A l’image de l’emblématique Hugo Chávez, le processus bolivarien ne cesse de surprendre par les contradictions qu’il génère. Bien sûr il convient de rappeler avec force qu’il s’agit de l’expérience la plus intéressante existante à ce jour. Mais ce laboratoire d’idées qu’est aujourd’hui le Venezuela, provoque à la fois les espoirs les plus fous et pas mal d’exaspération, sans qu’aucune des deux sensations ne puisse nous faire dire définitivement que le processus bolivarien est une révolution avortée de plus, ou bien le cadre de la future société socialiste à laquelle nous aspirons.
Nous ne reviendrons pas sur les acquis du processus. Ils sont connus et reconnus, et ont fait l’objet de nombreux articles [1]. C’est plutôt vers la figure d’Hugo Chávez qu’il faut se tourner, car force est de constater qu’il est la clé de voûte de ce qui se déroule, depuis maintenant dix ans, dans ce pays. Les contradictions du personnage affectent de manière profonde un processus qui, de fait, ne peut être que chaotique. Tour à tour envoûtant par la force de son discours et la finesse de ses analyses, ou déroutant dans ses alliances contre nature avec la Russie ou ses volte-face avec le président colombien Alvaro Uribe, Chávez dérange, provoque, questionne et de fait, rend difficile une analyse pertinente d’un processus sans cesse en mouvement, et qui peut rendre caduc d’un jour à l’autre le regard porté sur la révolution bolivarienne. Or, durant les derniers mois, les actes et déclarations du président vénézuélien ont de quoi déstabiliser.
Libéralisme ou NEP bolivarienne ?
La situation économique du pays est préoccupante. Aussi peut-on comprendre la tentative de Chávez de relancer l’économie vénézuélienne face aux difficultés structurelles qu’affronte le pays, difficultés souvent héritées du régime antérieur de Punto fijo [2]. Depuis de nombreuses années, l’inflation se situe entre 25 % et 30 % par an, et la décision, en mai dernier, du président Chávez d’augmenter le salaire des fonctionnaires de 30 % ne résout en rien le fond du problème, car régulièrement la bourgeoisie capitaliste augmente le prix des aliments de base de 30 % ou organise le lock-out afin d’alimenter la pénurie, un des outils de déstabilisation préférée de l’opposition.
L’agriculture (canne à sucre, maïs, bananes, riz et élevage notamment), délaissée au cours de l’aventure pétrolière, ne représente plus que 5 % du PIB et n’emploie guère que 10 % de la population active. Certes le système des banques communales, mis en place depuis quatre ans, a permis de financer nombre de coopératives agricoles. Ainsi sur l’exercice 2007-2008, la surface des terres cultivées a augmenté de 20 % et l’augmentation de la production oscille, selon les cultures, entre +10 % et +25 %. Cependant, au Venezuela le problème n’est pas de trouver des terres à cultiver, mais bien des personnes prêtes à le faire. Il y a en effet plus de terres récupérées que de paysans pour les travailler.
En matière alimentaire, les importations peuvent atteindre jusqu’à 80 % de la consommation intérieure (la production vénézuélienne est par exemple incapable de satisfaire la consommation nationale d’œufs !). Le pays importe la quasi-totalité de ses biens de production alors qu’en plus du pétrole, le Venezuela exporte du fer (12e producteur mondial), de l’acier, de l’aluminium, de la bauxite et de l’or.
Les problèmes gangrenant l’économie sont réels, malgré une croissance économique soutenue de près de 10 % par an et un PIB de l’ordre de 180 milliards de dollars, qui fait du Venezuela la quatrième puissance économique d’Amérique Latine [3].
En juin dernier une série de mesures censées relancer l’économie du pays ont été annoncées. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles sont au mieux, inspirées du keynésianisme, au pire franchement libérales [4]. A été annoncée entre autres, la création d’un fonds pour des secteurs productifs stratégiques, doté d’un milliard de dollars. La moitié étant apportée par le Venezuela, tandis que les autres 500 millions proviendraient d’investissements chinois. Ce milliard de dollars sera destiné à des projets publics et privés, ainsi qu’à des entreprises mixtes. Ils devront être investis dans des secteurs stratégiques comme la production d’aliments, l’agro-industrie, la manufacture, et des productions en aval des matières premières et de ressources basiques vénézuéliennes.
Chávez annonça aussi la relance du programme « Fabrica Adentro » et la création de plus de mille entreprises vénézuéliennes « partagées avec les travailleurs puisque des actions leur seront vendues » (sic). Ces entreprises mixtes étant destinées à « développer et à élever la productivité ».
Durant cette annonce, un assouplissement du contrôle des changes fut aussi proposé pour les petites et moyennes entreprises en vue de l’importation de machineries, de pièces ou de biens de production afin de donner une plus grande rapidité aux importations nécessaires de biens de production ou de matières premières nécessaires à la production. Enfin et surtout, en matière fiscale, le président Chávez a annoncé l’élimination de l’impôt sur les transactions financières, « impôt qui freine le processus productif ».
Autant de mesures faites pour rassurer les classes moyennes en vue des prochaines échéances électorales de novembre (municipales et fédérales), mais qui risquent de détourner un peu plus des urnes les classes populaires.
Mais au-delà même de ces mesures, c’est le choix de la forme de l’annonce qui fut le plus dérangeant. En effet celle-ci fut faite en grande pompe, en compagnie d’environ 500 entrepreneurs de divers secteurs de la vie économique vénézuélienne, parmi lesquels Lorenzo Mendoza des entreprises Polar (bières), Oswaldo Cisneros de Digitel (téléphonie), Juan Carlos Escotet de Banesco (banque) et Omar Camero de Televen (télévision). Chávez rappela à cette occasion que le secteur privé a le plus grand poids dans l’économie du pays.
Tout un courant officiel du gouvernement a défendu ces mesures et l’alliance avec la bourgeoisie comme une étape de transition, visant à fortifier l’industrie vénézuélienne, employant le terme de NEP [5], détournant de son sens le nom de la politique que Lénine et ses camarades se virent obligés d’appliquer en permettant des investissements capitalistes, notamment dans l’agriculture.
Bien évidemment, analyser le processus bolivarien d’un point de vue classique où la transition vers le socialisme commencerait avec la destruction du vieil appareil d’État bourgeois serait ici une erreur. Certes, essayer de comprendre et analyser les caractéristiques et particularités de cette révolution, suppose de pouvoir débattre de tout, y compris de ce qui pourrait être tabou entre nous. Toutefois il semble difficile de comprendre en quoi ces mesures, défendues par Chávez, permettent une fortification du processus, dans le cadre d’une étape de transition future.
Nationalisations nouvelles
Douze jours plus tard, alors que l’aile la plus radicale s’interroge sur la logique de telles réformes économiques, Chávez prend tout le monde à contre-pied en annonçant la nationalisation de l’usine sucrière de Cumanacoa dans l’État de Sucre, dans le cadre d’un plan de développement de production endogène de la canne à sucre. Cette nationalisation fait suite aux nationalisations de Cantv (téléphonie) et Corpoelec (électricité) intervenues en juillet 2007, de Sidor principale aciérie du pays [6] en avril 2008, des usines de ciment dont l’entreprise française Lafarge et la mexicaine Cemex en mai 2008.
Enfin, cette nationalisation fait suite à l’annonce de celle, en juillet 2008, de Banco de Venezuela, filiale du groupe Santander, deuxième banque privée du pays, brassant plus de 500 millions d’euros. Cette dernière nationalisation est extrêmement importante car on peut penser qu’elle va permettre de lutter contre le surendettement des foyers les plus pauvres, engagés dans un modèle états-unien de consommation et de recours au crédit [7].
Certes, on peut toujours trouver à redire sur la forme de ces nationalisations, car à chaque fois, il s’agit en fait de rachat — souvent à prix d’or — de ces entreprises. Il n’empêche qu’elles contribuent à donner du poids à l’appareil productif et financier de l’État au détriment du secteur privé. Même si elles n’ont pas eu lieu dans le cadre d’expropriations, les nationalisations entreprises participent, dans le cadre d’une révolution démocratique et anti-impérialiste, au débat sur ce que peut-être le socialisme du XXIe siècle.
Élections au PSUV et congrès de la JPSUV
Quelques semaines avant la nationalisation de l’usine sucrière de Cumanacoa, avaient eu lieu les élections à la direction du PSUV [8]. Depuis le 21 juillet 2007, date de la création officielle du PSUV ce sont plus de 4 millions de Vénézuéliens qui y ont adhéré. En tout, plus de 14 000 bataillons (structure de base) de 300 militants chacun ont été créés. Les chiffres sont éloquents et démontrent l’ampleur du mouvement. Le PSUV est en train de devenir un outil essentiel dans l’organisation du mouvement social vénézuélien, et ce, même si seulement 15 % des adhérents participent de manière régulière aux activités et seulement 40 % ont voté lors des diverses élections internes. Lors des élections à la direction, seuls 80 000 adhérents purent voter, sans que l’on sache sur quels critères ce choix a été établi. Chávez dicta en direct à la télé une liste de 70 noms dans laquelle il fallait choisir les 35 personnes composant la future direction nationale. Enfin, une fois les 35 membres de la direction nationale élus, Chávez désigna en direct à la télé les membres du Bureau politique. On y retrouve uniquement des membres du gouvernement, et aucun représentant du mouvement social ou syndical. Le vote des délégués dans chacun des bataillons se sera déroulé sans qu’il puisse y avoir un contrôle des résultats.
On pense alors le PSUV complètement cadenassé quand, encore une fois, Chávez surprend tout le monde en annonçant la désignation par la base des candidats aux gouvernements régionaux (élections fédérales) et aux municipales [9]. Ce sont plus de 2 millions d’adhérents qui se déplaceront aux urnes, sans aucun accroc. Bien sûr, il y a de nombreuses choses à redire sur le déroulement de la campagne interne. Par exemple, l’interdiction pour tous les candidats de faire campagne au sein du PSUV (au nom de l’équité démocratique) a finalement servi les intérêts des candidats les plus connus, membres du gouvernement ou candidats sortants. Néanmoins, cette élection interne est à ce jour l’un des processus démocratiques les plus importants, à l’intérieur d’un parti, de toute l’histoire politique.
La constitution de la Jeunesse du PSUV (JPSUV) ne pouvait pas rester inaperçue dans ce cadre. Le congrès de fondation a eu lieu du 11 au 13 septembre 2008. Il a réuni à Puerto Ordaz (État de Bolívar) plus de 1 600 délégués. Durant trois jours, ceux-ci ont débattu sur les futurs statuts et la ligne politique générale de la nouvelle organisation. Pour ce faire, des documents de travail furent distribués sensés être approuvés par le congrès. Concernant les statuts de la JPSUV, les articles définissant l’organisation ne mentionnaient pas par exemple les termes « anticapitalisme » ou « internationalisme ». Les articles sur la vie interne ne parlaient pas plus de courants de pensée, encore moins de droit de tendance. La qualité des débats et la force de la jeunesse ont toutefois rapidement permis de dépasser quelques tentatives bureaucratiques de laisser inchangées les propositions statutaires, avançant que le congrès devait se contenter de faire remonter des « observations ». Au final les statuts adoptés sont plus en adéquation avec une organisation qui se revendique comme révolutionnaire. Ainsi l’article 2 mentionne que « La Jeunesse du PSUV a comme objectif d’organiser, former et amener la jeunesse vénézuélienne au militantisme politique révolutionnaire pour transformer radicalement la société, de dépasser toutes les formes d’exploitation, d’exclusion, de marginalisation et de discrimination qui affectent les jeunes, en dynamisant et démocratisant les espaces quotidiens de la jeunesse, pour gagner l’égalité, la liberté et la participation protagoniste de tous les jeunes. La JPSUV assume l’anti-impérialisme, la lutte contre la pauvreté et la faim, la participation directe, protagoniste et participative, la lutte contre la corruption et la bureaucratie, le principe de responsabilité et de coresponsabilité, la construction du socialisme comme l’unique solution possible, l’inventivité, la critique et l’autocritique, la coresponsabilité vis-à-vis de l’environnement et de la nature, le pluriculturalisme et la multiethnicité, la justice sociale, la construction et la fortification du pouvoir populaire, la solidarité comme axe central des relations humaines, l’humanisme, le respect de la mémoire historique et de l’identité des peuples de notre Amérique, l’internationalisme, l’idéal bolivarien, la lutte contre le capitalisme et le consumérisme, et en définitive la construction d’une véritable société égalitaire. »
Bien sûr dans le préambule de ces mêmes statuts, on ne parle à aucun moment des relations qui unissent PSUV et JPSUV, si ce n’est pour indiquer qu’« une des tâches fondamentales des militants de la JPSUV sera la diffusion des principes du PSUV, de son programme et de ses documents relatifs à sa structure. » La question de l’autonomie de l’organisation de jeunesse est clairement déniée. Toutefois une autre bataille s’annonce cruciale au sein de la JPSUV : l’élection d’une direction démocratique et respectueuse des différentes sensibilités qui composent l’organisation. Cette élection n’était pas à l’ordre du jour du congrès fondateur et est soigneusement écartée par une partie du PSUV qui se verrait bien mettre la main sur la jeunesse de l’organisation. Charge aux militants de réussir à imposer ce débat, à moins que Chávez ne donne le ton avant…
Loi habilitante
Un mois et demi avant, le 31 Juillet 2008, Chávez avait une nouvelle fois pris tout le monde à contre-pied en faisant publier 26 décrets dans le cadre de la « loi habilitante ». Pour faire passer ces décrets, Chávez s’est appuyé sur les pleins pouvoirs que lui donne la Constitution. Celle-ci lui permet en effet de légiférer pour un temps défini (18 mois), d’émettre des décrets ayant force de loi dans différents secteurs importants de la vie nationale comme la participation populaire, l’exercice de la fonction publique, l’économie et le social, la science et la technologie, l’aménagement du territoire, l’énergie, la transformation des institutions de l’État, les finances publiques, la sécurité et la Défense, les infrastructures, les transports et services.
Grâce à la loi habilitante, Chávez a décidé de faire passer la majorité des propositions faites lors de la réforme constitutionnelle (hormis la controversée question du renouvellement du mandat présidentiel) et qui sont de vraies avancées sociales. Ainsi fut adoptée une loi de défense des personnes pour l’accès aux biens et services, assurant la distribution des biens de première nécessité, prévenant les hausses intempestives des prix, et protégeant contre la publicité subliminale. De même qu’une loi relative au logement et à l’habitat, conférant une garantie légale aux sinistrés de catastrophes naturelles, aux plus de 60 ans, aux invalides et aux personnes exerçant seules la charge familiale. Elle permet aussi le crédit hypothécaire finançant jusqu’à 100 % de la valeur du logement. Une réforme partielle de la loi de la sécurité sociale aide les travailleurs qui offrent des services à domicile, les employés de maison, les occasionnels et les membres des coopératives de production. Une « loi organique de sécurité et souveraineté alimentaire » propose de maintenir des niveaux minima d’autosuffisance, protège les communautés de pêcheurs artisanaux, stimule la production nationale, restreint la prolifération des monopoles et enfin permet à l’État de fixer les prix des produits de première nécessité.
Sans même avoir connaissance du contenu de ces lois, l’opposition a commencé immédiatement une campagne de discrédit, en traitant les décrets présidentiels « d’actes de contrebande législative et de coup d’État contre la Constitution Nationale ». L’opposition, en appelant à une mobilisation rejetant les 26 décrets de la Loi, tente de créer un climat d’instabilité et de méfiance dans une population déjà troublée.
Victoire de l’aile modérée à Sidor
De fait la confusion est aussi présente dans l’usine Sidor, dont la nationalisation fut imposée par la lutte des travailleurs. Elle a eu des conséquences inattendues lors des dernières élections syndicales de septembre. Première aciérie du pays, elle a été nationalisée en avril dernier. Ici, sur près de 900 hectares ce sont presque 20 000 ouvriers qui travaillent. Tous les deux ans, des élections ont lieu entre les différentes tendances syndicales pour la direction de SUTISS [10], le syndicat local. Du fait de l’importance de Sidor, le poids de SUTISS est extrêmement important puisque, avec la nationalisation, il se retrouve à cogérer l’usine. Avec les familles et les proches des travailleurs, ce sont près de 150 000 personnes qui vivent au rythme de Sidor. A ceux-ci, il convient d’ajouter tous les sous-traitants, les commerçants qui dépendent de cette entreprise. Dans une ville de 950 000 habitants, on imagine aisément l’importance de Sidor.
La lutte des travailleurs de Sidor et la conquête de la nationalisation démontra qu’une classe ouvrière est capable de s’unir et d’être forte, malgré des divisions internes. Cette nationalisation eut des répercutions jusqu’au sommet de l’État, puisque le ministre du travail, José Ramon Rivero, fut remplacé par Roberto Hernández, vieux militant du PC vénézuélien. Autant dire que les élections syndicales furent cette année d’une importance de premier ordre. Sept listes étaient en course. Parmi elles, Alianza sindical, conduite par José Mélendez, camarade de Marea Socialista. Malgré une campagne de qualité et une présence de tous les instants sur le terrain, Alianza sindical n’a pas réussi à gagner les élections, terminant en deuxième position avec 697 voix quand la liste Movimiento Revolucionario Orinoco (MRO) obtenait 1 393 voix. Les autres listes terminaient loin derrière avec moins de 400 voix. A noter que l’ancienne direction syndicale récoltait seulement 152 voix. L’implication de José Mélendez en faveur de la nationalisation durant les trois mois de lutte intense qu’a connus Sidor, ainsi qu’un clair positionnement sur la question du contrôle ouvrier, n’auront donc pas suffi à assurer la victoire de la liste qu’il conduisait.
Tout en ayant une attitude beaucoup plus équivoque sur la question du contrôle ouvrier, la liste MRO a joué à fond la carte du changement. N’ayant aucun représentant à la direction syndicale sortante, contrairement à Alianza sindical, MRO a surfé sur l’effet de la nationalisation pour revendiquer la tête du syndicat, au nom de la nouveauté. Alors que MRO étaient peu engagé dans la lutte des derniers mois, ses membres ont su attirer à eux nombre d’ouvriers séduits par l’idée du changement syndical au moment où s’ouvre une nouvelle ère du fait de la nationalisation. En ce sens, le résultat des élections à SUTISS est assez symbolique des questionnements qui traversent la population.
Les « pitiyankees » et le danger états-unien
Mais malgré ses hésitations, le processus continue d’avancer et à faire peur à ses détracteurs. Ainsi les dernières actions de l’opposition ne sont pas à prendre à la légère.
Pour la première fois, divers officiers de l’armée vénézuélienne ont été arrêtés pour conspiration le 17 septembre 2008. Selon José Vicente Rangel, ex-Vice-président de la République, ces derniers avaient le projet d’attaquer l’avion présidentiel en vol, durant l’un de ses nombreux déplacements. Plusieurs conversations téléphoniques allant dans ce sens et ne laissant aucun doute sur les intentions des militaires ont été enregistrées, et aussitôt diffusées dans l’émission de Venezolana de Television, La Hojilla. Par ailleurs lors des premiers interrogatoires, les détenus ont admis leur participation à ce nouveau plan de déstabilisation. Le vice-amiral Millán Millán, qui fait office de coordonnateur de la conspiration, et le général Báez Torrealbaint ont aussi avoué avoir eu des contacts avec l’extérieur.
Toujours selon Rangel, des contacts civils, liés à l’extrême-droite mexicaine, auraient aussi été découverts, chargés notamment de recueillir de l’argent pour les conspirateurs. Rangel a aussi accusé Juan Manuel Santos, ministre de la Défense de la Colombie, d’être le dirigeant de la conjuration, dénonçant des contacts permanents avec l’opposition vénézuélienne et des militaires vénézuéliens en retraite.
Enfin, de forts soupçons pèsent sur les États-Unis quant à un soutien logistique éventuel. De fait, il y a peu de chance que ce soit le hasard qui ait fait se porter dans les eaux vénézuéliennes la Quatrième Flotte [11], avec 24 navires militaires de divers tonnages. De la même manière la CIA aurait été très active sur ce dossier, au travers de divers conseillers du Département d’État états-unien, comme Roger Noriega [12], Otto Reich [13] et John Walters [14].
Ces derniers événements démontrent l’activité toujours incessante de l’opposition vénézuélienne, les « pitiyankees » [15] n’ayant pas renoncé à renverser Chávez par la force, puisque la voie démocratique semble clairement les en empêcher. Ils font écho aux tristes événements de Bolivie où les États-Unis utilisent les mêmes méthodes, à savoir le soutien financier et logistique à l’opposition locale, pour tenter de renverser le pouvoir élu. Dans un tel contexte, il n’est guère étonnant de voir qu’à quelques heures d’intervalle, Morales et Chávez ont expulsé leur ambassadeur états-unien respectif.
Chávez dérange, la pression constante des États-Unis le démontre une fois de plus. Ses attaques verbales incessantes contre l’impérialisme US, ses rapprochements avec l’Iran ou la Russie sont autant de piques contre l’hégémonie nord-américaine. Mais au-delà, c’est bien le modèle de société en construction au Venezuela qui dérange les États-Unis. Certes le processus est chaotique, encore trop soumis aux décisions de Chávez et parfois beaucoup trop timide dans ses avancées. Mais toutes les mesures prises doivent être accompagnées par la lutte afin que, par exemple, les entreprises nationalisées soient gérées démocratiquement par les travailleurs. Il n’y a pas de transition possible s’il n’y a pas approfondissement des mesures prises en faveur des travailleurs. Mais cela n’est pas de la seule responsabilité de l’État et de Chávez. Le président vénézuélien ne va pas diminuer son influence de lui-même. Ceci se fera seulement si les travailleurs sont capables de s’unir, d’unir le monde ouvrier afin d’être une force indépendante et de se doter de structures massives d’auto-organisation.
L’avenir de la Révolution bolivarienne n’est pas de la seule responsabilité d’Hugo Chávez . Il dépendra surtout de la capacité propre des travailleurs d’être l’acteur principal et incontournable du processus.
Caracas, le 26 septembre 2008