Depuis le 19 septembre, la journaliste indépendante Huang Xueqin, figure du mouvement #MeToo, est perdue dans le trou noir du système policier chinois. Sa famille et ses amis ont perdu tout contact avec elle.
Selon les maigres informations recueillies par ses proches, Sophia Huang – son nom en anglais – a été arrêtée par la police de Canton alors que la jeune femme, qui est âgée de 33 ans, s’apprêtait à se rendre à Hong Kong, puis en Grande-Bretagne, où elle avait prévu d’étudier à l’université du Sussex.
En 2019, elle avait passé trois mois en détention sous l’accusation d’avoir « attisé des querelles et provoqué des troubles » – une charge fréquemment utilisée par le régime communiste pour réduire au silence les voix dissidentes. Il lui était reproché d’avoir couvert les manifestations en faveur de la démocratie de 2019 dans l’ancienne colonie britannique. Elle avait notamment rendu compte, sur son blog, d’une des manifestations les plus imposantes, celle du 9 juin.
Un poster de 2019 lors de la première arrestation de Sophia Huang.
Elle concluait par ces mots : « Peut-être que, sous la puissante machine de l’État-parti, l’ignorance et la peur peuvent être entretenues, l’information et les nouvelles peuvent être bloquées, la réalité et la vérité peuvent être déformées. Mais après en avoir fait l’expérience directe et en avoir été témoin, on ne peut feindre l’ignorance, on ne peut renoncer à enregistrer, on ne peut rester assis et attendre. Les ténèbres ne connaissent pas de limites, et la seule lueur de vérité et de lumière qui reste ne doit jamais être abandonnée. »
La disparition de Huang est inquiétante, car le gouvernement chinois a de plus en plus recours à la détention pour réprimer la dissidence politique.
La Fédération internationale des journalistes
Cette journaliste, spécialisée notamment dans les questions de genre, s’était fait connaître en 2017 pour avoir été la première à rendre publique l’agression sexuelle dont elle avait été victime lorsqu’elle travaillait pour des médias d’État, ouvrant la voie à d’autres prises de parole sous le hashtag #WoYeShi (#MeToo en mandarin). Elle avait créé une plateforme numérique pour prodiguer assistance et conseils aux femmes victimes d’agressions sexuelles.
Par son engagement, elle est devenue une personne à abattre. Un de ses amis, qui l’accompagnait, Wang Jianbing, militant engagé dans la défense des travailleurs atteints de maladies professionnelles, a également été interpellé le 19 septembre. Ils seraient tous deux accusés d’« incitation à la subversion du pouvoir de l’État » pour s’être réunis avec des connaissances chez Wang Jianbing.
Ils ont été placés en « surveillance résidentielle dans un lieu désigné », une forme de détention utilisée fréquemment pour ceux qui sont soupçonnés de mettre en danger la sécurité de l’État. Elle permet de détenir des suspects dans un lieu inconnu jusqu’à six mois, sans accès à un avocat et sans information à la famille sur le lieu. Sauf après accord de la police. Pour les organisations des droits de l’homme, il s’agit de « disparition forcée ».
Dans un communiqué, la Fédération internationale des journalistes a affiché sa solidarité avec Huang, « qui a été continuellement harcelée par les autorités chinoises pour avoir attiré l’attention sur des questions importantes d’intérêt public ». « La disparition de Huang est inquiétante, car le gouvernement chinois a de plus en plus recours à la détention pour réprimer la dissidence politique », a ajouté l’ONG. De son côté, Reporters sans frontières (RSF) a appelé à « sa libération immédiate ainsi que celle de tous les autres journalistes et défenseurs de la liberté de la presse sous les verrous en Chine ». Selon RSF, la Chine est la plus grande prison au monde pour les journalistes, avec au moins 122 détenus.
François Bougon