Réduire radicalement les émissions de GES
par Alternatives
« S’il veut s’attaquer sérieusement au problème des changements climatiques, le Canada doit adopter des cibles de réduction des gaz à effet de serre beaucoup plus ambitieuses que celles de Kyoto », peut-on lire en conclusion du rapport produit conjointement par la Fondation David Suzuki et l’Institut Pembina, et publié à l’occasion de l’importante conférence internationale des Nations unies sur les changements climatiques, dont Montréal est l’hôte depuis le 28 novembre jusqu’au 9 décembre.
Dans le rapport rendu public le 22 novembre par la Fondation David Suzuki et l’Institut Pembina, deux des institutions canadiennes les plus respectées en matière de science environnementale, il est démontré que le Canada devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 25 % par rapport au niveau de 1990 d’ici 2020, et de 80 % d’ici 2050.
Mais pour « empêcher que surviennent des changements climatiques aux conséquences dangereuses, il faut que tous les pays industrialisés fassent des réductions de cette ampleur », prévient Matthew Bramley, responsable des questions climatiques à l’Institut Pembina. Le chercheur insiste cependant sur la responsabilité du Canada et le devoir qu’il a de jouer un rôle de leader sur ces questions, en montrant l’exemple. « Si le Canada adoptait des cibles moindres, ce serait comme abandonner ses responsabilités sur la scène internationale. Plusieurs pays ont déjà adopté des cibles de réduction radicales et le Canada doit faire de même s’il veut s’afficher comme un chef de file pour la protection du climat. »
Après 2012
Jusqu’au 9 décembre, c’est plus de 10 000 délégués provenant de près de 200 pays que le Canada accueille à Montréal, pour une conférence sur les changements climatiques, qui est la plus importante depuis l’adoption du protocole de Kyoto en 1997. Et l’une des grandes questions que doivent discuter les délégués concerne de fait l’établissement de cibles de réduction pour après 2012, soit à l’échéance des cibles de Kyoto.
Dale Marshall, spécialiste des politiques climatiques au bureau d’Ottawa de la Fondation David Suzuki, insiste pour dire, qu’à cette occasion, « il est essentiel que le Canada établisse une politique climatique claire pour après 2012 et qu’il s’engage à réduire, de façon radicale et permanente, ses émissions de GES. Pour le Canada, c’est le meilleur moment possible pour faire preuve de leadership à l’échelle mondiale. »
Le rapport, Réduire radicalement les gaz à effet de serre, présente une synthèse des plus récentes recherches de la science climatique, démontrant qu’il faut maintenir la concentration des GES dans l’atmosphère en deçà d’un certain seuil pour empêcher le déclenchement de changements climatiques dangereux. Il établit ensuite les cibles de réduction d’émissions que doivent adopter les pays industrialisés, comme le Canada, pour éviter d’atteindre ce seuil dangereux.
C’est que les GES s’accumulent dans l’atmosphère. Arrêter la hausse de leurs émissions n’est donc pas suffisant pour stabiliser leur concentration. Selon le rapport, il n’y a qu’une seule façon d’éviter les conséquences dangereuses du réchauffement climatique : réduire radicalement, et de façon permanente, les émissions de GES à l’échelle mondiale. « Il faut absolument qu’on en arrive à une vaste entente internationale qui permettra de réaliser des réductions de GES beaucoup plus importantes après 2012 », martèle Matthew Bramley.
En ratifiant le protocole de Kyoto, le Canada a accepté de réduire ses émissions de GES de 6 % d’ici 2012. Mais le gouvernement fédéral n’a encore pris aucun engagement à l’égard des réductions beaucoup plus radicales qui devront être réalisées à l’expiration des cibles de Kyoto, en 2012. En d’autres termes, la politique actuelle du Canada sur les changements climatiques s’arrête subitement au 1er janvier 2013.
Des solutions
Pour atteindre, après 2012, les cibles telles que définies dans le rapport de l’Institut Pembina et de la Fondation David Suzuki, il est proposé au Canada de procéder à une série de mesures d’un plan à long terme, qui lui seront bénéfiques tant du point de vue de l’environnement que sur le plan économique. Parmi celles-ci : doubler l’efficacité de l’isolation des bâtiments tant résidentiels que commerciaux, doubler le rendement de l’essence pour les camions et le tripler pour les voitures, doubler l’efficacité moyenne des appareils électriques incluant l’éclairage, les moteurs et les électroménagers, améliorer le rendement énergétique des industries d’un pour cent par année, et supprimer progressivement le nombre de centrales nucléaires et au charbon, étant donné que le rendement écologique augmente du côté des nouvelles énergies.
Un effort concerté en vue de la réduction de la consommation énergétique tant individuelle qu’industrielle aurait pour effet, prétend le rapport, de diminuer de moitié l’émission des GES par le Canada tout en réduisant sa facture de 30 milliards de dollars d’ici 2030.
Le résumé ainsi que le rapport complet intitulé Réduire radicalement les gaz à effet de serre sont disponibles en ligne : www.davidsuzuki.org/climate_change ou www.pembina.org.
Les prévisions météo exigent un changement dès maintenant
par David Suzuki
Une récente édition spéciale de la prestigieuse revue Nature n’aurait pu arriver à un meilleur moment. Avec ses nombreux articles, ses rapports et éditoriaux sur le changement climatique, il s’agissait d’un excellent aperçu en prévision de la Convention des Nations unies sur le changement climatique qui se tient à Montréal.
Cette semaine, plus de 10 000 délégués en provenance de près de 200 pays sont à Montréal pour prendre part à la plus grande conférence sur le climat depuis Kyoto en 1997. Ils sont ici pour discuter des détails de l’accord de Kyoto sur la réduction des gaz à effets de serre, mais aussi pour discuter de ce qui viendra au terme du protocole, qui prend fin en 2012.
La route peut sembler longue, mais apporter les transformations que les scientifiques jugent nécessaires pour éviter de dangereuses modifications climatiques prendra du temps - de là l’importance de commencer maintenant. Des analyses récentes sur l’impact anticipé du changement climatique sur diverses régions du monde, dans un futur rapproché, ne sont pas prometteuses. Les Prairies, par exemple, pourraient souffrir de graves pénuries d’eau. Avec un climat plus doux, il pourrait tomber plus de pluie que de neige sur les Rocheuses. Ce qui équivaut à moins d’écoulement issu de la fonte des neiges pour les fermiers au cours des mois critiques de la saison agricole.
Dans l’Himalaya, le changement se fait déjà sentir : les glaciers fondent et les lacs glaciaires prennent de l’expansion. Plus d’un milliard de personnes dépendent de l’eau provenant de ces montagnes, et les climatologues qui étudient cette région sont préoccupés par les pénuries d’eau à venir. Dans le Grand Nord canadien, les transformations sont également en cours. La glace sur laquelle les Inuits pouvaient auparavant compter pour la chasse et le transport devient dangereusement mince et se forme tardivement dans l’année. Ceci représente une menace pour la culture inuit, ainsi que pour les espèces animales qui dépendent de la glace, comme les ours polaires.
Le Canada a énormément à perdre du réchauffement climatique. Après les pays en développement qui, en grande partie, n’ont pas l’infrastructure pour faire face au changement du climat, le Canada est l’un des pays qui sera le plus affecté. Par habitant, nous sommes aussi l’un des pays les plus polluants dans le monde, tout juste aux côtés des États-Unis. C’est pourquoi nous avons l’obligation de jouer un rôle de premier plan lors de la conférence de Montréal.
Attendre les conseils des États-Unis sur la question n’est pas une option. Sous l’administration Bush, la science a été sérieusement sapée, et les scientifiques du climat subissent constamment les attaques des « sceptiques du réchauffement global », bien financés par les groupes industriels pour nier et confondre la science sur le changement climatique. Ceci a également lieu au Canada, bien que ce soit de manière moins flagrante. Un récent éditorial de Nature a soulevé l’étendue du problème aux États-Unis. Ayant pour titre « Washington ne semble toujours pas comprendre la menace du réchauffement global », l’article mentionne que « les sceptiques du réchauffement de la planète ont encore beaucoup trop d’emprise à Washington où, plus tôt cette année, un membre du Congrès a assigné l’auteur Michael Crichton à venir comparaître en tant que témoin ’’scientifique’’ sur les changements climatiques, pour son roman pseudo-scientifique State of Fear. »
Le Canada connaît mieux la situation que son voisin, tout comme ses politiciens. J’ai souvent parlé des changements climatiques à plusieurs dirigeants canadiens et je suis impressionné par leurs connaissances. Toutefois, tout le savoir du monde ne pourrait nous aider, à moins d’être mis en application. Et c’est ici que le Canada déçoit, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial dans la plupart des cas.
Le Canada jouit encore d’une réputation de chef de file en environnement même si, dans la réalité, notre performance traîne des pieds. Nous ne pouvons miser sur cette réputation encore bien longtemps. Il est grand temps que le Canada prenne position sur cet enjeu qui aura un impact énorme sur l’avenir de notre pays. La conférence de Montréal offre à nos politiciens une opportunité réelle de démontrer leur leadership en la matière, et de prendre un engagement ferme pour de plus grandes réductions de notre production de pollution, afin de nous permettre d’éviter le pire des scénarios annoncés par les scientifiques.
Climat, la route est longue
par Marie Allimann
L’automne montréalais se sera déroulé au rythme des conférences, séminaires, salons et autres réunions d’information et de vulgarisation sur les changements climatiques. Le tout en préparation de la 11e session de la Conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP11) et de la première réunion des Parties au protocole de Kyoto (MOP1) qui se tiennent en ce moment à Montréal, soit du 28 novembre au 9 décembre.
Cela fait près de trois décennies que la communauté scientifique internationale met en garde les gouvernements contre les impacts des changements climatiques. Et pourtant, les émissions de gaz à effet de serre (GES) n’ont cessé d’augmenter.
C’est lors du Sommet de la terre, tenu à Rio en 1992, que les gouvernements ont reconnu pour la première fois la nécessité d’agir en matière de changements climatiques, en signant la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Les pays industrialisés s’étaient alors engagés à abaisser leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) à leur niveau de 1990 pour l’an 2000. Mais constatant leur augmentation au cours des années suivantes, les États se lancent alors dans de difficiles négociations qui aboutiront au protocole de Kyoto en 1997. Lequel prévoit une réduction globale des émissions de six GES de 5,2 % entre 2008-2012 par rapport au niveau de 1990. Le Canada doit quant à lui réduire ses émissions de 6 %, alors que les pays en voie de développement ne sont soumis à aucune obligation de réduction. Le protocole introduit de nouveaux mécanismes de marché - les mécanismes flexibles dits de Kyoto - qui complètent les mesures et politiques sur le changement climatique adoptées par les États.
Le protocole de Kyoto est aussitôt critiqué pour son manque d’ambition ou au contraire pour ses objectifs jugés irréalisables. Il n’en demeure pas moins le premier texte international imposant des mesures obligatoires aux États pour réduire ou stabiliser leurs émissions de GES. Depuis 1997, les Conférences des parties (COP) préparent techniquement la mise en œuvre du protocole. Des divergences entre les États demeurent sur de nombreux points et les tractations n’ont cessé de vider le texte de sa substance. La décision des États-Unis de ne pas ratifier le protocole n’a heureusement pas empêché l’entrée en vigueur du protocole, le 16 février 2005.
COP11 à Montréal
Près de 10 ans après le début des négociations, les travaux sur la mise en œuvre des dispositions du protocole de Kyoto doivent en principe s’achever ces jours-ci, au cours de la 11e Conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP11). Après quoi doivent s’amorcer des discussions sur l’engagement des pays à compter de 2012. C’est donc à la fois la crédibilité de l’après-Kyoto et celle des engagements actuels qui se jouent, puisque des politiques réellement volontaristes en la matière ne se conçoivent que dans la durée. Mais des divergences persistent sur la stratégie de l’après Kyoto.
Combien d’années faudra-t-il aux gouvernements pour s’accorder sur un engagement post-Kyoto ferme et efficace ? Le 3e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de 2001 annonce un réchauffement de l’ordre de 1,4°C à 5,8°C d’ici 2100, en l’absence de politiques de protection du climat. Les impacts se font déjà ressentir et ils s’amplifieront. L’eau potable, les récoltes, la survie des écosystèmes et la santé seront affectés.
Toujours selon le GIEC, les solutions respectant un rapport coût-efficacité raisonnables existent, pour autant qu’on ne tarde pas à les mettre en œuvre. Mais dans de nombreux pays industrialisés, les conflits institutionnels et politiques continuent de faire obstacle à des politiques efficaces de réduction des émissions, de même que notre culture et nos comportements, comme en témoigne la réaction d’une partie des citoyens vis-à-vis de la récente montée des prix du carburant. L’augmentation des prix énergétiques paraît pourtant bien dérisoire en regard de l’ampleur des bouleversements qui nous attendent. Les énergies fossiles sont « un cadeau unique de nos ancêtres », rappelait récemment David Suzuki aux 3 400 personnes venues assister à sa conférence, Alerte climatique, présentée à Montréal par Équiterre.
La responsabilité de chacun
Nombre de sites Internet foisonnent de trucs et astuces pour que chaque individu contribue à la réduction des émissions de GES, que ce soit en matière de transport, d’efficacité énergétique ou d’alimentation (http://kyoto-montreal.ca, http://www.equiterre.org, http://quebec-vert-kyoto.org, http://www.aqlpa.com, etc.). Pendant toute la durée de la conférence internationale sur le changement climatique, des événements parallèles ouverts au public permettront de prendre la mesure des enjeux et de ce que nous pouvons faire. Le 3 décembre, à l’occasion de la journée internationale d’action pour le climat, une grande marche populaire aura lieu tant à Montréal que dans plusieurs autres villes du monde entier. Elle sera l’occasion d’afficher notre volonté d’aller de l’avant, parce que le temps presse.