Empêchée de déclarer Marie-George Buffet candidate à l’issue de la réunion de Saint-Ouen, les 9 et 10 décembre, la direction du PCF a décidé de consulter les militants pour savoir si Marie-George Buffet devait être maintenue comme candidate du rassemblement antilibéral, ou retirée au profit d’un autre. À l’heure où nous mettions sous presse, le résultat de cette consultation n’était pas connu, mais elle devrait davantage prendre la forme d’un plébiscite que celle d’un choix démocratique. Ce qui est évident, c’est que le débat fait rage au sein de ce parti et jusqu’au sommet de l’appareil. Plusieurs membres de la direction ont démissionné. Les instances de base et de direction intermédiaire se déchirent.
Quelles sont les racines de cette crise ? L’incapacité à imposer Buffet à Saint-Ouen l’a précipitée. Mais elle vient de plus loin. Le retour critique sur le stalinisme a ouvert une phase de redéfinition identitaire. Ce phénomène, qui a fait éclater les autres partis communistes en Europe, de l’Italie à l’Espagne, a eu, en France, un autre effet, celui de brouiller les repères et d’entraîner depuis vingt ans une érosion militante et électorale qui, si elle n’est pas linéaire, n’en est pas moins constante.
L’autre raison de fond, qui n’est pas sans lien avec la première, réside dans les zigs-zags permanents du PCF dans sa relation à l’autre grande composante de la gauche, le PS. Plus que jamais, on trouve à la base du PCF des aspirations contradictoires. Il y a ceux qui jugent indispensable l’alliance avec la direction socialiste pour peser sur les politiques menées et sauver les positions institutionnelles du parti. Et il y a ceux qui gardent un mauvais souvenir des expériences gouvernementales, de 1981 à 1984, puis de 1997 à 2002, où le PCF a été associé sans trop rechigner à des politiques libérales et l’a payé cher. Jusqu’à occasionner à son candidat en 2002, Robert Hue, un sérieux revers1. En cherchant un point d’équilibre entre ces deux aspirations, la direction du PCF a fini par se prendre les pieds dans le tapis. Le pari qu’elle a fait n’a pas fonctionné : satelliser les forces issues du 29 Mai pour donner un élan à sa candidate, laisser ouverte la possibilité d’une alliance avec le PS une fois l’élection passée, parvenir à sauver un groupe à l’Assemblée nationale.
Quant aux autres sensibilités du collectif national, elles recherchent, depuis des semaines, une solution de rechange à Buffet, acceptable par la direction du PCF. Selon certaines d’entre elles, le choix du député européen Francis Wurtz « serait de nature à rouvrir la discussion au sein du collectif national d’initiative, dans l’objectif de conjurer la menace d’un échec du rassemblement antilibéral. »2
Approfondir le débat
Pour notre part, nous comprenons mal ce que cela changerait fondamentalement de remplacer une dirigeante communiste par... un dirigeant communiste. Nos désaccords avec Wurtz sont les mêmes qu’avec Marie-George Buffet. Ils portent sur le pouvoir. Car il ne suffit pas de savoir qui conduit le train antilibéral. Il faut avoir la certitude que tous les passagers soient bien informés de sa destination véritable. La voie d’avenir, c’est l’indépendance stricte, ferme, sans sectarisme mais sans concession, vis-à-vis de la gauche libérale.
Ce choix de stratégie, nous l’avons proposé sans succès à plusieurs reprises. Nous ne voyons plus aujourd’hui comment faire avancer positivement les choses au sein du collectif national, enfermé dans une quête sans fin de l’introuvable. Il n’existe aucun candidat qui pourrait allier, dans une même campagne, ceux qui veulent une nouvelle forme d’union de la gauche au gouvernement - position affichée avec clarté par Mélenchon et ses camarades - avec ceux qui, comme nous, rejettent cette perspective.
Cela dit, parce que nous demeurons plus que jamais favorables au rassemblement durable de tous les anticapitalistes, nous restons ouverts à la discussion, avec les militants communistes et les regroupements militants qui se situent dans cette perspective. Cela vaut pour les élections. Cela vaut aussi - et surtout - pour qu’émerge enfin un outil efficace pour la lutte d’ensemble des travailleurs et de la jeunesse.
Notes
1. Avec 3,37 % à la présidentielle, Robert Hue était devancé par Arlette Laguiller et Olivier Besancenot. 2. Communiqué commun du 18 décembre de plusieurs composantes politiques favorables à des candidatures unitaires de la gauche antilibérale et signé par Pierre Carassus (Gauche républicaine), Éric Coquerel (Mars), Pierre Cours-Salies et Claire Villiers (Convergence citoyenne), Christian Picquet (courant unitaire de la LCR).