L’opération a valeur de symbole. Le fabricant de machines KraussMaffei, un des grands noms de l’industrie allemande, va passer sous contrôle chinois. Un accord de cession a été conclu en faveur du principal chimiste chinois, China National Chemical (ChemChina), qui va acheter l’entreprise pour 925 millions d’euros, a annoncé ChemChina lundi 11 janvier. C’est le plus important investissement chinois jamais réalisé en Allemagne. KraussMaffei appartenait depuis 2012 au fonds d’investissement canadien Onex.
ChemChina, un groupe à capitaux publics, s’offre ainsi l’une des icônes de la puissante mécanique allemande, dont les origines remontent cent sioixante-dix-huit ans en arrière. L’entreprise de Munich porte le nom de deux industriels qui ont fait fortune en participant à l’essor des chemins de fer au XIXe siècle : Georg Krauss (1826-1906) et Joseph Anton von Maffei (1790-1870). Leurs deux sociétés ont fabriqué des milliers de locomotives à vapeur à partir de 1841, avant de fusionner en 1931. Le groupe a alors diversifié sa production, notamment dans l’armement et les chars.
Après être passé dans le giron de Mannesmann, Krauss-Maffei a été démantelé à la fin des années 1990. Siemens a repris les activités ferroviaires. La branche de véhicules militaires a fusionné avec Wegmann, pour devenir Krauss-Maffei Wegmann, qui s’est rapproché du français Nexter à la fin de 2015. Quant aux machines pour l’industrie du plastique et du caoutchouc, elles sont devenues le cœur du nouveau groupe KraussMaffei, désormais séparé des autres métiers.
Ambitions chinoises
C’est cette activité de machines-outils pour les transformateurs de plastique et de caoutchouc qui, après avoir été contrôlée par le fonds américain Madison Capital puis le canadien Onex, devient aujourd’hui chinoise. Elle emploie environ 4 500 personnes, dont 2 800 en Allemagne. Son chiffre d’affaires, établi à 1,1 milliard d’euros en 2014, devrait avoir progressé de 10 % en 2015.
ChemChina s’est allié pour l’occasion à deux partenaires qui vont l’aider à financer la transaction : Guoxin International Investment et AGIC Capital. Objectif affiché par Ren Jianxin, le président de ChemChina : « Accélérer l’offre de produits et l’intégration des activités. »
L’opération confirme l’ambition des grands groupes chinois, aiguillonnés par l’Etat, qui investissent de plus en plus hors de leurs frontières à coups d’acquisition. C’est en particulier le cas de ChemChina. En France, ce groupe public a acheté dès 2006 Adisseo, une ancienne filiale de Rhône-Poulenc spécialisée dans les additifs pour l’alimentation des animaux. De façon plus spectaculaire, ChemChina a mis 7,1 milliards d’euros sur la table en 2015 pour mettre la main sur le fabricant de pneus italien Pirelli.
Le puissant groupe chinois a ensuite tenté de prendre le contrôle d’une cible encore plus importante, le chimiste suisse Syngenta. Mais ce dernier a jusqu’à présent refusé ses offres successives, qui valorisaient pourtant Syngenta à plus de 40 milliards de dollars (36,74 milliards d’euros).
Denis Cosnard
Journaliste au Monde