Tout à une fin, même cette période d’alternance sans alternative qui voyait, en France, la majorité sortante sortie à chaque nouvelle élection. Le PS croyait encore une fois bénéficier du simple retour de balancier en sa faveur, sans même avoir à se donner la peine de marquer la rupture avec son bilan passé. C’est raté et il a été, comme en 2002, son propre fossoyeur : les suffrages « contre » n’ont pas été suffisants face au désir de voter à nouveau « pour » un changement.
Le PS a ainsi laissé Sarkozy libre de créer un cocktail gagnant : ajouter aux votes conservateurs traditionnels de l’UMP l’électorat FN, tout en captant pour une part (de concert avec Bayrou) l’aspiration au renouveau. Du neuf, il y a en bien dans le sarkozysme : la volonté — partagée par une importante aile de la bourgeoisie — de mettre en place un modèle de domination inspiré des néoconservateurs étatsuniens, en rupture avec l’héritage résiduel du gaullisme français. Nous allons faire face à une présidence de combat. La faillite de la gauche de gouvernement se paie au prix fort.
Gageons cependant que nous n’assistons pas à un glissement généralisé de la société française à droite. Faute d’alternatives crédibles, les bonimenteurs ont eu le beau rôle. Sarkozy a réussi le tour de force d’annoncer la couleur de ses contre-réformes tout en brouillant à plaisir les cartes. Mais la mise en œuvre du modèle néoconservateur n’est pas sans risques pour la bourgeoisie française — alors que, paradoxe, il est entré en crise dans sa patrie d’origine, les Etats-Unis de Bush. La présidentielle de 2007 annonce plus qu’elle ne clôt la bataille des alternatives. Simplement, la droite dure l’engage en position de force, Bayrou se retrouvant sans appareil politique et le PS en crise aiguë d’identité.
Le second tour des présidentiels n’efface pas les leçons du premier, où les mouvements électoraux à la « marge » ne sont pas sans signification.
On a déjà relevé à quel point le score d’Olivier Besancenot, 4,1% et 1.500.000 électeurs, n’a rien de banal pour le candidat d’une petite organisation politique faisant face à la forte pression d’un double « vote utile ». [1] Soulignons aussi qu’il exprime plus qu’un pôle résiduel de résistance.
Rarement une campagne de la LCR aura été aussi radicale dans son contenu que celle menée en 2007 — et rarement elle aura suscité un écho aussi populaire, aussi réactif, comme en témoignent (bien au delà du score) l’engagement de jeunes qui n’avaient jamais fait de politique, les contacts de terrain, l’assistance aux meetings, les demandes d’adhésion à la LCR, un flot constant de mails et la vie du site Internet.
« 100% à gauche » et « 100% indépendant du PS » : l’aspiration radicale n’a pas disparu, loin s’en faut. L’ombre menaçante de Sarkozy ne doit pas cacher à notre vue ce tenace rayon de lumière. Le désir d’alternative se manifeste à la gauche de la gauche et il est urgent de lui donner corps. Sur le terrain électoral certes, mais plus encore sur le terrain militant.