Le Financial Times du 15 septembre 2015 titrait : « Les promesses non tenues hantent la campagne de Tsipras ». Cela se concrétise dans les résultats des sondages – dont la fiabilité est certes discutée car participant à la campagne des médias dominants – qui, pour la plupart, mettent les intentions de vote pour Syriza à quelques points de celles de la Nouvelle Démocratie. Or, dès l’annonce d’élections anticipées par Alexis Tsipras – élections concoctées lors des négociations des 12-13 juillet –, le directeur de cabinet de Jean-Claude Juncker, Martin Selmayr, déclarait : « Des élections anticipées rapides peuvent être un moyen d’élargir le soutien au programme qui vient d’être signé. » (Les Echos, 21-22 août 2015) Cet élargissement du soutien politique au troisième mémorandum est au centre des scénarios que les médias multiplient actuellement sur le type de coalition gouvernementale que Tsipras – si Syriza est en tête lors des élections du 20 septembre – mettra en œuvre. Pour rappel, le troisième mémorandum a été adopté grâce aux votes de la Nouvelle Démocratie et du Pasok, les partis historiques des deux mémorandums précédents de 2010 et 2012.
Quel était l’objectif immédiat de la direction politico-gouvernementale de Tsipras – au sein de laquelle Yannis Dragasakis et Giorgios Stathakis jouaient et jouent un rôle central – en appelant à des élections anticipées ? Marginaliser au maximum le poids politique du « non » au troisième mémorandum qui s’est exprimé dans les instances de Syriza – que le gouvernement n’a cessé de vouloir de vider de tout pouvoir décisionnel – et dans le parlement. Une opposition qui s’est traduite finalement par la rupture d’avec Syriza et son gouvernement de 25 parlementaires qui, dans la foulée, ont participé à la création d’une coalition portant le nom d’Unité populaire.
L’Unité populaire doit donc faire face aux effets d’une défaite d’ampleur qui peut être imputée à la stratégie adoptée par la direction de Syriza, qui s’exprima ouvertement dès le premier accord avec les créanciers en date du 20 février. Toutefois, cette défaite ne peut être analysée – même si l’intelligence a posteriori fait trépider les neurones de nombreux commentateurs – en dehors des rapports de force sociaux, politiques et économiques d’ensemble à l’échelle européenne. En outre, au sein même de Syriza, la force de frappe gouvernementale, avec ses relais dans un appareil d’Etat laissé quasi intact, neutralisait les oppositions aux pratiques cumulatives de subordination aux « conditions-cadres » défendues avec une détermination de classe implacable par l’association entre les « institutions » (ex-troïka et Mécanisme européen de stabilité) et la classe dominante grecque. Le résultat « exceptionnel » du référendum du 5 juillet – 61,3% de « non » – ne peut être détaché et isolé de la courbe plane des mobilisations sociales d’une certaine ampleur dès la fin de 2012 et, dès lors, d’un transfert d’espoir dans le gouvernement élu le 25 janvier. Un transfert qui devrait être saisi en prenant en compte le contexte d’une société ébranlée dans ses tréfonds suite à une régression sociale assimilable aux effets d’une guerre.
Nous [renvoyons au] programme adopté par l’Unité populaire pour les élections du 20 septembre [1], il est souligné notamment que la rupture avec l’Eurozone découlant de l’obstacle placé par ses institutions pour répondre aux besoins sociaux fondamentaux débouche certes sur l’adoption d’une monnaie nationale. Mais la drachme ne peut être qu’un outil d’un programme de transition d’ensemble et ne peut pas s’y substituer.
L’Unité populaire, comme front d’organisations, en est à ses premiers pas. Les résultats du 20 septembre ont leur importance. Pour l’heure, dans la large majorité des sondages l’Unité populaire est crédité de 3 à 5% des intentions de vote. Les scénarios politiques issus de ces élections sont multiples. Mais l’interrogation principale reste : quelles seront l’ampleur et les formes du rejet des conséquences très concrètes du déploiement du troisième mémorandum.
Rédaction A l’Encontre