“L’année 2020 a été un désastre pour les Philippines. Pire que ce qu’elle aurait dû être en comparaison de nos pairs”, assène d’emblée, dans un éditorial, le Philippine Daily Inquirer..
“Les faits parlent d’eux-mêmes. Le pays enregistre le plus grand nombre de décès du Covid dans la région, et il s’est placé en tête durant des mois en nombre d’infections. L’économie devrait enregistrer une récession de 10 %, la plus importante dans la région et une des plus importante dans le monde en développement.”
The Lancet classe les Philippines parmi les trois pays avec les pires résultats en matière de gestion de la pandémie. Parmi les mieux classés, on trouve Taïwan, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, la Birmanie (Myanmar) et le Cambodge. “Nos voisins”, souligne le quotidien.
À partir de l’observation de ces voisins, “presque tous des pays en développement aux conditions climatiques similaires” à celles des Philippines, on peut, poursuit le journal, tirer cinq leçons pour le président Rodrigo Duterte et ses successeurs.
Une gestion erratique
Première leçon : l’équilibre. Si la gestion de la pandémie en Indonésie par le président Joko Widodo n’est pas idéale, le président populiste n’a pas exploité la crise en imposant un confinement excessivement long et strict. “Duterte avait raison d’imposer des mesures de distanciation sociale, mais elles sont arrivées trop tard et ont été appliquées trop longtemps.” Résultat : une économie en berne, mise en péril par “un des plus stricts et des plus longs confinements du monde, conduisant un nombre incalculable d’entreprises à la perte”.
Et malgré cette situation, regrette le journal, le programme d’aide à la reprise économique est l’un des plus faibles dans la région.
Second enseignement : la souveraineté. De nombreux pays asiatiques ont imposé rapidement des restrictions de voyage en provenance de Chine dans les premières phases de la pandémie. Ce qui n’a pas été le cas aux Philippines. De même, au sujet des vaccins, alors que le gouvernement laisse la porte ouverte à l’importation de vaccins chinois, dont certains sont encore en phase de test, le quotidien cite le Premier ministre cambodgien qui, quoique “considéré comme un laquais de la Chine”, a déclaré que son pays n’était “pas une poubelle ni le lieu pour un test vaccinal”.
Importance de la structure des États
Le troisième enseignement de cette crise, selon le journal, tient plus à la nature des institutions. Ainsi, “les pays avec un État fort plutôt qu’un homme fort étaient plus à même de s’adapter à la complexité des crises liées à la pandémie”. D’ailleurs, ajoute l’éditorial, “il est tragique de constater que des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni, admirés depuis longtemps pour la robustesse de leurs institutions démocratiques, se retrouvent affaiblis par la gouvernance de dirigeants incompétents et erratiques”.
Quatrièmement, tient à préciser le Philippine Daily Inquirer, le succès des pays voisins tient à la cohésion sociale, c’est-à-dire à la confiance dans les institutions publiques ainsi qu’entre les citoyens. “De Taïwan au Vietnam, des régimes démocratiques et autoritaires ont réussi à convaincre les citoyens d’appliquer les mesures d’hygiène sans avoir à recourir à un confinement strict.”
Le populisme, un danger pour la santé
Une remarque qui conduit le journal à son cinquième et dernier point, qui concerne le style de gouvernement. “Les pays avec des dirigeants populistes ont moins bien réussi, puisque ces chefs populistes usent de stratégies visant à diviser pour régner, tablent sur la désinformation et adoptent des postures machistes dénuées de sens.”
“Si de telles bouffonneries peuvent être efficaces durant les élections, non seulement elles ne protègent pas les gens durant les crises, mais elles exacerbent ces dernières.”
Philippine Daily Inquirer
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