Dans un Vietnam muselé par la censure la voix du général Vo Nguyen Giap, second personnage le plus respecté de l’histoire du pays après Ho Chi Minh, semble tomber à pic. Alors que le parti communiste a fait de l’exploitation des réserves de bauxite - principal minerai de l’aluminium - « une politique majeure du parti et de l’Etat », le vieil homme s’est servi du 55e anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu, dont il avait été le héros, pour dire son point de vue au 1er ministre Nguyen Tan Dung. « J’espère que vous faites attention aux hauts plateaux », lui a t-il lancé le 7 mai dernier. Si des mines venaient à proliférer sur cette terre agricole fertile, elle pourrait, selon les détracteurs du projet, subir des dommages irréparables, « plus importants que les bénéfices économiques escomptés ».
Les reproches du général Giap sont de trois ordres : il craint d’abord les dégâts environnementaux, la bauxite nécessitant de surcroit l’utilisation de grosses réserves d’eau et d’électricité, dont le Vietnam manque, mais il redoute aussi les conséquences néfastes sur les minorités ethniques de la région et sur la sécurité nationale. En janvier dernier déjà, Vo Nguyen Giap avait écrit une lettre ouverte au gouvernement, dans laquelle il rappelait que dans les années 80, une enquête environnementale réalisée par des experts soviétiques avait conclu à « des dommages écologiques dévastateurs sur le long terme ».
Intérêt économique
Reste que le Vietnam est considéré comme le 3e détenteur de bauxite au monde, une donnée imparable qui a poussé le gouvernement à signer deux contrats d’exploitation en 2007. Objectif : exploiter 8 milliards de tonnes de minerai, dont les deux tiers se trouvent dans les hauts plateaux du centre. Sous la houlette de l’entreprise d’état Vinacomin, un contrat d’exploitation a été passé avec une filiale du géant chinois Chinalco. Malgré les différends ancestraux et les conflits territoriaux encore à l’œuvre entre les deux pays, Hanoi compte sur Pékin pour investir d’ici 2025 une partie des 15 milliards d’euros dont elle a besoin pour exploiter ses réserves. Difficile donc de repousser d’un revers de manche les propositions chinoises. Mais face aux pressions du général Giap, dont l’engagement a drainé derrière lui les revendications d’une centaine d’intellectuels, le 1er ministre a été contraint de lâcher du lest, et de commander le mois dernier une étude environnementale. A suivre.
Terraeco.net
Sources de cet article
L’AFP
Le site de Radio Free Asia