« Ce jeudi 27 décembre, nous, sans-papiers du Mesnil-Amelot, nous déclarons en grève de la faim. Le chiffre de 25 000 expulsés devant être atteint pour le 1er janvier 2008, la police expulse tout le monde et n’importe qui ! […] Nous refusons d’être traités comme des sous-hommes et appelons l’ensemble des gens qui pensent encore que nous sommes des êtres humains à dire “stop” à cette politique raciste, […] [à] la politique d’apartheid de votre pays. »
Tel est l’appel au secours lancé par les sans-papiers retenus au CRA du Mesnil-Amelot, celui qui jouxte l’aéroport de Roissy. Comme toujours, la police a cru qu’elle étoufferait la révolte avec un simple transfert des « meneurs » dans d’autres lieux d’enfermement. Au contraire, le mouvement s’est étendu au CRA de Vincennes et dure encore. Car le problème est profond. Il y a déjà eu, dans ces centres, des révoltes, des grèves de la faim, voire des actes individuels de désespoir : automutilations, suicides...
Le mouvement actuel est une réponse à la politique du chiffre et à l’accélération des interpellations pour atteindre à tout prix les quotas assignés à chaque préfecture. « Pour dix départs effectifs, il faut 30 interpellations à compter d’aujourd’hui, 20 décembre », a écrit la préfecture de Loire-Atlantique aux services de police et de gendarmerie. Tout est bon pour y parvenir, y compris les convocations pièges, auxquelles se sont rendus des sans-papiers pour réexamen de dossier, avant d’être menottés. La mobilisation à l’aéroport a parfois permis d’empêcher des expulsions, comme le 27 décembre, celle de Marie-Claire, une femme enceinte de six mois et demi et transférée, malgré son état, du CRA de Rennes à Roissy.
Dans ces centres, que le rapport sénatorial Mermaz qualifiait d’« horreur de la République », des chambres sont aménagées pour les familles et du matériel de puériculture a été introduit afin d’enfermer des enfants. La loi Sarkozy de 2003 a porté la durée maximale de la rétention à 32 jours, ce qui l’apparente clairement à une incarcération. Une directive sera examinée au Parlement européen ce mois-ci. Elle prévoit que la rétention administrative pourra atteindre dix-huit mois et instaure, contre toute personne renvoyée, une interdiction pour cinq ans de revenir en Europe.
Les associations ont lancé un appel européen contre cette « directive de la honte ». Le 19 janvier, journée européenne de mobilisation contre l’enfermement des sans-papiers en Europe, sera l’occasion de multiples rassemblements, à l’appel du Réseau éducation sans frontières (RESF) et des associations du collectif Uni(e) contre une immigration jetable (Ucij), pour exiger la fin des expulsions, la fermeture des centres de rétention et la régularisation des sans-papiers.
* Paru dans Rouge n° 2233, 03/01/2008.
Les étudiants libèrent un sans-papiers
Lundi 12 novembre, suite à un contrôle routier sur le campus d’Orsay (Essonne), un étudiant sans papiers s’est retrouvé placé au centre de rétention de Palaiseau et menacé d’expulsion immédiate. Cet étudiant, d’origine nigérienne, a été débouté de l’asile politique il y a quatre ans et, depuis, la préfecture de l’Essonne refuse qu’il dépose un dossier de demande de régularisation. Cette arrestation a suscité une vive indignation parmi les étudiants de la faculté d’Orsay. À l’initiative de son entourage et des militants du Réseau éducation sans frontières (RESF), un mouvement de solidarité s’est organisé, d’autant plus facilement que nombre d’étudiants, mobilisés contre la loi Pécresse, sont également choqués par la politique du gouvernement vis-à-vis des sans-papiers. En moins de deux jours, une pétition demandant la libération d’Abdou et sa régularisation a recueilli plus de 1 700 signatures. Le jour du passage au tribunal administratif, un rassemblement de plusieurs centaines d’étudiants et quelques enseignants a été organisé avant de se rendre en cortège vers la présidence de l’université. Les étudiants l’ont ensuite envahie et une délégation a été reçue. Une heure plus tard, on apprenait qu’Abdou avait été libéré et que l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) avait annulé par le tribunal. Lors de l’assemblée générale, une trentaine d’étudiants, fiers de leur mobilisation et de leur victoire, se sont inscrits pour grossir l’embryon du collectif Réseau universitaire sans frontières (RUSF) sur la fac. Pour beaucoup d’étudiants, c’était la première mobilisation, et cette victoire faisait dire à certains : « La lutte collective, ça paye. »
* Rouge n° 2228, 22/11/2007.
Pour libérer Kébé Talibé
ercredi 31 octobre, Kébé Talibé, militant actif du collectif de Montreuil pour les droits des sans-papiers, a été arrêté à la gare de Bordeaux, alors qu’il retournait à Paris après une visite à sa famille. La préfecture ayant pris immédiatement, à son encontre, un arrêté de reconduite à la frontière, il a été placé en centre de rétention. Les préfectures complices de Bordeaux et de Bobigny, en s’acharnant contre Kébé, montrent bien leur volonté de briser les résistances. La mobilisation s’est aussitôt organisée, à Bordeaux en même temps qu’en Seine-Saint-Denis où, vendredi 2 novembre, la préfecture a été occupée. À Bordeaux, le même jour, une centaine de militants des organisations politiques, syndicales et associatives locales, des élus, avec l’appui sur place du collectif de Montreuil, s’est rassemblée devant le tribunal. Cependant, malgré la forte mobilisation, le juge des libertés a maintenu Kébé en rétention. Lundi 5 novembre, la cour d’appel a confirmé cette décision et le tribunal administratif, envahi de nouveau par une centaine de personnes, a rejeté le recours. Kébé est maintenant expulsable.
Un nouveau rassemblement devait avoir lieu, devant la préfecture, mercredi 7 novembre, pour accentuer la pression sur le préfet de Gironde, tenu de « faire du chiffre » et de réaliser son quota d’expulsions. La mobilisation continue et se renforce pour la libération de Kébé et celle de tous les sans-papiers, pour la liberté de circulation et d’installation pour tous.
Notes
• Pour contacter le comité de soutien : soutienkebe gmail.fr.
* Rouge n° 2226, 08/11/2007.