4 mois après les élections régionales, l’heure est au bilan pour les écologistes. A Nantes, du 19 au 21 août, leurs Journées d’été auront pour thème « L’écologie à l’épreuve du pouvoir ». Pour l’heure, leurs victoires sont encore modestes.
Pour sceller l’alliance des listes Europe Ecologie avec celles menées par le Parti socialiste, entre les deux tours du scrutin de mars, ils ont dû accepter des compromis sur des dossiers emblématiques pour eux : aéroport Notre-Dame-des-Landes en Pays de la Loire, projet ITER en Provence-Alpes-Côte d’Azur... Au-delà de l’environnement, ils s’attachent à imposer une « nouvelle offre politique », singulièrement en matière économique. Mais derrière ce qu’ils appellent le « greenwashing » (récupération ou dévoiement des idées écologistes) des exécutifs de gauche, ils peinent à infléchir le modèle du PS, « productiviste » à leurs yeux.
AGENTS D’UN NOUVEAU CLIMAT
Avec 12,4 % des votes au premier tour des régionales, le 14 mars, les écologistes ont pu négocier 58 vice-présidences dans l’exécutif des 19 régions qu’ils gouvernent aux côtés du PS. Contrairement à la précédente mandature, ils occupent des postes stratégiques. Ils ont obtenu la responsabilité des transports, des lycées ou de l’emploi dans quelques régions. Par petites touches, ils s’efforcent de se démarquer du PS par un exercice, à leurs yeux, moins « notabilisé » du pouvoir. « Nous sommes les »sans-cravate« », plaisante Philippe Meirieu, chef de file d’Europe Ecologie, en Rhône-Alpes. Son groupe a déclaré la guerre aux « petits fours » et demandé la réduction du parc de voitures de fonction des élus.
A Paris, Cécile Duflot a d’emblée renoncé à la sienne. A la tête des troupes écologistes d’Ile-de-France, la patronne des Verts a demandé et obtenu le remboursement des frais de garde d’enfant pour les élus qui siègent en séances de nuit. Un acquis féministe, selon elle. La requête a suscité une colère noire du président (PS) Jean-Paul Huchon, qui y a vu une simple mesure de « confort ». Une alliance de revers entre écologistes et UMP a finalement permis que la mesure soit votée. En Aquitaine, Alain Rousset, patron (PS) de la région, a fait modifier le règlement intérieur pour lutter contre l’absentéisme dans les commissions, une demande des Verts qui remontait à la précédente mandature.
PETITS CLASHES ENTRE « AMIS »
Les sortants Verts avaient pris le pli de la cogestion dans les régions de gauche. Avec les nouveaux entrants, les relations avec le PS sont plus tendues. Et les bras de fer plus fréquents. « On s’est rendu compte qu’on n’obtient rien sans établir un rapport de forces », assume un proche de Mme Duflot. Encore, n’est-il pas toujours suffisant. Le 8 juillet, la région Ile-de-France a donné son accord à la construction d’un « village nature » de 8 000 résidences près d’Euro Disney, en Seine-et-Marne. Les écologistes ont voté contre, en commission permanente, hostiles au principe d’une nature « clôturée, tarifée et réservée à des touristes européens aisés ». En vain. Un accord PS-UMP a permis l’adoption du projet.
Les écologistes ne vont pas pour autant jusqu’à remettre en cause les accords de gouvernement passés avec le PS. Dans les dix régions où ils disposent d’une minorité de blocage, ils ne l’ont jamais mise en œuvre. « On veut montrer qu’on est capable d’impulser et pas seulement d’empêcher des projets », affirme Jean-Vincent Placé, vice-président (Verts) chargé des transports en Ile-de-France. Le 27 mai, en Rhône-Alpes, les écologistes ont préféré s’abstenir de voter des subventions à des programmes de recherche dans le domaine du nucléaire et des nanosciences plutôt que de bloquer les crédits. « J’essaie d’être constructif », expose M. Meirieu, dont les relations avec Jean-Jack Queyranne sont jugées « difficiles », à l’abri des micros.
« On a des intérêts communs, même si c’est parfois conflictuel », reconnaît M. Rousset. « La question pour les écologistes reste de savoir comment passer d’agitateurs d’idées à gestionnaires », résume Marie-Pierre de la Gontrie, première vice-présidente (PS) d’Ile-de-France.
COMBATS POUR L’EMPLOI
L’économie est devenue leur nouveau cheval de bataille. Pour tenter de démontrer que défense de la planète ne rime pas forcément avec chômage, ils ont l’engagement du PS que soient organisés, dans les prochains mois, dans toutes les régions de gauche, des « états généraux de la conversion de l’économie ». Ces rencontres avec les syndicats de salariés et du patronat, les élus, les associations sont censés déboucher sur des « contrats de conversions par filière » : les salariés de l’automobile, du nucléaire, de l’armement se verraient proposer des formations pour se reconvertir dans les transports collectifs, l’isolation des bâtiments, le recyclage... 170 000 emplois en Ile-de-France, 50 000 en Rhône-Alpes, 40 000 en PACA pourraient être créés, affirment les écologistes.
Ce qui suppose, disent-ils, une réorientation de la formation professionnelle et la fin du « saupoudrage » des aides économiques. Le défi n’est pas mince. Par temps de crise, les exécutifs socialistes considèrent d’abord les régions comme des « boucliers sociaux » capables d’amortir le choc de la désindustrialisation. Pas question, par exemple, pour le PS, d’abandonner le soutien à l’industrie automobile en Ile-de-France.
Béatrice Jérôme avec Yan Gauchard (Nantes), Luc Leroux (Marseille), Claudia Courtois (Bordeaux) et Jacques Boucaud (Lyon)