Le gouvernement chinois a-t-il changé ses méthodes en période de crise ?
Quand il ne se produit pas d’événement grave, on peut penser que le Parti communiste chinois [PCC] a évolué. Mais dès qu’il se passe quelque chose, on s’aperçoit que ce n’est qu’une façade. Depuis le début de la crise du Tibet, le degré de propagande est énorme, sans précédent. Les dirigeants utilisent des termes comme « guerre du peuple », « combat à la vie, à la mort » ou « loup déguisé en mouton » en parlant du dalaï-lama. Ces mots me rappellent la Révolution culturelle. Comme toujours, ils cherchent un bouc émissaire. En 1976, lors des répressions qui avaient suivi les commémorations de la mort de Zhou Enlai, c’était Deng Xiaoping. En 1989, le responsable était Zhao Ziyang, le secrétaire général du Parti. Maintenant, le Parti accuse le dalaï-lama d’être derrière les émeutes du Tibet. On attend toujours les « preuves » de sa responsabilité, annoncées par les dirigeants dès le début de la crise. Sur le fond, ils n’ont pas changé, et cela ne me surprend pas. La seule évolution, c’est qu’on est passé d’un parti révolutionnaire à un parti de privilégiés, dont la préoccupation est de se maintenir au pouvoir.
Le degré de répression est tout de même moindre semble-t-il…
En 1989, c’était beaucoup plus dur. Lhassa n’est pas comparable, d’autant qu’il y a eu des violences côté tibétain, que nous réprouvons par ailleurs. Beaucoup de choses ont changé en vingt ans. La Chine a établi des relations économiques avec le monde et veut être reconnue sur le plan international. Les dirigeants se sont rendu compte que la répression de 1989 avait été très nuisible à leur image. Et surtout, il y a les Jeux olympiques. La candidature de la Chine avait été rejetée en 1993, aucun pays occidental n’avait voté pour elle car 1989 était trop proche. En 2001, Pékin a fait des promesses sur les droits de l’Homme et a obtenu les Jeux. Le monde entier regarde si on tient parole. En 2006, les dirigeants ont annoncé des mesures pour la liberté de la presse occidentale mais pas pour les journalistes chinois. Depuis les émeutes de Lhassa, on s’aperçoit que les journalistes étrangers ne peuvent pas travailler lorsqu’il y a un problème grave. Les choses ont quand même évolué : avant 2006, je n’aurai pas pu vous rencontrer…
Votre pétition du 22 mars dénonce « l’inefficacité de la politique ethnique ». Pourquoi ?
Les problèmes entre Chinois et Tibétains sont dus à la politique du gouvernement central et à sa propagande unilatérale, non aux peuples. Au Tibet, seul compte le secrétaire général du PCC. Les autres sont là pour la galerie. Le dalaï-lama et le panchen-lama, le numéro 2, sont interdits de résider chez eux. Les moines n’ont pas le droit d’exprimer leurs convictions, ni leur attachement à leur chef spirituel. C’est une erreur. Le gouvernement chinois, qui ne représente que le pouvoir Han [l’ethnie majoritaire en Chine, ndlr] et l’athéisme, ne comprend pas le poids de la religion pour les Tibétains. Ils pensent qu’en donnant de l’argent et en permettant l’enrichissement personnel comme ailleurs en Chine, ils vont régler les problèmes, que la population s’éloignera naturellement du dalaï-lama. Ils tentent d’acheter le Tibet, seule région qui ne paye pas d’impôt au gouvernement central et où il n’existe pas de taxes d’importation. Les autres provinces, plus ou moins riches contribuent à cette croissance, ce qui ne manque pas de poser des problèmes. Il est vrai que le niveau de vie des Tibétains s’est élevé. Mais pour un peuple aussi religieux, cela ne suffit pas. Cette politique est vouée à l’échec.
Que peut-il arriver d’ici les JO ?
Si le gouvernement ne prend pas les bonnes mesures et continue de refuser de s’asseoir pour discuter avec le dalaï-lama, cela ne va pas s’arrêter. La flamme olympique va circuler dans le monde entier, cela posera des problèmes partout. Le gouvernement peut contrôler ce qui se passe à l’intérieur de la Chine, mais il en est bien incapable à l’étranger. Ce sera néfaste pour l’image du pays. Il faut donc qu’il règle ce conflit autrement.