Il manque des dizaines de milliers de places de crèche en Suisse, quelles mesures envisagez-vous au plan fédéral pour que cet état de fait évolue ?
L’an dernier le Conseil fédéral a sollicité un crédit en faveur des crèches de 60millions pour 4 ans, soit 15 millions par an à l’échelle du pays ! C’est dérisoire, il faut augmenter ce financement en faveur des crèches publiques et développer les crèches d’entreprises, en en imposant la création, le cas échéant, quand les patrons font la sourde oreille. En plus des crèches, il faut diversifier les modalités d’accueil des enfants (garderies autogérées, accueil à domicile, activités accompagnées dans le cadre scolaire, …) et professionnaliser sérieusement l’accueil d’enfants à domicile.
Quelles mesures devraient être prises pour que les différences salariales entre hommes et femmes (env. 20%) diminuent significativement ?
La loi sur l’égalité, votée il y a plus de 10 ans, doit être réellement appliquée, pour ce faire des moyens de suivis sont indispensables, dans ce sens, comme dans d’autres domaines, les droits syndicaux et la protection des représentant-e-s des travailleurs-euses doivent être renforcés.
En matière de formation, l’égalité des chances doit devenir effective, notamment en garantissant l’accès à toute filière professionnelle indépendamment de tout a priori de genre.
De plus, la formation continue doit être développée, avec un accent particulier sur l’accès des femmes à ces mesures. Afin que les femmes puissent accéder plus facilement aux postes à responsabilités, le temps partiel pour les postes de cadres doit être promu. Plus généralement, il faut une baisse du temps de travail, sans diminution salariale et l’introduction d’un salaire minimum légal à l’échelle nationale qui revalorisera les plus bas salaires largement féminins.
Allez-vous vous battre pour qu’un congé-paternité digne de ce nom soit instauré au niveau fédéral ? Avec quels arguments ? Si non pourquoi ?
Oui, le congé paternité nous parait indispensable pour favoriser le partage des tâches. Il est urgent de rompre avec les modèles éducatifs traditionnels découlant du modèle patriarcal. Un tel congé paternité doit s’inscrire dans une dynamique de congé parental. Mais le congé maternité fédéral actuel doit aussi être étendu par ex. pour atteindre les 16 semaines genevoises.
Que pensez-vous pouvoir encore faire contre la violence conjugale ?
D’un point de vue général, on doit lutter contre la violence sociale qui induit et alimente les violences individuelles. Depuis 2004, le code pénal suisse prévoit la poursuite d’office des violences domestiques, il faut que son application soit systématique. Le conjoint agresseur doit être éloigné du domicile, pour cela les moyens (foyers d’accueil,…) doivent être suffisants.
Tant les personnes agressées que les agresseurs ont besoin d’un accompagnement thérapeutique, cela demande aussi des moyens humains et économiques.
Pour finir, il est essentiel de généraliser et rendre obligatoire la formation adéquate des policiers amenés à intervenir dans ce genre de situations.
Il y a un grand manque d’infrastructures dans le domaine de la prise en charge des enfants, particulièrement en bas âge, et des personnes âgées et/ou dépendantes. A cela s’ajoute que le partage du travail domestique entre femmes et hommes reste problématique. Dans ce contexte, de nombreuses femmes sans statut légal travaillent dans l’économie domestique. Quels droits pensez-vous accorder à ces personnes qui accomplissent des tâches indispensables au bon fonctionnement de la société ?
En amont, il faut maintenir, voire développer les infrastructures en question, mises en péril par les politiques de restrictions budgétaires. La LETr entérine la politique des « cercles », ce qui crée des personnes sans statut légal, c’est scandaleux. La régularisation collective des femmes sans statut légal est essentielle. L’Etat doit jouer un rôle facilitateur dans l’organisation, la professionnalisation et la reconnaissance des partenaires sociaux de ce secteur. Sur la question du partage des tâches elle passe aussi par un abaissement radical du temps de travail, sans diminution de salaires et pour tous et toutes, plutôt que par le travail à temps partiel contraint, auquel sont trop souvent soumises les femmes.
Quelles sont les mesures que vous préconisez pour améliorer le quotidien des femmes et permettre plus d’égalité entre les sexes ?
En plus de ce que nous avons déjà dit, il faut lutter contre la paupérisation des familles afin que l’activité professionnelle des deux parents repose sur un choix et non sur une obligation.
Les modèles et concepts sexistes et patriarcaux sont présents dans tous les domaines, c’est important de les renverser et d’en transmettre d’autres, que ce soit à l’école, dans la famille et les médias. A ce sujet, les contenus publicitaires, notamment, représentent encore trop souvent les femmes comme des objets.
Les membres du réseau suisse des associations œuvrant dans le domaine de la prostitution (PROCORE) estiment que la prévention contre les violences dans ce milieu passe par la reconnaissance des droits fondamentaux des personnes travailleuses du sexe. Cette approche « par les droits » est opposée à la criminalisation et à l’interdiction de la prostitution. Elle considère que le travail du sexe doit pouvoir s’exercer de manière autonome et sans stigmatisation. La répression de tout sexe tarifé crée un terrain favorable aux abus et à la prostitution forcée. Qu’en pensez-vous ?
C’est très important de dénoncer la criminalisation et la stigmatisation des personnes qui pratiquent le travail du sexe, leurs droits fondamentaux doivent absolument être respectés. L’application de la loi sur le proxénétisme et la traite des femmes est essentielle. La pauvreté et la précarité, plus particulièrement sous l’angle des rapports nord-sud, doivent être combattues afin que des personnes ne se retrouvent pas obligées de se prostituer. Il y a une hypocrisie qui consiste à fermer les yeux sur l’utilisation abusive de certains statuts, notamment les permis « L » pour les bars à champagne et cabarets, nous la dénonçons fermement. Il faut se donner les moyens de surveiller le respect des conditions de travail des artistes de cabarets.