ouvrage. Falconbridge se dit prêt à financer la totalité du projet, mais il est évident que, dans ces conditions, les garanties pour le développement de la province Nord seraient totalement changées. L’État français a permis le pillage des ressources du territoire pendant des décennies, laissant s’opérer des dégradations irrémédiables de l’environnement. Il veut une nouvelle fois arnaquer les Kanaks et les empêcher d’être maîtres de leur destin.
La mobilisation menée par l’USTKE s’est développée depuis le début du mois. Après une grande manifestation à Nouméa, le 10 décembre, une grève générale a commencé le lundi 12. Peu à peu, les services étatiques ont été bloqués et l’économie s’est arrêtée. Chaque jour, plus de 1 000 militants se sont mobilisés pour bloquer les administrations et les centres vitaux du territoire, l’USTKE servant 1200 repas par jour sur les sites occupés. Au bout d’une semaine de blocage, samedi 17 décembre, le haut-commissaire de l’État a accepté par écrit de soutenir financièrement le projet d’usine du Nord, conformément à l’accord de Bercy. L’USTKE a alors levé les barrages. Ses militants restent mobilisés pour que les promesses soient tenues.
La lutte des travailleurs kanaks et des exploités du territoire pour une autre répartition des richesses a le soutien de la LCR. L’ensemble des forces antilibérales de métropole, dans la foulée de leur tardive mobilisation contre la loi sur les bienfaits du colonialisme, ne peut que les soutenir.