« Je perdrai peut-être mais je ne veux pas abandonner. Il en va de la santé des Dunkerquois », a déclaré le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, le 12 février, devant le refus des autorités nationales de fermer les collèges et lycées, alors que plusieurs clusters ont été identifiés dans la ville et que 68 % des contaminations proviennent de virus mutants.
Même déconvenue en Moselle. François Grosdidier, maire de Metz, avait demandé la veille un confinement strict et la fermeture anticipée des écoles pour ce département où 300 cas de Covid-19 liés aux variants apparus en Afrique du Sud et au Brésil ont été identifiés. Le préfet de Moselle annonçait le lendemain qu’« il n’y aura pas de nouvelle mesure », tandis que le ministère de l’éducation nationale allégeait à nouveau son protocole sanitaire.
La question de nouvelles mesures pour freiner la circulation du virus et de ses variants n’est-elle à l’ordre du jour que pour ces deux territoires ? Non, et c’est le débat de l’heure, au moment où le nombre de contaminations continue d’être élevé et que l’on compte quotidiennement 400 décès dus au Covid-19.
Un choix politique
Le président de la République fait la sourde oreille aux alertes que lui adressent les élus et les scientifiques. C’est un choix politique qui revient à attendre que la situation ait dérapé pour appliquer des mesures drastiques. L’exact opposé de la stratégie globale adoptée par nos voisins allemands, danois et d’autres, qui combinent campagne de vaccination intensive et pression maximale visant à limiter fortement la circulation du virus. De ce point de vue, l’image du chef de l’Etat, pourtant grand défenseur de l’agilité et de la disruption, pâlit en comparaison de la manière dont la chancelière allemande, Angela Merkel, combine ces deux attitudes.
Cette stratégie de nos voisins n’est pas justifiée par une situation plus grave que celle que nous connaissons chez nous. Pas plus que par une indifférence de leur part aux risques sociaux liés à un reconfinement, qui ferait de la France un modèle en la matière. Ni Dunkerque ni la Moselle ne sont masochistes. En Moselle, la première vague de Covid-19 a été particulièrement dure. Rien de surprenant à ce que les habitants et leurs représentants ne souhaitent connaître à nouveau cette épreuve.
La demande d’une stratégie rigoureuse de suppression du virus est fondée sur ce que nous avons appris de la pandémie au cours de l’année passée. A présent que la vaccination est lancée – non sans difficultés – et que la circulation du virus persiste « à un niveau très élevé dans le contexte d’augmentation de la prévalence des variants plus transmissibles » (bulletin de Santé publique France du 11 février [1]), la menace accrue impose de durcir la riposte.
Agir énergiquement
« Gagner du temps » en espérant passer entre les gouttes a un prix : combien de contaminés, de morts et de malades chroniques impliquera ce « temps gagné » ? Le courage, c’est d’agir énergiquement contre la propagation du SARS-CoV-2, en réduisant drastiquement et durablement sa circulation. C’est la seule manière de retrouver la vie que nous ne connaissons plus depuis un an. Sans cela, nous continuerons de regarder, impuissants, monter la marée des variants à chaque fois plus menaçants. Il sera trop tard pour maintenir sous contrôle le Covid-19 en France. Et cela porterait préjudice à une nécessaire réponse européenne coordonnée et harmonisée à la pandémie.
Depuis six mois, nous formulons des propositions afin de mieux contrôler la circulation du virus et protéger la population. Le détail de ces propositions est consultable sur notre site [2] :
Nous demandons :
• Des mesures territorialisées et graduées, fondées sur des critères objectifs préalablement décidés, allant jusqu’à un confinement local.
• Une réorganisation globale du milieu scolaire : aérer et ventiler chaque salle (en s’aidant de capteurs de CO2) et limiter le brassage des élèves, sécuriser les repas ; fermer une classe et tester au premier cas positif, à l’instar de tous les autres pays d’Europe.
• Déployer toutes les techniques de tests et tous les types de prélèvements (naso-pharyngés et salivaires). Développer les tests itératifs salivaires sur site (écoles, entreprises, universités, Ehpad).
• Déployer les moyens offerts par les services de santé universitaires, scolaires, au travail, pour tester massivement et rapidement, et tracer.
• Etablir un grand « plan national pour la qualité de l’air intérieur » dans les établissements d’enseignement, dans les entreprises, ainsi que dans les commerces et les lieux de culture en investissant dans les systèmes d’aération.
• Etablir des normes de qualité de l’air et réviser les autorisations et interdictions d’ouverture de certaines activités en fonction des capacités d’aération et du niveau réel de risque (cinémas, musées, etc.).
• Mettre en place un système national de suivi et de séquençage des variants.
• Collecter les données en se basant sur l’incidence et la densité de population pour une vision territorialisée et en quasi temps réel.
• Renforcer et consolider les capacités des centres de séquençage/détection PCR.
• Renforcer les moyens de recueil des résultats de tests et les rendre plus compréhensibles pour l’information du public et son adhésion aux mesures.
• Remonter à la source des cas de contamination en développant le traçage rétrospectif.
En combinant une vaccination rapide et massive et une vision de réduction drastique du virus, comme le prônent les partisans du « zéro Covid », il sera possible de combattre victorieusement la pandémie sur notre territoire et peut-être d’éviter un troisième confinement généralisé.
Collectif Du côté de la science