À l’issue de la première semaine de négociations, les perspectives de
« compromis positifs » semblent éloignées. Les accords sectoriels espérés pour
permettre la poursuite du processus - accord sur la déforestation (REDD+) et
accord sur le fonds vert de financement annoncé à Copenhague - entendaient
se passer du renouvellement des engagements des pays industriels à des
réductions d’émissions et des financements significatifs.
Ces questions, passées sous la table au départ des négociations, reviennent
en discussion avec le refus des pays du Sud que soit abandonnée l’idée d’un
traité contraignant. Le Japon, suivi de la Russie et du Canada, a exprimé
clairement ce qui se tramait en coulisses : le front du refus des pays
riches à s’engager dans une seconde période « post-Kyoto » s’élargit.
La réaction des pays de l’ALBA lors d’une conférence de presse a été sans
appel : les responsables des délégations de la Bolivie, du Venezuela et de
l’Equateur entre autres ont clairement rappelé que les accords sectoriels ne
pouvaient être seulement des accords techniques, mais qu’ils étaient
eux-mêmes conditionnés par des engagements clairs en vue d’un traité
contraignant pour l’après 2012.
Mais « l’échec » de Copenhague amplifie les discours de tous ceux qui
voudraient réduire ces négociations à des discussions techniques et qui sont
prompts à accuser toute expression politique de tentative de sabotage.
Les grandes puissances ont repris de l’assurance et tentent de faire tomber
les jalons restants.
Le paquet dit « LULUCF » est en passe d’être agréé (Land use, land-use
change and forestry, usage de la terre, transformation de l’usage de la
terre et des forêts) : il s’agit de compenser les émissions par le
développement des capacités de la terre et des forêts à capter et séquestrer
le carbone (puits de carbone). C’est l’Union européenne qui pilote la
négociation. En effet le LULUCF permettrait d’amoindrir les obligations de
réductions d’émissions de GES en comptabilisant les gains de réduction
offerts par le développement des bioénergies (biomasse, biochar) et des
techniques de stockage de carbone dans les sols ou les plantations (puits de
carbone). L’Union européenne y voit non seulement un instrument idéal
d’ajustement de ses engagements mais aussi un dopant inespéré pour son
économie. La terre serait ainsi mobilisée pour délivrer des millions de
crédits carbone !
L’accord sur la déforestation dit REDD+ serait déjà conclu si les pays de
l’ALBA, menés par la Bolivie, ne s’opposaient pas au financement privé des
projets par les mécanismes de la finance carbone, fondés sur l’idée de
compensation et réduisant ainsi les obligations des pays riches à réduire
réellement les émissions sur leur territoire. Les pays de l’ALBA et les
mouvements sociaux, en particulier la plupart des communautés indigènes,
exigent que la préservation des forêts soit financée par des fonds publics
et dans le respect des droits des populations locales.
Les montants des financements ne sont plus discutés, alors que les sommes
avancées dans le texte de Copenhague ne sont pas suffisantes. Seule leur
structure est en jeu. Une proposition mexicaine, qui semble en fait être
celle des USA, a pris de court les négociateurs : les pays développés (qui
refusent tout engagement contraignant) demandent aux pays en développement
de s’engager sur des chiffres et des actions d’atténuation avant de trancher
sur les modalités et les montants des financements. Quant au Fonds vert, il
serait administré par la Banque mondiale. En l’absence de financements
publics, ce fonds serait alimenté de fonds privés, via les marchés du
carbone notamment, alors que la proposition du G77+Chine consiste à abonder
un fonds onusien par le versement obligatoire de 1,5% de leur PIB par les
pays développés.
Le déséquilibre entre l’importance des délégations des pays industrialisés
et la faiblesse de celles des pays en développement est criant. Et les
rumeurs de restriction de l’accès des ONG à l’espace de négociations dans la
phase finale de discussion (à partir de mercredi) s’amplifient.
C’est dans ce contexte que les mouvements paysans, les associations des
peuples indigènes, les mouvements sociaux présents à Cancún manifesteront
pour faire entendre la voix des peuples, celle qui s’était manifestée à
Cochabamba et dont l’esprit semble bien loin des négociations officielles.
Attac France,
Cancun, le 6 décembre 2010