D’aucuns parmi les Coréens évoquent déjà un véritable chemin de croix La tragédie des 23 otages sud-coréens enlevés par les talibans, en Afghanistan, constitue une des plus graves crises à laquelle ait été confrontée l’Eglise protestante sud-coréenne. Ce sont des humanitaire mais, avant tout, des fidèles. Tous appartiennent à l’Eglise Saemmu (littéralement « source ») de Pundang, ville nouvelle apparue dans la grand banlieue de Séoul dans les années 90. L’émoi est d’autant plus grand que la Corée du Sud est le troisième pays chrétien d’Asie — continent qui abrite de dizaines de millions de protestants. Un tiers de la population est aujourd’hui chrétienne et affiliée principalement à des Eglises protestantes.
A Séoul, de nombreuses Eglises s’activent à aider des transfuges nord-coréens à s’intégrer au Sud ou à tenter une vie nouvelle ailleurs. Parfois même en. Corée du Nord. Car, après les avoir convertis à l’Evangile, certaines Eglises sud-coréennes parviendraient à renvoyer au Nord des réfugiés chargés à leur tour d’aller évangéliser, une bible sous le bras, les âmes du régime de Pyongyang.
Relais. On estime que, à l’heure actuelle, 16 000 protestants sud-coréens accompliraient des œuvres humanitaires dans près de 170 pays.
Durant l’été 2006, bravant tous les risques, les Eglises protestantes sud-coréennes ont réussi à envoyer quelque 2 000 évangélistes à Kaboul, chacun muni d’un visa de touriste, invités par un « Institut pour la culture et le développement asiatique », d’obédience protestante. L’information a été confirmée depuis par un responsable du ministère des Affaires étrangères afghan. Les riches Eglises sud-coréennes ne sont pas qu’influentes en leur pays. Elles disposent d’efficaces relais dans le monde entier.
Guidés par Bae Hyung-kyu, un pasteur expérimenté de 42 ans, les 23 volontaires sud-coréens envoyés cet été en Afghanistan ont entre vingt et trente ans. La mission a viré au drame sur la route entre Kaboul et Kandahar. Leur chef a été exécuté le premier et, avant-hier, les talibans ont tué un deuxième otage. Depuis, les Sud-Coréens retiennent leur souffle.
Intellectuels. Tout le pays prie pour que les autres membres du groupe, parmi lesquels 16 femmes, aient la vie sauve. A Séoul, la Fédération coréenne des musulmans a lancé des appels à ses « frères d’Afghanistan » pour que, « au nom de l’islam », la vie des évangélistes soit épargnée. Mais le drame suscite aussi des polémiques. Des intellectuels, des diplomates et de nombreux éditorialistes sud-coréens doutent de « l’influence spirituelle » d’un certain nombre d’Eglises évangéliques sud-coréennes, fer de lance du combat pour la démocratie durant les années de dictature, et aujourd’hui apôtres d’idéologies conservatrices. Bien qu’à but humanitaire le prosélytisme protestant dans des pays islamiques tels que l’Afghanistan a-t-il un sens alors que les groupes radicaux, mais aussi une partie importante de la population, y sont hostiles ?
Dogmes. De nombreux médias sud-coréens rappellent que les 23 volontaires ont bravé les mises en garde répétées des autorités de Séoul sur les risques de telles évangélisations. Sans remettre en cause leurs dogmes et pratiques, des Eglises évangéliques commencent ces derniers jours à s’interroger sur les périls de telles missions. Le pasteur de l’Eglise Saemmul a présenté lundi ses excuses au pays pour les « soucis » causés par l’envoi de son groupe de fidèles.