Communique Mrap de Marseille
Prenant prétexte d’incidents intervenus à la suite de la mort d’un jeune homme tué par la gendarmerie, sans qu’aucune lumière n’ait été faite par la justice, et sans aucune consultation démocratique du parlement, le Président de la République vient de décider plusieurs mesures répressives contre les gens du voyage et les Roms stationnant en France.
Il s’agit notamment de la fermeture autoritaire en trois mois de 150 camps prétendus illégaux, suivie d’expulsion de millier de leurs habitants.
Sarkozy ne tient pas compte des réalités. Il y a en effet 80% des 400000 personnes du voyage qui sont de nationalité française, et les Roms sont des européens qui doivent disposer des mêmes droits que tous les membres de l’UE.
De même Le Président Sarkozy ne tient aucun compte des lois antérieures en particulier de loi du 5 juillet 2000, imposant aux municipalités des aires d’accueil, laquelle n’est d’ailleurs pas respectée dans un grand nombre de communes de plus 5000 habitants.
Celles-ci n’ont pas ouvert les terrains prévus depuis 10 ans pour accueillir les gens du voyage et les Roms.
Le comité de Marseille du Mrap, solidaire et ami des associations de gens du voyage depuis longtemps, élève une protestation solennelle contre ces mesures unilatérales et anti-démocratique.
Le Mrap continuera a assurer aux gens du voyage et aux Roms une solidarité active et ne cessera de dénoncer la politique anti-démocratique de répression totale du président de la République.
Ce discours qui flatte l’extrême droite en renforcera l’audience, et nous fait penser aux pires heures de notre histoire, celle du Régime de Vichy qui a voulu mettre à bas l’idéal républicain
Samedi 31 juillet 2010
Pour le Mrap (Mouvement contre le Racisme et la Paix) de Marseille
Réunion controversée à l’Elysée « sur les Roms et les gens du voyage »
Nicolas Sarkozy préside, mercredi 28 juillet, à l’Elysée, une réunion pour « faire le point sur la situation des Roms et des gens du voyage ». La tenue de cette réunion a été décidée après les incidents survenus à Saint-Aignan (Loir-et-Cher).
Le contexte. Dans la matinée du dimanche 18 juillet, une quarantaine de gens du voyage ont attaqué la gendarmerie de Saint-Aignan en représailles à la mort de l’un d’entre eux, Luigi Duquenet, 22 ans, tué l’avant-veille par un gendarme alors qu’il se trouvait dans une voiture conduite par son frère et qui aurait forcé un barrage routier.
Cagoulés pour certains, les gens du voyage ont tenté de forcer le portail d’entrée de la gendarmerie avant d’incendier des voitures, de tronçonner et de brûler les arbres qui bordaient la route, et de briser feux et panneaux de signalisation. Une boulangerie a été pillée et le centre-ville a été bouclé jusqu’à la mi-journée. Cette attaque a été suivie de nouvelles violences dans le département et d’une série d’interpellations.
La réaction de l’Elysée. Mercredi 21 juillet, M. Sarkozy a publié, à l’issue du conseil des ministres, un communiqué au ton jugé belliqueux par les associations et l’opposition. Reliant les violences de Saint-Aignan à celles de Grenoble, il affirme que le gouvernement mène une « lutte implacable contre la criminalité ». Pour le président de la République, « ces événements soulignent les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms ». Il est décidé à mener une « véritable guerre » à la criminalité.
Les Roms ne sont pas des gens du voyage. Après cette annonce, nombreux sont ceux qui ont critiqué les amalgames du gouvernement, le président semblant associer Roms et gens du voyage. Comme le rappelait au Monde.fr Stéphane Lévêque, directeur de la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage (Fnasat), « on a d’un côté les Roms, qui sont des citoyens étrangers de l’Union européenne [principalement de Roumanie et de Bulgarie], et de l’autre les gens du voyage, qui sont des Français à part entière, et depuis plus longtemps que les Bretons et les Savoyards ».
(Lire aussi : « Nos potes les Gitans » sur le blog Langue sauce piquante : http://correcteurs.blog.lemonde.fr/2010/07/22/nos-potes-les-gitans/)
Soupçons de stigmatisation. Les associations représentant les Roms ou les gens du voyage se sont offusquées de voir leurs communautés stigmatisées. Nicolas Sarkozy « veut nous faire la guerre mais, attention, nous sommes plus déterminés que les Tsiganes d’autrefois à ne pas nous laisser faire », menace Alain Daumas, président de l’Union française des associations tsiganes (UFAT), selon lequel la réunion « sur les ’problèmes posés par les Tsiganes’ est une première depuis la Libération ».
Cette initiative relève d’« une politique de nature raciale », accuse dans un communiqué un collectif d’associations tsiganes, qui estime que ces populations sont soumises en France à « un véritable régime d’apartheid en raison d’une législation d’exception ». Alain Daumas cite notamment les restrictions à la liberté de circulation, l’obligation de se signaler tous les trois mois aux services de police ou de la gendarmerie, ou encore le refus de certaines communes de scolariser les enfants. La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) est d’ailleurs intervenue à plusieurs reprises pour faire annuler des dispositions discriminant les gens du voyage.
Critiques de l’opposition. Au diapason, l’opposition a fustigé ces « amalgames ». Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a dénoncé lundi « la stigmatisation scandaleuse » des gens du voyage et des Roms. Sans vouloir « ignorer la réalité d’un certain nombre de faits de délinquance, de vols parmi les gens du voyage comme il y en a parmi le reste de la population », il a dénoncé cette « méthode assez classique et indigne » de la part du président de la République.
Des critiques déjà formulées dans des termes similaires, la semaine dernière, par Noël Mamère (Verts), le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, ou encore le MoDem de François Bayrou, qui ont demandé le respect de la loi Besson (du nom de Louis Besson, ministre du logement dans le gouvernement Jospin), qui crée l’obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants de réaliser des aires d’accueil pour les voyageurs.
Le message du chef de l’Etat relayé par la majorité. Mardi 27 juillet, Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, a fait ajouter un point à l’agenda des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne. « Il n’est pas question de stigmatiser une communauté ou des Etats, a indiqué lundi Pierre Lellouche. Mais nous sommes confrontés à un réel problème et le temps est venu de s’en occuper. » « Il ne s’agit absolument pas de stigmatiser une communauté mais d’enrayer des comportements délictueux fréquemment dénoncés dans les zones rurales et à la périphérie des villes », a renchéri Dominique Paillé, porte-parole adjoint du parti présidentiel.
Mais pour le sénateur UMP Pierre Hérisson, président de la commission nationale consultative des gens du voyage et auteur en 2008 d’un rapport sur leur stationnement, « ce qui s’est passé à Saint-Aignan relève du droit commun. Ce n’est pas un problème lié aux gens du voyage ».
AFP/ALAIN JOCARD
Le Monde.fr
* LEMONDE.FR | 28.07.10 | 06h35 • Mis à jour le 28.07.10 | 09h20
Roms et gens du voyage : l’histoire d’une persécution transnationale
« Comment se fait-il que l’on voit dans certains de ces campements tant de si belles voitures, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent ? » (1) Tels étaient les mots de M. Nicolas Sarkozy en 2002, alors qu’il était ministre de l’intérieur et fermement décidé à traiter le « problème rom ». Suite à ces déclarations, de nombreux camps roms sont démantelés, sous prétexte de l’illégalité de leur présence sur le territoire français. Mais, rapidement rattrapé par « une procédure à laquelle personne ne comprend rien » (2), M. Sarkozy fait alors de la « question rom » une affaire personnelle (3), multipliant les démantèlements de bidonvilles (4) et les accords bilatéraux de contrôle, notamment avec la Roumanie. Le motif de l’illégalité de présence s’efface au profit de celui de la criminalité et pose les Roms comme une population extrêmement problématique, nourrissant le débat sécuritaire qui se développe en France depuis les années 2000.
Les événements de Saint-Aignan – l’attaque d’une gendarmerie par des jeunes de la communauté rom (5), suite à la mort d’un jeune homme de 22 ans, Luigi Duquenet, abattu par les gendarmes dans la nuit du 16 au 17 juillet après avoir forcé un barrage – font resurgir le dossier de façon explosive. Au point que M. Sarkozy organise le 28 juillet une réunion spéciale à l’Elysée sur « les Roms et les Gens du Voyage », soulevant une forte indignation dans les associations et les communautés visées.
L’amalgame fait par le président de la République entre les gens du voyage et les Roms (6), autant critiqué par le monde associatif que par les chercheurs, et fortement contesté par les Roms et les gens du voyage eux-mêmes, met à jour une affaire délicate. En témoigne la multiplicité des dénominations qui existent au sein de l’Europe pour désigner ces populations (7).
Car, si les gens du voyage sont pour la plupart des citoyens français dont le mode de vie reste difficile à saisir, notamment de par leur mobilité, les Roms sont quant à eux des migrants, provenant essentiellement d’Europe centrale et des Balkans. Le regroupement hasardeux de ces deux populations dans des politiques publiques homogènes, qu’elles soient d’accueil ou sécuritaires, renforce d’autant plus cet amalgame. Les gens du voyage semblent confrontés au problème majeur de la différence et de l’altérité au sein des sociétés sédentaires, tandis que les Roms s’inscrivent dans une problématique d’immigration et de circulation au sein de l’Union européenne, fuyant la discrimination et la misère qu’ils subissent dans leur pays d’origine (8).
La réunion de ces deux populations sous le signe d’une apparente délinquance commune laisse entrevoir un durcissement de la répression en France. De nombreux exemples, à l’extérieur de nos frontières, montrent déjà des situations plus que dramatiques. En 2006, le parti politique bulgare Ataka, porté par Volen Siderov, n’hésite pas à faire campagne sur les Roms et en appeler à « transformer les Tziganes en savon » (9). L’anti-tziganisme gagne peu à peu du terrain eu Europe, comme en témoignent les expéditions punitives dans les bidonvilles de Naples et de Rome (10) en 2008. Toujours en Italie, les actes racistes et romophobes sont quotidiens : un tract appelait, en mai 2008, au « lancement de la saison… de la chasse aux animaux sauvages migrateurs comme les Roumains, les Albanais, les Kosovars, les Musulmans, les Afghans, les Tziganes et les extra-communautaires en général ».
Le désordre français est à l’image de celui qui existe dans le contexte européen. Roms et gens du voyage restent des boucs émissaires et sont l’objet de persécutions transnationales. Prétendant faciliter la libre circulation de ses citoyens, l’Europe semble paradoxalement se replier et se refermer sur elle-même lorsqu’il s’agit de la minorité rom (11).
Céline Bergeon
Doctorante à l’université de Poitiers, laboratoire Migrinter.
(1) Nicolas Sarkozy, Assemblée Nationale, 10 juillet 2002.
(2) « 29 Roms de nouveau expulsables », Le Figaro, 9 décembre 2002.
(3) Lire « Sarkozy, les médias et l’invention de la “mafia roumaine” », par Caroline Damiens, Les mots sont importants, avril 2005.
(4) Citons entre autres les expulsions du bidonville de Voie des Roses à Choisy (3 décembre 2002) ; Achères (6 mars 2003) ; La Briche, Saint-Denis (27 mars 2003) ; Montreuil (16 avril 2003) ; l’Industrie, Saint-Denis (28 avril 2003).
(5) « Violente attaque d’une gendarmerie dans le Loir-et-Cher, » Le Monde, 20 juillet 2010.
(6) « Gens du Voyage : les amalgames du gouvernement », Le Monde, 21 juillet 2010 ; « Roms et gens du voyage, briser l’engrenage de la violence », Le Monde, 27 juillet 2010.
(7) « Les Rroms dans le contexte des peuples européens sans territoire compact » (PDF), par Marcel Courthiade, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003.
(8) « Les Roms du canal de l’Ourcq », par Marc Laimé, Carnets d’eau, 17 mai 2010.
(9) « Les Roms, “étrangers proches” des Balkans », par Laurent Geslin, juillet 2008.
(10) « Roms et gens du voyage, briser l’engrenage de la violence », Le Monde, 27 juillet 2010.
(11) « L’Europe et ses frontières paradoxales », par Philippe Rekacewicz, Visions cartographiques, 27 novembre 2006.