Sans le vouloir, Israël a démontré que l’occupation des territoires
palestiniens est bien au centre de la problématique proche et
moyen-orientale. Existe-t-il une autre région du monde où, en l’espace
de quelques heures, près de 300 personnes sont tuées de cette manière ?
L’Irak et l’Afghanistan sont battus à plate couture. Surtout,
existe-t-il un pays de la planète qui peut se permettre un tel massacre
avec le soutien même plus implicite des plus grandes puissances
mondiales ? Pourquoi, comment ? Qui peut croire un seul instant que les
roquettes balancées par des organisations palestiniennes mettent en
danger un État, Israël, dont l’armée est parmi les cinq plus puissantes
du monde ? Surtout, alors que les bombes israéliennes se déversaient
sur Gaza ce week-end, d’autres roquettes étaient encore tirées. Le
bilan est là : 1 mort côté israélien. Plus de 280 côté palestinien.
Si l’on assiste à un tel déchaînement de violence de la part de
Tel-Aviv, c’est certainement parce que la victoire aux élections
législatives (programmées pour le 10 février) sera déterminée par le
caractère belliciste des candidats. Le Likoud de Netanyahou pousse au
feu. Il n’en faut pas plus à Tzipi Livni, toujours ministre des
Affaires étrangères qui rêve d’être premier ministre et Ehud Barak,
ministre de la Défense, pour faire chauffer les réacteurs des F16 et
tester leurs nouveaux engins de mort. Triste société israélienne qui
applaudit et fait remonter Livni dans les sondages.
Les élections n’expliquent pas tout. Pas plus que le prétexte des
roquettes. Il y a un plan, une volonté politique accrochés aux missiles
qui s’abattent sur Gaza. Le premier volet est de repousser à jamais la
création d’un véritable État palestinien en approfondissant le fossé
géographique et politique entre la bande de Gaza et la Cisjordanie,
entre le Hamas et les composantes de l’OLP, à commencer par le Fatah.
N’est-il pas surprenant que cette attaque survienne au lendemain d’une
nouvelle trêve de 24 heures décrétée par le Hamas et alors que tout le
monde sait bien que les dernières salves lancées sur Israël étaient le
fait de groupes aussi divers que le Djihad islamique ou les Brigades
des martyrs d’al Aksa, proches du Fatah ? C’est d’autant plus étonnant
que le Hamas est sensible à l’état d’esprit de la population
palestinienne. C’est ce qui explique souvent ses changements
d’attitude, l’arrêt des attentats suicides ou l’acceptation de trêves.
Israël ne veut pas la paix. Ce n’est pas avec des bombes que l’on vient
à bout d’une résistance, celle d’un peuple occupé depuis plus de
quarante ans. Les dirigeants israéliens sont soutenus à bout de bras
par l’administration américaine et par les dirigeants de l’Union
européenne, Nicolas Sarkozy en tête. Tout simplement parce qu’Israël a
réussi à faire admettre son indispensable présence dans la stratégie
occidentale au Moyen-Orient en se plaçant comme rempart face à une
supposée invasion islamiste. Peu importe la fausseté de l’argument, et
surtout le mélange des genres (comme cela avait été fait entre l’Irak
de Saddam et al Qaeda) : il permet de faire croire au danger pour
l’existence d’Israël, d’amplifier le concept d’État juif, de faire
oublier l’occupation et de justifier en filigrane la possession de
l’arme atomique. D’où ces déclarations des chancelleries occidentales
qui rejettent la faute des événements dramatiques de ces derniers jours
sur le Hamas et mettent sur un pied d’égalité occupants et occupés tout
en demandant de la retenue « aux deux parties ».
Ce faisant, Israël enterre un peu plus le mouvement national
palestinien. Les manifestations se multiplient en Cisjordanie contre le
massacre perpétré à Gaza et contre les conditions de vie inhumaines qui
s’aggravent chaque jour un peu plus. Un ressentiment qui s’exprime
principalement contre l’occupant mais qui pourrait bien emporter
Mahmoud Abbas, le toujours président de l’Autorité palestinienne, dont
les déclarations laissent perplexes et qui semble de plus en plus
affaibli au sein des Palestiniens comme sur la scène internationale.
Les Israéliens laissent pourrir la situation et attendent que les
fruits mûrs tombent : l’écrasement du Hamas à Gaza, l’extinction du
Fatah en Cisjordanie. Ne resteront plus alors que quelques chefs de
tribus avec lesquels il sera très facile de négocier l’attribution de
bantoustans vides de sens et de réalité économique. Les dirigeants
israéliens pourront alors leur adjoindre ces Arabes d’Israël, comme le
veut Tzipi Livni. Pour réussir ce tour de passe-passe, il faut des
complices. Avec Washington, Paris et Bruxelles, Israël les a trouvés.