En Ukraine, plus de 180 espèces animales ont été inscrites sur la liste rouge des espèces menacées,, comme le lynx ou la grue cendrée. L’ours brun, lui, a le statut d’animal en voie de disparition. Dans tout le pays, on dénombre encore environ 300 ours et 500 lynx. Mais ils sont tous en danger.
Les incendies sont une de ces menaces. Dans les écosystèmes où les feux de forêt surviennent de façon naturelle, les animaux se sont adaptés à leur influence. Par exemple, l’écosystème de l’ouest des États-Unis en dépend. Une fois tous les 50, 100 ou 120 ans, la forêt brûle totalement, et, à sa place, une nouvelle forêt pousse. Le cycle de la vie se poursuit.
En Ukraine, la situation est différente : dans la majorité des cas, les incendies sont d’origine criminelle et créent un stress supplémentaire pour les animaux. Les feux qui ont récemment frappé la zone de Tchernobyl se sont déclarés en plusieurs endroits à la fois, et cela a eu pour résultat que près de 5 % du territoire du parc naturel de Tchernobyl et de la biosphère en zone écologique irradiée ont été brûlés. Par conséquent, une grande partie des animaux sont partis vers d’autres territoires, où ils ont davantage de possibilités de se procurer de quoi manger.
Des ours et des oiseaux rares
À Tchernobyl, des caméras ont récemment filmé un lynx. D’après les estimations des spécialistes, on en trouve entre 10 et 14 dans la zone d’exclusion [contaminée par la radioactivité après l’accident de la centrale nucléaire, en 1986]. De temps en temps, des ours bruns y passent aussi, venus de la Biélorussie voisine. Pour le moment, nous ne savons pas si les ours, une fois en Ukraine, s’installent pour hiberner. On trouve également dans cette zone des marécages où ont été observés des pygargues à queue blanche et d’autres espèces d’oiseaux rares.
La zone d’exclusion est un territoire unique au monde, qui a subi un niveau minimal d’intervention et d’influence de l’homme au cours des trente dernières années. C’est un bon exemple de la façon qu’a la nature de se renouveler sans intervention humaine. On y a assisté à l’apparition d’ours, de lynx, de loups, d’une grande quantité d’ongulés. C’est un parc zoologique à ciel ouvert.
On trouve également des ours dans les Carpates, mais cette population est directement menacée. Des études ont été réalisées sur les causes de la mort de ces plantigrades, et cela n’a rien à voir avec d’éventuels dégâts commis par ces prédateurs, qui, de temps à autre, peuvent tuer une vache ou un mouton. Malheureusement, la cause majeure de la disparition des ours dans les Carpates est liée à la volonté de certains hommes de s’affirmer. Pour les riches et les influents – politiciens, députés, juges et autres hommes d’affaires –, c’est en effet une question de statut. Ils partent passer un week-end à la montagne pour chasser, parce qu’ils n’ont pas le temps d’aller faire des safaris en Afrique.
Selon les dernières estimations, une chasse à l’ours clandestine coûterait entre 5 000 et 15 000 euros. Ces gens viennent en montagne afin de démontrer qu’ils peuvent se permettre de tuer un ours et qu’ils ne seront pas punis pour autant. Au cours de l’année écoulée, neuf ours ont été tués dans les Carpates. Dans les années 1970, on en recensait environ 1 200 à 1 500. D’après les données les plus récentes, ce nombre aurait chuté à 300. Et les oursons qui survivent sont eux aussi victimes des braconniers, dans un autre but.
Plus de 3 000 euros pour un lynx
Le commerce illicite d’animaux sauvages est en effet l’un des plus lucratifs. Il occupe la troisième ou quatrième place dans le monde, après le trafic des stupéfiants, des armes et des personnes. Il représente une valeur totale d’environ 20 milliards de dollars par an, et l’Ukraine y est copieusement impliquée. La question du commerce des espèces est évidemment aussi une question de statut.
Certains sont prêts à payer des millions de dollars pour posséder exclusivement des animaux rares. Les gens s’en procurent simplement parce qu’ils veulent en avoir, même s’ils n’ont pas les connaissances nécessaires pour s’occuper de ces animaux. On peut ainsi acheter en toute liberté des lynx, des lions, des tigres. Sur le site spécialisé OLX, un lynx coûte 3 500 dollars [environ 3 120 euros]. S’il y avait encore des mammouths, il est probable que l’on pourrait en acheter en Ukraine.
Nous avons tous notre part de responsabilité – que faisons-nous pour empêcher la disparition des derniers vestiges de la nature qui nous entourent ? Allons-nous prendre des mesures, quelles qu’elles soient, pour préserver l’environnement et les espèces rares elles-mêmes ? En Ukraine, nous rêvons de routes de bonne qualité, et cette question va rapidement devenir d’actualité pour nous. Quand notre pays commencera à se doter d’infrastructures de transports dignes de l’Union européenne, cela aura une influence considérable sur la diversité des espèces.
Nous avons construit de grandes cités qui abritent des millions d’habitants, érigé d’énormes barrages sur le Dniepr, nous avons bloqué le cours naturel des fleuves, nous stockons l’eau dans des réservoirs et des lacs artificiels pour nos nécessités domestiques – c’est ainsi que nous vivons, certes. Or, toutes les espèces animales ne peuvent pas s’habituer à vivre avec l’homme.
Par exemple, la cigogne fait son nid sur les poteaux, les toits, et elle vit en bonne intelligence avec l’humain. Mais des animaux comme le lynx ne peuvent pas vivre avec l’homme. Ils ont besoin d’un petit coin perdu dans la forêt, où personne n’ira les déranger, car tel est leur caractère. Nous devons respecter le droit des lynx à vivre dans des forêts perdues, qui ne doivent pas être ravagées par l’abattage excessif ou par le percement de routes.
Nous devons adopter une stratégie nationale de préservation de la biodiversité et de l’environnement des espèces. Nous ne pourrons pas sauver le lynx si nous ne pensons pas d’abord à la forêt dans laquelle il va vivre.
Olha Kyrylenko
Bohdan Vykhor
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