Le 26 juin 2011, notre ami Han Dongfang a publié un document frappant dans « The Guardian ». Il y soutenait que la Confédération syndicale internationale (CSI-ITUC) devrait « discuter avec l’ACFTU de son affiliation. » Il a appelé les syndicats internationaux à admettre la centrale syndicale officielle syndicale (ACFTU), afin d’aider cette dernière à « mieux répondre aux besoins de ses membres et finalement devenir une véritable organisation syndicale ».
La raison donnée par Han Dongfang est qu’il voit des signes de véritable réforme au sein de l’ACFTU en ce qui concerne la défense des intérêts des travailleurs, déclarant que « cette année déjà, l’ACFTU a mis en place des initiatives visant à augmenter les rémunérations des salariéEs par le biais de négociations avec des directeurs d’usine et des dirigeants de fédérations patronales. »
Pour illustrer sa position, il donne l’exemple de l’augmentation des salaires à l’usine automobile de Nanhai Honda suite à la négociation entre le syndicat et la direction, en mars 2011.
Cependant, les négociations de Honda depuis juin dernier révèlent ouvertement le caractère « administratif » du pouvoir accordé à l’ACFTU par l’Etat et le parti.
Nous nous inquiétons de la réplication rapide d’un tel modèle de négociation collective axé sur des objectifs pré-déterminés. Celui-ci ne vise qu’à renforcer la seule institution syndicale officielle, en retirant leur légitimité aux grèves ouvrières ainsi qu’aux élections syndicales démocratiques.
Bien entendu, si des responsables de l’ACFTU de niveau inférieur commencent à demander aux dirigeants de l’entreprise d’augmenter les salaires, c’est beaucoup mieux que lorsqu’ils font le contraire. Au cours de la crise économique de 2008-2009, l’ACFTU avait soit soutenu la décision des gouvernements locaux de geler les salaires, soit permis aux patrons de cesser de verser les cotisations aux caisses de sécurité sociale.
Ce changement est toutefois un pas trop petit pour être considéré comme le signe d’une réforme importante et « authentique » de l’ACFTU.
La victoire claironnée par l’ACFTU ne résulte pas d’une véritable négociation collective.
En fait, l’intention de l’ACFTU est claire quand elle décrit ce qu’elle promeut comme étant des « consultations collectives », et non pas des « négociations collectives ». En effet, le terme de « négociation » peut suggérer une sorte de confrontation entre employeurs et employéEs, qui n’est le le cadre dans lequel se situe le syndicat officiel.
Même si un jour l’ACFTU commence à reconnaître le terme « négociation collective », cela ne serait pas nécessairement en soi un acte encourageant.
Le mouvement syndical international repose sur trois principes directeurs fondamentaux :
– la liberté de former des syndicats,
– le droit à la négociation collective,
– le droit de grève.
Ce n’est que lorsque tous les trois sont reconnus simultanément, par l’État et les employeurs, non seulement en paroles mais en actes, que chacun de ces droits peut avoir un sens pour les salariEs.
A cela s’ajoute la nécessité pour eux de jouir des libertés civiles, qui est également indispensables au mouvement ouvrier. Et en Chine, les libertés civiles sont pratiquement absentes.
Compte tenu de cette situation, faire valoir que l’ACFTU réalise des avancées dans sa réforme et qu’elle est mieux à même de représenter les intérêts des salariéEs, ressemble davantage à un vœu pieux qu’à une appréciation objective de la réalité.
L’ACFTU a peut-être parfois pris des initiatives pour promouvoir le droit du travail ou tenté de négocier avec les employeurs pour une augmentation des salaires dans certaines entreprises, mais cela ne peut pas compenser ce que les salariéEs ont perdu.
Les travailleurs sont privés des libertés civiles fondamentales en général, et des trois droits fondamentaux du travail en particulier.
Cela signifie que lorsque les intérêts légitimes des salariéEs sont niés par des employeurs sans scrupules et que le système judiciaire est loin d’être impartial, les salariéEs restent sans défense. Ils/elles ne sont en effet pas autorisés à organiser des grèves ou des manifestations pour faire entendre leur voix. Cela fait de la Chine un endroit idéal pour les capitalistes.
Dongfang a foi dans la réforme de l’ACFTU, mais notre travail sur le terrain montre que les salariéEs pensent autrement.
Ils/elles répondent explicitement qu’en réalité, les syndicats ne représentent tout simplement pas leurs intérêts, et que lorsqu’ils/elles consultent les dirigeants syndicaux sur la façon de former un syndicat, ils sont accueillis avec indifférence et découragement par tous les niveaux de l’ACFTU.
Nos échanges avec les salariées à propos de la mise en œuvre de la loi sur les contrats de travail montre également que plus de 60% ne savaient pas qu’ils avaient le droit de demander aux syndicats de « conclure des contrats collectifs avec les entreprises ». Ils/elles ajoutent que les syndicats ne font rien pour former les salariéEs à ce sujet.
Une autre enquête auprès des salariéEs de Foxconn concernant le rôle et la fonction des syndicats a montré des résultats similaires. Lors des conflits du travail, les salariéEs ne veulent pas faire confiance aux syndicats parce que de nombreux dirigeants syndicaux font simultanément partie de la direction des entreprises.
Les commentaires de Dongfang ont exagéré, sinon grossièrement surestimé, les mouvements isolés de l’ACFTU comme un grand pas en avant. Il oublie le cadre plus général d’absence persistante de droits fondamentaux en Chine, et en particulier, le plein droit des salariéEs à choisir librement et démettre leurs représentantEs sur le lieu de travail sans représailles.
Pour toutes ces raisons, nous ne pensons pas que le point de vue de Dongfang sur l’ACFTU sera adopté par les masses laborieuses en Chine.
27 juillet 2011
Asia Monitor Ressource Center (AMRC)
Globalization Monitor (GM)
Worker Empowerment (WE)
Traduction A.B.