« Le NPA de Besancenot peut bousculer le champ politique »
(Le Figaro.fr)
Une dissolution pour mieux renaître de ses cendres. Le principal parti d’extrême gauche français, la Ligue communiste révolutionnaire, se dissout ce jeudi pour laisser la place ce week-end à un Nouveau parti anticapitaliste (NPA), emmené par Olivier Besancenot, et qui revendique déjà 9.000 adhérents. Vice-président d’OpinionWay, auteur de « L’effet Besancenot », Denis Pingaud évalue les chances de réussite de ce nouveau parti et les conséquences éventuelles pour les autres formations de gauche, PS en tête.
LE FIGARO.FR - La Ligue communiste révolutionnaire s’est auto-dissoute ce jeudi, ouvrant la voie à la création du Nouveau parti anticapitaliste. Quelles différences ?
Denis PINGAUD - Le projet du NPA est de rassembler autour du noyau de la LCR des jeunes militants syndicaux ou associatifs voulant en découdre avec la politique de la majorité actuelle et n’ayant aucune sympathie pour les partis de gauche ou les syndicats traditionnels. L’image d’Olivier Besancenot, la crise économique et sociale et l’atonie du Parti socialiste comme force d’opposition donnent une crédibilité à ce projet qui vise à marginaliser toutes les forces politiques à gauche de la gauche comme le Parti communiste, le nouveau Parti de gauche ou les divers groupuscules antilibéraux. Dans un contexte de mobilisations sociales, ce projet peut constituer une force radicale qui bouscule le champ politique en gênant notamment les efforts du PS pour recréer une dynamique d’alternance pour 2012. La véritable question est de savoir si le NPA pourra gérer la contradiction entre sa ligne politique – l’indépendance totale vis-à-vis du reste de la gauche – et son électorat – qui reste profondément unitaire.
Le Nouveau parti anticapitaliste peut-il fédérer l’ensemble de la gauche radicale ?
Le NPA, s’il réussit son pari militant et électoral, peut devenir la force politique de référence à gauche du Parti socialiste et, du même coup, rendre obsolètes les différentes tentatives de regroupement autour du Parti communiste et du parti de Jean-Luc Mélenchon. Sa limite, toutefois, est que l’électorat radical de gauche, en France, espère avant tout que le parti d’Olivier Besancenot adopte une posture d’aiguillon pour la gauche, plutôt qu’une posture d’isolationnisme éludant la question de futures alliances pour conquérir le pouvoir. Selon une étude d’OpinionWay, 90 % des électeurs de Besancenot souhaiteraient que celui-ci participe au gouvernement si la gauche devait gagner les élections en 2012 !
Le NPA peut-il devenir un handicap électoral à la gauche traditionnelle comme le FN l’a été pour la droite pendant 20 ans ?
Le parallèle entre le NPA et le Front national n’est pas valide en raison de la structure différente de leurs électorats. Les électeurs frontistes sont hors système et peuvent voter contre leur propre camp de la droite. Les électeurs du NPA, au moins jusqu’à aujourd’hui, manifestent une très forte discipline à gauche dans les scrutins à deux tours. Si la ligne du nouveau parti d’Olivier Besancenot devait être « ni droite ni gauche » en 2012, il n’est pas certain que son électorat suivrait. Mais c’est évidemment un risque à prendre en considération pour le PS.
Les rapports avec le Parti socialiste vont d’ailleurs rester très distants dans la période qui s’ouvre. Le NPA ne proposera que des mobilisations unitaires ponctuelles sur les grandes questions sociales d’actualité mais se refusera à toute discussion unitaire en termes électoraux ou de projet gouvernemental.
Bénéficie-t-il réellement de la crise économique mondiale ?
Le discours anticapitaliste du NPA trouve naturellement un écho particulier dans le contexte de crise actuelle. Il est en phase avec le sentiment très pessimiste des Français sur les solutions possibles à la crise du système financier et à ses conséquences économiques et sociales. Mais l’histoire enseigne que, dans ce genre de situation, les opinions peuvent basculer très vite vers des solutions démagogiques ou populistes.
Cet assemblage de groupuscules ne risquent-ils pas de se disloquer à plus long terme ?
Le NPA n’est pas un assemblage de groupuscules. Il tire sa force de l’image puissante d’Olivier Besancenot dans l’opinion de gauche, sympathisants socialistes compris. Cette image favorise la cristallisation électorale d’un vote NPA. Le risque qu’il encourt à moyen terme, à se maintenir dans une position très critique vis-à-vis du reste de la gauche, est que ses électeurs se détournent de lui si le Parti socialiste parvient à redonner consistance à un projet d’alternance à la majorité actuelle. Auquel cas ne restera que le noyau dur de la LCR.
Quel score peut espérer le NPA aux élections européennes du 7 juin ?
Les intentions de vote pour les élections européennes de juin prochain donnent le NPA entre 8 et 10 %. Un tel score, s’il était confirmé, installerait ce nouveau parti comme la principale force à gauche du PS dans le paysage politique. Mais il ne s’agit que d’intentions de vote à quatre mois du scrutin. Cela dit, on sait, par expérience, qu’il n’est jamais favorable aux partis de gouvernement.
Propos recueillis par Samuel Potier (lefigaro.fr)
Myriam du NPA : « Nous sommes radicaux parce que cette société est injuste »
Si le congrès d’auto-dissolution de la LCR (40 ans après sa formation) a eu lieu jeudi 5 février, c’est vendredi 6 février que s’est ouvert le congrès de fondation du NPA. Rencontre avec une jeune congressiste lyonnaise, Myriam Duboz, qui vit son premier engagement politique depuis un an au sein du NPA.
JRV : Myriam, peux-tu en quelques mots te présenter aux lecteurs de Médiapart ? Quand et pourquoi as-tu rejoint le NPA ? Quel a été ton parcours avant d’y militer ?
J’ai rejoins le NPA au début de l’année 2008 à Lyon où je suis bibliothécaire. J’ai 31 ans et n’avais jamais milité dans un parti politique. Même si j’ai toujours été sensible aux problèmes sociaux je n’étais pas réceptive aux idées de certains de mes amis qui militaient à la LCR ou à Lutte Ouvrière.
Mon engagement fait suite à une longue période de mouvements sociaux que nous avons connus dans mon travail. Pendant un an nous nous sommes auto-organisés entre collègues avec l’aide des syndicats. S’en est suivi une grève qui a touchée les 15 bibliothèques du réseau de la Ville de Lyon. Puis un second préavis a été finalement levé. Nous avons obtenu la création d’une dizaine de postes, des améliorations de nos conditions de travail, et gagné une solidarité très forte entre collègues. Beaucoup se sont syndiqués par la suite et savent aujourd’hui qu’ils ont leur mot à dire dans leur travail et qu’ils peuvent eux aussi s’organiser.
Pour ma part je me suis syndiquée à la CGT, je participe à la vie du syndicat et milite sur le terrain. Cette activité syndicale va de pair avec mon engagement politique pour aller au bout de mes idées. J’ai participé à des formations que proposaient la LCR au moment de lancer le NPA et j’ai adhéré à la fois aux idées et au nouveau parti.
JRV : Tu as vécu le processus de création du NPA sur Lyon. Quel est ton sentiment sur cette période ? Quels ont été les points forts des débats ?
Sur la ville de Lyon, il y a aujourd’hui 11 comités qui regroupent plus de 200 militants. Il y a une grande vitalité apportée par le processus du NPA : s’ouvrir à tous, militants associatifs, syndicaux, travailleurs et sans-emploi, retraités, jeunes, à tous ceux qui veulent changer ce système. Les comités sont des assemblées ouvertes où chacun apporte ses expériences, ses opinions, et ce qui se dégage ce sont des intérêts communs et des idées qui nous rassemblent.
A Lyon nous avons eu de longues discussions sur la notion de travail. J’ai été plutôt étonnée que ce terme monopolise autant les discussions. Des camarades pensent à juste titre que la condition de travailleur ne doit pas être la seule manière de nous définir. Les échanges ont permis de montrer que si nous employons souvent ce terme de travailleur c’est pour regrouper l’ensemble des personnes dont la seule source de revenu sera, est, a été ou serait de travailler. Et que l’horizon que nous projetons n’est pas seulement fait que du travail !
Je pense qu’il est important de comprendre notre situation, en tant que salariés, ce qu’est le capitalisme, basé sur les profits que génère notre travail et qui nous sont confisqués, et par là-même ce qui nous unit.
JRV : Qu’attends-tu du congrès de fondation ? Quelle place souhaites-tu que le NPA prenne sur l’échiquier politique ?
Le congrès est l’aboutissement d’un processus que nous devons prolonger avec encore plus de succès à l’avenir et dans un cadre défini par les militants. Nous allons y gagner d’abord en visibilité puisque nous serons officiellement constitués, avec peut-être un nouveau nom, nous aurons des bases sur lesquelles nous appuyer, puis enfin une assemblée élue avec des représentants de tout le territoire.
La préparation du congrès a débuté en juin avec la mise en place d’un comité d’animation national provisoire qui a produit des textes pour fonder notre parti. Les comités se sont ensuite saisis de ces textes en produisant plusieurs versions qui seront discutées et soumises aux votes. Partout la préparation du congrès a d’abord été un moyen de se rencontrer, de se former, d’échanger, de débattre, de s’organiser, et enfin de prendre part au processus de création.
Le congrès fondateur est une nouvelle étape importante pour laquelle les militants se sont beaucoup investis. J’ai souvent été bluffée par l’attention, l’intérêt et l’engagement de toutes et de tous à s’impliquer et à travailler pour que ce congrès et ce nouveau parti soient une réussite.
Je vois le NPA, pour les milliers de militant(e)s que nous sommes, comme un moyen de nous rassembler, d’être vus, de constituer une force, de mener à bien nos idées et de les faire entendre.
Pour ce qui est de l’échiquier politique, je t’avoue que si le politique m’intéresse, c’est dans le sens de prendre en main nos vies et notre destin. Il est donc difficile pour moi de me positionner autrement qu’en rejet par rapport à un monde politique fait de partis complètement déconnectés des réalités et du quotidien de la population qui travaille ou qui est sans emploi, qui subit ce système. Mais heureusement d’autres partis et d’autres forces partagent nos combats et il est important que nous militions ensemble à chaque fois que cela est possible. C’est dans ce sens que nous accueillons positivement l’engagement de militants qui faisaient partie de Lutte ouvrière.
C’est vrai pour d’autres courants de pensée qui prennent place au sein du NPA.
JRV : Les militants de la LCR étaient déjà divers dans leurs références. Mouvement pour la transformation sociale, l’écologie politique et l’altermondialisme y avaient pris une place importante. Que penses-tu des références qui animent le débat au sein du NPA ? Quelles sont celles qui te tiennent le plus à cœur ?
Ce qui est essentiel à mon avis pour la NPA c’est que nous gardions notre indépendance vis-à-vis des partis qui ne partagent pas les même bases politiques anticapitalistes, et bien-sûr vis-à-vis des institutions. Nous tirons notre force de notre indépendance. Pour faire court, nous ne voulons pas changer de président mais changer de mode de représentation. Nous dénonçons un système dont les instances servent les intérêts capitalistes et confisquent la démocratie. Si nous sommes radicaux c’est parce que cette société est injuste et que ce système crée des inégalités et des conditions de vie inacceptables. Nous sommes pour une société où la démocratie appartiendra à la population, où l’organisation même de la démocratie permettra à la population de faire ses choix politiques et de défendre au mieux ses intérêts.
Nous ne devons pas rentrer dans ce système en tant que parti politique « institutionnel » au risque de tout perdre. C’est souvent ce que nous nous efforçons d’expliquer à tous ceux qui nous reprochent de ne pas vouloir gouverner. Oui nous voulons que nos idées soient misent en pratique, et gouvernent et le plus vite possible !
Aujourd’hui avec la crise et la situation écologique, nous avons la démonstration que le système capitaliste nous mène à la catastrophe et qu’il est urgent de faire d’autres choix de société. Il nous reste à en convaincre tous ceux qui sont touchés par cette crise. C’est tous ensemble, salariés, jeunes, précaires, privés d’emploi, sans-papiers, que nous devons peser dans les luttes et créer un rapport de force qui nous soit favorable pour changer ce monde.
Par Jean-Robert Velveth
* Paru sur Mediapart 05 fév 2009 :
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