Bamako,
Au Forum social mondial (FSM) de Bamako, au Mali, l’existence de deux camps dans l’altermondialisme était palpable. L’altermondialisme en « quête de respect », soucieux d’un compromis « plus humain » avec le néolibéralisme, contrastait avec l’altermondialisme radical africain. Les initiatives des « stars » de l’altermondialisme tranchaient bien avec les débats qu’ont organisés les paysans de l’office du Niger, la radio communautaire Kayira, les mineurs et les femmes des dirigeants syndicaux actuellement dans la clandestinité du Morilla (mines d’or maliennes appartenant à Bouygues), les jeunes de l’Union de la jeunesse africaine démocratique, les producteurs et les productrices de coton de la CMDT (1), les cheminots et citoyens en lutte du Cocidirail (2). D’un côté, un sommet officiel, de l’autre, celui d’un mouvement social africain qui se structure et se développe hors du contrôle des États et des instances internationales.
Les divergences entre ces deux camps, quant au projet à porter pour un autre monde et les manières d’y arriver, pourraient être symbolisées par ce qui s’est passé concernant des sans-papiers maliens récemment expulsés de France. Ces militants proposaient une manifestation de solidarité devant l’ambassade de France sur la question des sans-papiers et du racisme que subissent les immigrés.
Malheureusement, l’ex-ministre de la Culture malienne, Aminata Traoré, figure de l’aile institutionnelle du forum, est intervenue sur le lieu du rendez-vous de la manifestation dans le but de l’annuler. Cette intervention a découragé une partie des personnes qui avait commencé à se mettre en place. Les quelques centaines de manifestants qui décidèrent finalement de continuer se retrouvèrent un peu plus loin face aux forces de l’ordre, qui interdisaient toute progression vers l’ambassade.
Quelques heures plus tôt, une représentante de Chirac s’était invitée au débat « Quelle jeunesse africaine face à l’impérialisme ? », organisé aux camps des jeunes « Thomas Sankara (3) ». On a pu ainsi entendre que Chirac aimait « l’Afrique et les étudiants africains » devant une assemblée de militants médusée. Bien sûr, l’envoyée du gouvernement français a vite fui devant les interventions radicales de militants africains révoltés par cette provocation. Ainsi, le gouvernement français peut venir perturber un débat militant sur l’impérialisme, tandis que la politique impérialiste française - générant des sans-papiers par milliers - ne peut être remise en cause quand il s’agit d’Africains. Chacun devra tenir compte des positionnements des uns et des autres sur ce moment, qui a montré les limites du forum.
Les JCR, la LCR, les militants de la IVe Internationale de plusieurs sections africaines ont pu organiser une série de rencontres avec des militants de l’altermondialisme radical présent à Bamako. Notre présence dans les manifestations, les contacts échangés avec des camarades de la gauche et du mouvement social africain, l’idée proposée, lors du débat sur « La jeunesse africaine face à l’impérialisme », d’une campagne commune en France et sur le continent pour le démantèlement des bases françaises en Afrique vont nous permettre de renforcer l’activité de solidarité avec l’Afrique. Le forum de Nairobi, en 2007, sera l’occasion de faire un premier bilan du travail amorcé à Bamako.
Notes
1. Compagnie malienne de développement textile.
2. Collectif citoyen pour la restitution et le développement intégré du rail malien.
3. Capitaine révolutionnaire, qui deviendra président du Burkina Faso, lire Rouge n°2133 [article reproduit sur le site d’ESSF : http://www.europe-solidaire.org/article.php3?id_article=1376].