L’opposition aux 11 200 suppressions de postes dans l’Éducation nationale est évidemment l’une des principales revendications du mouvement, mais le rejet de la réforme du bac pro et le maintien des BEP est tout aussi fondamentale, même si elle est moins médiatisée. L’enjeu, c’est non seulement de défendre nos conditions d’études, mais également la valeur de nos diplômes. En supprimant une à une les options, en voulant réduire l’éducation à un « socle commun minimum » résumé à lire, écrire, compter, cliquer et parler l’anglais commercial, le gouvernement va faire du bac un diplôme qui ne sera plus ni national ni reconnu dans le monde du travail.
Le mouvement est parti des lycées des quartiers les plus populaires, et ce n’est pas un hasard. Outre que ce sont les établissements les plus touchés par les attaques actuelles, un des ressorts du mouvement est un rejet global de la situation et du sort réservé aux jeunes des quartiers populaires, une rage contre la relégation sociale et le racisme. Ce mouvement est également le reflet d’un ras-le-bol généralisé dans une grande partie de la jeunesse : ces derniers jours, même des lycées parmi les plus privilégiés, comme Pasteur, à Neuilly, ont été bloqués !
Sarkozy est au plus bas dans les sondages. Les grèves dans le secteur privé se multiplient. Le mouvement lycéen est l’élément qui peut déstabiliser toute la situation. Une première réunion nationale des lycéens mobilisés a eu lieu, les 19 et 20 avril, à Montreuil. Elle a appelé les lycéens à se mobiliser ces deux prochaines semaines, au retour des vacances, à participer notamment au 1er Mai. La prochaine échéance d’ampleur nationale sera le 6 mai, le premier mardi où tous les lycéens seront rentrés de vacances. La prochaine coordination nationale aura lieu le 3 mai à Paris. Si le 6 mai est massif dans l’Éducation, la grève du 15 mai, où un appel officiel existe déjà pour les enseignants des premier et second degrés, pourra être le point de départ d’une généralisation de la grève à d’autres secteurs.
Pour arriver à étendre la mobilisation aux personnels de l’Éducation et au-delà, il faut structurer la mobilisation : réunir des assemblées générales lycéennes est vital pour permettre des discussions de fond sur la nécessité de se mobiliser, et pour associer un maximum de lycéens dans l’action, afin qu’ils se rendent compte que l’action de chacun compte, que la mobilisation lycéenne soit massive. Se coordonner entre lycées d’une même zone pour organiser les débrayages et les manifestations est essentiel : cela permet d’échanger les idées, les expériences et de s’entraider. Aller voir et se coordonner avec les enseignants – en particulier –, les personnels, les étudiants, pour se mobiliser ensemble dans chaque établissement, voilà la clé.
René Sauvage
ÉCOLES PRIMAIRES : Montée en puissance
Remise en cause du statut de fonctionnaire, suppressions de postes, recul des missions du service public d’Éducation, tri social organisé dès le plus jeune âge… La destruction de l’école est en marche.
Depuis plusieurs semaines, un puissant mouvement de mobilisation se développe parmi les enseignants du premier degré. Des milliers de personnes se sont rassemblés dans les départements. Les réunions d’information syndicale rencontrent une assistance croissante (900 dans l’Eure et près de 2000 dans les Hauts-de-Seine). La grève du mardi 15 avril, en région parisienne, a mis près d’un enseignant sur deux dans la rue pour le retrait des contre-réformes Darcos.
Ces « réformes », pour l’école primaire, sont ni plus ni moins qu’une volonté de remise en cause des missions et des moyens, à analyser dans le cadre des restrictions budgétaires et de la redéfinition même du statut de fonctionnaire, tel qu’il est préconisé dans le Livre blanc de la fonction publique.
Les nouveaux programmes, conception mécaniste et rétrograde des apprentissages, redéfinissent les objectifs : recentrage sur les fondamentaux et socle commun. En cours élémentaire, les temps d’apprentissage pour l’histoire, la géographie, les sciences sont fortement diminués, laissant place à l’instruction civique et morale. En maternelle, le vivre ensemble est remplacé par « devenir élève pour apprendre les principes d’un comportement conforme à la morale » et laisse la part belle à des méthodes que l’on croyait révolues (syllabique, etc.). Ces programmes vont accroître considérablement l’échec scolaire des enfants de la classe ouvrière et développer le tri scolaire. Les évaluations des élèves feront l’objet d’un classement rendu public, qui pourra accélérer la concurrence entre écoles.
Ces nouveaux programmes s’appliqueront dans le cadre d’une diminution globale des heures d’enseignement : la suppression du samedi matin crée un volant d’heures annualisées qui seront effectuées en partie sous forme de soutien aux élèves en difficulté. Cela permet des économies de postes : disparition des enseignants spécialisés, qui interviennent auprès des élèves en difficulté, et des enseignants qui remplacent ceux qui sont en formation continue, puisqu’une partie de celle-ci se déroulera sur ces 108 heures annualisées. Les stages de remise à niveau sur le temps des vacances scolaires laissent également la porte ouverte à l’annualisation du temps de travail, par un report possible d’une partie du temps de service sur les vacances, sans compensation financière pour les enseignants.
Il va falloir que les enseignants qui rentrent de vacances prennent le relais pour aboutir à une grève de l’ensemble de l’Éducation nationale dès la rentrée… sans trop compter sur les directions syndicales nationales, qui se limitent à des journées d’action (et non de grève), la plupart du temps en divisant premier et second degrés. Les mobilisations prévues (15 mai, 18 mai, 24 mai) ne seront efficaces que si elles sont encadrées par une grève reconductible de l’ensemble des enseignants, des élèves des collèges et lycées, en lien avec les autres salariés et les parents d’élèves pour la défense du service public d’éducation.
Nina Lehair