Les 28 et 29 juin, à l’invitation de la LCR, va se tenir une réunion de délégués des comités locaux qui se sont mis en place en vue de la création d’un nouveau sujet politique qui suivra la dissolution de la LCR. En vue de cette réunion, la LCR a rédigé un document intitulé « La contribution de la LCR à la réunion des 28 et 29 juin. Pour un anticapitalisme et un socialisme du XXI° siècle ». On trouvera ce texte sur le site de la LCR (http://www.lcr-rouge.org). [1]
Le statut de ce texte n’est pas défini. J’ai interrogé la direction de la LCR à ce propos et il m’a été répondu ceci : « Il ne s’agit là que d’une contribution au débat. De ce point de vue, elle n’a pas vocation à être amendée et encore moins votée. Dans notre conception, il y a deux raisons à cela. La première c’est que l’hétérogénéité du processus rend un tel document prématuré. La plupart des comités n’ont que quelques semaines d’existence, parfois moins, et ne sont donc pas encore en mesure d’en discuter collectivement d’ici juin. La seconde raison, plus substantielle pour nous, c’est qu’un tel document devra être l’émanation du processus constituant lui-même. Procéder autrement serait source de confusion et laisserait à penser que la direction de LCR impose à tous un cadre politique éventuellement discutable à la marge. Si nous prendrons toute notre place dans le débat, nous entendons bien que les documents fondateurs soient l’œuvre de l’ensemble des militants investis dans le processus et pas seulement de celles et ceux qui sont membres de la LCR. »
Dont acte. Il ne s’agit donc pas du document fondateur du nouveau parti. Il demeure que c’est le seul texte estampillé LCR et qu’il fournit à tout le moins une représentation des préoccupations dominantes qui président à la démarche entamée. Il appelle quelques réflexions que je souhaite partager avec celles et ceux qui n’ont pas d’emblée rejeté l’initiative de la LCR.
On trouvera sur ce blogue l’échange que j’ai eu avec Daniel Bensaïd (la lettre et la réponse) à propos de cette initiative. J’ai considéré que la réponse qu’il m’a faite était encourageante et dégageait le chemin. J’en retrouve un élément dans « les considérations de la LCR ». Il s’agit de la démocratie qui doit animer le nouveau parti. Si je prends au sérieux chaque mot employé, les développements sur la démocratie en interne me conviennent. J’en reprends les termes :
« Un parti, c’est pour nous une force collective et démocratique. Un rassemblement de militantes et de militants unis autour d’un programme commun. Un instrument, pas une fin en soi. Une force capable de réfléchir pour agir. Qui alimente son programme, sa vision de la société de ses rapports avec le monde du travail et la population au travers des luttes. Un parti qui respecte l’indépendance des équipes syndicales et des mouvements sociaux. Un mouvement qui également, dans son régime interne, garantit la circulation de l’information, les débats et la formation pour tous, le droit de tendance et d’affirmation de courants publics, la reconnaissance statutaire du pluralisme, la proportionnelle pour élire les directions.
Également, il s’agit pour nous de construire une force qui vote, qui fait des choix, qui reconnaît la règle majoritaire, tout en respectant les choix minoritaires.
Face à une vie politique centralisée par l’Etat, nous avons besoin d’un parti, d’une force pour la transformation révolutionnaire de la société, qui combine activités nationales et déclinaisons locales.
Les directions élues à la parité doivent être responsables devant les instances qui les ont désignées, rendre des comptes sur leur mandat, leur activité militante en particulier lorsqu’elle est rémunérée. La transparence et le contrôle sont les seules garanties d’un réel fonctionnement démocratique pour lutter contre la bureaucratisation qui a fait tant de mal au mouvement ouvrier. »
Mais des réponses de Bensaïd sur les éléments que j’ai soulevés, c’est tout ce que je trouve dans ces « contributions de la LCR ».
Le document est faible sur l’analyse de la mondialisation. Le principal instrument de celle-ci n’est même pas mentionné : l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et les accords contraignants qu’elle gère. C’est l’accord sur les services (AGCS) qui est à l’origine du démantèlement des services publics et de la mise en concurrence des activités de services ; c’est l’accord agricole qui est, pour beaucoup, à l’origine de la montée en puissance de l’agrobusiness et de la crise alimentaire ; c’est l’accord sur les droits de propriété intellectuelle qui est à l’origine de la privatisation du vivant, de la biopiraterie, des OGM, de l’impossibilité d’accéder aux médicaments essentiels. C’est dans les accords de l’OMC que se trouve inscrit le principe d’une concurrence que rien ne peut contrarier et qui ne peut être faussée par des considérations fiscales, sociales, sanitaires ou écologiques. Ce qui est à l’origine de l’altermondialisme est ainsi absent du texte.
Les « contributions de la LCR » ne questionnent pas les finalités de l’économie, de la production et de l’échange. Une « démocratie réelle et approfondie » ne doit pas seulement remettre en cause la propriété capitaliste et l’économie. Elle ne doit pas seulement être inscrite dans une logique de satisfaction des besoins de la population. Elle doit aussi et en même temps préserver les écosystèmes qui pérennisent le cadre de vie local et global. Les accidents climatiques de plus en plus nombreux - dont les plus faibles sont les premières victimes - attestent de cette impérieuse nécessité. L’écologie n’est pas seulement une catégorie qui s’ajoute à d’autres dont il faut aujourd’hui se soucier. Le rapport à la nature, après des siècles d’efforts pour la dominer, est devenu une question centrale de la survie de l’humanité. La perte de la biodiversité et la destruction des écosystèmes ne peuvent être reléguées au chapitre des profits et pertes du productivisme. Cette dimension est beaucoup trop absente du texte.
Enfin, dans un pays qui a intégré dans sa législation répressive les lois Pasqua, Chevènement, Vaillant, Perben, Sarkozy, Dati, dans une Europe qui se met au service de la CIA, dans un temps où partout en Europe et dans le monde sont adoptées des lois liberticides, les « contributions de la LCR » auraient été avantageusement enrichies par l’expression d’un attachement fort à la défense et à l’approfondissement des libertés fondamentales et des droits collectifs (santé, éducation, logement, travail, culture, etc.).
Je suis partant pour construire un nouveau parti qui veut radicalement changer la société et qui rejette la logique du profit et de l’accumulation, qui dénonce avec la même force le capitalisme comme la source de l’exploitation et comme la cause des destructions écologiques, qui se bat pour le maintien et l’approfondissement des libertés fondamentales et des droits collectifs, qui veut construire une authentique démocratie politique et économique, qui organise au niveau de l’Europe et du monde les solidarités d’un internationalisme du XXIe siècle. Et qui, au niveau de la méthode, refuse toute complicité avec le PS et ceux qui ne survivent que grâce à lui.
Des efforts demeurent à accomplir pour me convaincre que c’est bien à cette attente que peut répondre le projet NPA. La direction de la LCR m’a indiqué que « sur les éléments que tu indiques, il n’y a, en effet, pas de problème au sein de la Ligue ». Cela va sans dire, sans doute. Mais cela irait encore beaucoup mieux en le disant et en l’écrivant. En particulier dans le seul texte de la LCR qui doit inspirer les travaux du dernier week end de ce mois.