ROME CORRESPONDANT
Faut-il revenir sur la loi autorisant depuis 1978 l’interruption volontaire de grossesse en Italie ? Le vieux débat prend une vigueur nouvelle dans la péninsule alors que débute la campagne électorale pour les législatives des 13 et 14 avril.
L’intellectuel néoconservateur Giuliano Ferrara, directeur du quotidien de droite Il Foglio et ancien porte-parole du premier gouvernement Berlusconi en 1994, menace de lancer sa propre liste, intitulée « Avortement ? Non, merci ». Son initiative, soutenue par l’Eglise italienne, divise la gauche comme la droite.
En symbiose avec la doctrine du Vatican pour le respect de toute vie « depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle », Giuliano Ferrara se fait l’apôtre d’un moratoire pour l’application de la loi 194 définissant l’IVG, identique à celui qui a été adopté fin 2007 par l’Organisation des nations unies (ONU) sur la peine de mort, et pour lequel l’Italie s’était engagée fortement.
Silvio Berlusconi s’y est montré favorable, mardi 12 février au cours d’une réunion électorale, avant de faire machine arrière, quelques heures plus tard à la télévision : « L’avortement est une question qui regarde la conscience de chacun, il n’est pas bien qu’elle entre dans le cadre de la campagne électorale », a-t-il rectifié.
« CHASSE AUX SORCIÈRES »
La polémique a rebondi, mercredi 13 février, après que des policiers ont débarqué dans le département d’obstétrique de l’hôpital Federico II de Naples pour interroger une femme à peine sortie de la salle d’accouchement où elle venait de subir une IVG. Sur ordre du substitut du procureur, ils ont saisi son dossier médical, ainsi que le foetus. La police est intervenue à la suite d’une dénonciation anonyme faisant état d’un avortement hors des délais légaux, qui sont de vingt-quatre semaines.
« Ils ont beaucoup insisté pour savoir si j’avais donné de l’argent aux médecins », a confié à la presse la patiente, une Napolitaine de 39 ans, ajoutant que la décision d’intervenir à la vingt et unième semaine de grossesse avait été prise après une amniocentèse.
Pour les médecins de cet hôpital public, il s’agissait d’un avortement thérapeutique pratiqué dans le respect des normes : « Le foetus présentait une altération chromosomique, et si la grossesse avait été menée à terme, il y avait 40 % de risques pour que l’enfant soit handicapé mental », a expliqué le patron du service d’obstétrique, précisant que la patiente avait présenté « un certificat psychiatrique autorisant l’intervention ».
Tandis qu’une association féministe appelait à une manifestation à Naples, la ministre de la santé du gouvernement sortant, Livia Turco, membre du Parti démocrate (PD), a dénoncé « une chasse aux sorcières ». Selon elle, cette affaire « reflète le climat de tension qui s’est installé autour du choix dramatique de renoncer à une maternité ». Elle attend pour fin février des avis scientifiques qu’elle a demandés au Conseil supérieur de la santé sur le statut du foetus et sur la pilule RU 486, encore interdite en Italie.
L’éventuelle modification de la loi 194 embarrasse le Parti démocrate de Walter Veltroni, où existe un fort courant catholique. Pour Emma Bonino, la très laïque dirigeante du Parti radical, le combat de Giuliano Ferrara contre l’avortement serait « une croisade idéologique pour porter la division dans le centre gauche ».
Mais la question ne fait pas non plus l’unanimité au centre droit. Défendue par les démocrates chrétiens de l’UDC, que Silvio Berlusconi tente d’enrôler dans sa nouvelle coalition, le Peuple de la liberté, la modification de la législation divise Forza Italia (FI), la formation du Cavaliere. « Le futur gouvernement Berlusconi ne touchera pas à la loi sur l’avortement », a déclaré mercredi au quotidien La Repubblica l’ancienne ministre à la parité, Stefania Prestigiacomo. Le même jour, La Stampa citait la sénatrice Maria Burani Procaccini, responsable de la famille au sein de FI, pour qui « un projet sera présenté pour modifier la loi, de manière à prévoir l’IVG seulement à de précises et très restreintes conditions ».
Jean-Jacques Bozonnet
* Article paru dans le Monde, édition du 15.02.08.
LE MONDE | 14.02.08 | 14h11 • Mis à jour le 14.02.08 | 14h11
I
talie : Silvio Berlusconi relance le débat sur l’avortement avant les législatives
Le thème sensible de l’avortement a fait son entrée dans la campagne pour les élections législatives en Italie. Selon des propos rapportés mardi 12 février par l’hebdomadaire Tempi, Silvio Berlusconi voudrait que soit amendé l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et qu’à la phrase « tout individu a droit à la vie », soit accolée la précision « de sa conception à la mort naturelle ». Le chef de la droite italienne reprend ainsi à son compte la terminologie utilisée par le Vatican pour décrire son opposition à l’avortement. Pour la presse italienne, les propos du Cavaliere signent l’ouverture de la chasse aux votes catholiques, en vue des législatives anticipées des 13 et 14 avril.
L’idée d’un moratoire sur l’avortement, à l’exemple de celui sur la peine de mort soutenu par une résolution récente de l’ONU, a été lancée en Italie par le journaliste conservateur Giuliano Ferrara et accueillie avec faveur par l’épiscopat. M. Ferrara, qui a annoncé mardi qu’il se présenterait aux législatives sous les couleurs d’une liste « pro-vie », est à l’origine d’une pétition envoyée au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et signée par des religieux, des théologiens et des professeurs d’université européens.
« MASSACRE D’INNOCENTS », « CIRQUE POLITIQUE »
Les propos de Silvio Berlusconi en faveur d’un moratoire sur l’avortement ont été diversement accueillis par la classe politique italienne. Si la député de Forza Italia Isabella Bertolini a salué une proposition « qui mettrait fin au massacre d’innocents », la dirigeante radicale Emma Bonino a qualifié la « sortie » de M. Berlusconi de « cirque politique », dont « le seul objectif est de (...) porter la division, particulièrement dans le centre-gauche ».
Mardi soir, Silvio Berlusconi a cependant nuancé ses propos sur le plateau de l’émission « Porta a porta », en déclarant que l’avortement était « un thème qui devait rester en dehors de cette compétition électorale » et que cette question « ne devait pas entrer dans l’arène politique ». Pour le Cavaliere, la formation d’une liste indépendante pour les législatives par Giuliano Ferrara est vécue comme une tentative d’affaiblir sa coalition Liberté du peuple.
L’avortement est autorisé en Italie depuis 1978, mais l’Eglise catholique use régulièrement de son influence dans la classe politique et dans les milieux médicaux pour relancer le débat sur les conditions d’application de la loi. En 2004, la dernière année pour laquelle des statistiques sont disponibles, plus de 136 700 avortements ont eu lieu en Italie, contre 234 800 en 1982.
Le Monde.fr
LEMONDE.FR | 13 février 2008 |
Une opération de police dans un hopital fait craindre une remise en cause du droit à l’IVG
Une intervention policière dans un hôpital de Naples suscite la polémique en Italie. La police s’est rendue lundi 11 février au sein du Policlinico II de la ville méridionale, après avoir reçu un appel anonyme dénonçant le caractère trop tardif d’un avortement sur une patiente âgée de 39 ans. Les policiers, qui soupçonnent que l’IVG ait eu lieu après le délai prévu par la loi (24 semaines), ont interrogé la jeune femme tout de suite après l’opération, saisi le fœtus de 460 grammes et ouvert une enquête.
Mais selon l’hôpital, la jeune femme était enceinte de 21 semaines et avait décidé d’avorter après avoir appris que son fœtus présentait une anomalie chromosomique. « Si la grossesse avait été menée à terme, il y avait 40 % de risques pour que l’enfant soit handicapé mental », a déclaré le chef du service d’obstétrique de l’hôpital. La ministre de la santé, Livia Turco, s’est dite « profondément choquée » par cette affaire, dénonçant une « chasse aux sorcières ». – (avec AFP)
LEMONDE.FR | 13 février 2008 |