BERGÈRES DE FRANCE : Face au loup
Les salariées de l’entreprise textile Bergère de France, à Bar-le-Duc (Meuse), majoritairement des femmes, ont fait grève pour la revalorisation de leurs salaires. Elles ont dû reprendre le travail, après huit jours de grève.
Bergère de France, entreprise textile qui emploie plus de 400 personnes, les fiches de paye des ouvrières sont soumises au régime minceur. Que l’on ait cinq ans ou 40 ans d’ancienneté, c’est le Smic, rien que le Smic, y compris pour les postes les plus pénibles. Ce Smic ne suffit pas pour vivre décemment et la hausse actuelle du coût de la vie n’en fait qu’un moyen de survie. Pour ajouter à l’exaspération, des cadres de l’entreprise disposent maintenant de véhicules 4x4 de fonction, preuve que les comptes de l’entreprise ne sont pas dans le rouge. Pourtant, quand les simples salariées revendiquent une hausse de 2 % de leur salaire brut, plus une prime exceptionnelle de 150 euros en guise de rattrapage, le PDG s’étrangle devant tant d’outrecuidance.
Le blocage de l’usine a donc commencé le 14 novembre, avec près de 80 % de grévistes et un piquet de grève du matin au soir. Pendant une semaine, la direction a affiché absence et mépris. Puis, le PDG a foncé avec son 4x4 sur le piquet de grève, montrant ainsi son attachement au dialogue et son affection pour les ouvriers… Fort heureusement sans conséquences, cette attaque aura permis aux grévistes de voir de plus près un véhicule représentant 25 mois de leur salaire. Les trois jours suivants, le PDG n’était pas disponible, il passait ses nerfs à la chasse… Ce sympathique personnage est sorti de son silence après le week-end pour exprimer, par la voix de l’équipe directionnelle, qu’il pourrait consentir à accorder la prime réclamée, mais… uniquement aux non-grévistes.
Lors de la journée de grève de la fonction publique, le 20 novembre, le cortège des manifestants a fait un détour pour venir saluer les grévistes. Le jeudi 22 novembre, l’ultimatum tombait. Les négociations s’ouvriraient la semaine suivante, à condition que la reprise du travail soit effective dans les plus brefs délais. Le PDG s’est visiblement inspiré des tactiques gouvernementales. Dans l’heure suivante, les grévistes votaient, à une faible majorité, la suspension de la grève.
Ces éventuelles négociations à froid n’augurent pas de franches avancées, et les grévistes ne se font pas d’illusions. Leur décision n’est due qu’à leur inquiétude à supporter la période qui vient, avec un salaire lourdement amputé, et à leur évaluation du rapport de force, dans un bras de fer où une direction abjecte a de quoi tenir plus longtemps qu’eux. Pour l’heure, l’histoire finit mal, mais elle aura démontré qu’il est possible de relever la tête face à un patron de choc, et que d’autres batailles sont envisageables. La LCR Meuse a organisé une collecte en soutien aux grévistes.
Jean-Noël Ballon
BÂTIMENT : Grève de la pénibilité
Dans les manifestations du 20 novembre, on a remarqué des cortèges, parfois substantiels, de travailleurs du bâtiment. La fédération CGT de la construction (et celle du verre) avait lancé un mot d’ordre de grève nationale ce jour-là. Elle recense une trentaine de villes où des grèves et actions significatives se sont produites, dans une soixantaine d’entreprises (Lafarge, SPIE Nucléaire, Eurovia, Dumez, Léon Gros, Geneste, Vinci, Sanitel…) : 300 personnes à Marseille, 500 en Auvergne, blocage de l’entrée de la ville de Givet (Ardennes), 300 grévistes dans le Sud-Ouest, etc.
Nationalement, la fédération appelait à se mobiliser sur les salaires, la pénibilité au travail et les retraites anticipées. Elle revendique un salaire de 1 500 euros minimum (le salaire moyen est de 1 250), 300 euros pour tous et le treizième mois. Mais ce qui rassemble le plus, selon le secrétaire de la CGT construction à Clermont-Ferrand (300 manifestants, le 20 novembre), Laurent Dias : « C’est la pénibilité et la retraite à 55 ans. C’est ce qui fait sortir les gars des chantiers. » À 50 ans, les salariés sont « crevés » et, à 55 ans, « la moitié ne travaille déjà plus » : soit ils ont été accidentés et en longue maladie, soit ils ont été licenciés. Laurent Dias estime même qu’au moins, à Clermont, les salariés n’ont pas envie d’agir en « se mélangeant aux fonctionnaires ». Ils ont accepté de faire grève le même jour que les fonctionnaires, pour montrer qu’ils ont, eux aussi, des revendications sur la pénibilité au travail.
Le souvenir de 1993, où « le public n’a rien fait sur les 37,5 annuités », reste vivace. La journée du 20 novembre était donc un coup de semonce de plus dans le cadre des négociations interprofessionnelles que le Medef bloque depuis trois ans, sur la question des départs anticipés. Tout ce qu’il concède, c’est que les salariés usés obtiennent individuellement des certificats médicaux. Il craint une forte dimension de mobilisation sur ce sujet en 2008, en faveur de critères collectifs.
Dominique Mezzi
FERMETURE. L’usine agroalimentaire Boutet Nicolas, à Carhaix (Finistère, 7 000 habitants), qui fête cette année ses 60 ans, emploie 35 ouvrières et ouvriers, et plus du double d’intérimaires, souvent saisonniers. À l’annonce de la fermeture de l’usine, 400 personnes ont manifesté, samedi 17 novembre, dans les rues de la ville, à l’appel de la CGT, relayée par la LCR, le PCF, le PS et la Gauche unie du Poher. Sur les 400 personnes présentes, trois cortèges étaient représentés par la CGT, la CFDT et la LCR (25 personnes). Une nouvelle manifestation est prévue, le samedi 1er décembre à 11 h, devant l’usine. Elle doit être à la hauteur de la colère des salariés. La LCR Carhaix-Centre Bretagne appelle toute la population à s’y rendre pour que l’usine ne ferme pas.
* Articles paru dans Rouge N° 2229, 29/11/2007.
Métallos en grève
Rouge N° 2228, 22/11/2007
Lundi 12 novembre, à Montbard (Côte-d’Or), dans le cadre dit de la négociation annuelle obligatoire (NAO), le patron de Mannesmann DMV Stainless (tubes d’acier) annonce la couleur : une augmentation misérable des salaires. Le lendemain, 85 % des salariés arrêtaient le travail – seuls deux agents de maîtrise les avaient rejoints –, soutenus par l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CGC). Les profits de Mannesmann DMV Stainless ne cessent d’augmenter, la masse salariale est en baisse, après de nombreux départs en retraite remplacés par des jeunes. La production de tubes d’acier sans soudure sur le site a doublé en dix ans, mais les effectifs sont seulement passés de 330 à 343 salariés, auxquels s’ajoutent 80 intérimaires. Des richesses, il y en a. Mais les salaires stagnent : 1 180 euros net à l’embauche et autour de 1 350 euros après 25 ans d’ancienneté. Pour atteindre les objectifs de production, le travail du samedi, au-delà des 35 heures, n’est pas rare et, avec ces salaires, pas facile d’y résister ! Trois jours de lutte avec piquet, de jour et de nuit, empêchant les camions d’entrer, discussion sur la mise en place d’une grève tournante... et, au final, une enveloppe d’augmentation de 3,7 % avec un talon de 33 euros, une nuit de repos avant de reprendre le travail en toute sécurité (l’usine a connu deux accidents graves, dont un mortel, ces dernières années). Si le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur des espérances, on sent qu’il s’est passé quelque chose. Les salariés ont repris confiance en leurs forces. Au-delà de l’entreprise, la bataille générale pour une revalorisation du Smic à 1500 euros s’impose.