Rome,
Les premières mesures du gouvernement Prodi, dans lequel le Parti de la refondation communiste (PRC) dispose du ministère des Politiques sociales et de nombreux vice-ministères, se sont révélées clairement libérales. Si certaines dispositions positives ont été introduites en matière de lutte contre l’évasion fiscale, aucune réponse n’a été donnée aux exigences de fond manifestées par le peuple qui a voté pour la coalition de centre gauche. Bien au contraire...
Un décret a tout d’abord libéralisé le marché de l’énergie. Un autre en a fait de même pour une série d’activités jusqu’alors protégées du marché capitaliste. Cela a d’ailleurs provoqué une révolte des chauffeurs de taxi, qui ont bloqué les principales villes durant quelques jours.
Dans le même sens, tout récemment, le document économique et financier exposant la politique économique et sociale du gouvernement a été rendu public. Il constituera la base de la loi de finance annuelle présentée à l’automne, et il se situe intégralement dans le cadre des logiques libérales dictées par l’Union européenne. Il se propose ainsi de mettre en œuvre une série de coupes claires visant à ramener le fameux déficit aux normes fixées par le traité de Maastricht. Ce qui n’est guère surprenant, les deux principaux responsables de l’attelage gouvernemental, Prodi et son ministre de l’Économie, Padoa Schioppa, ayant été respectivement président de la Commission européenne et l’une des principales figures de la Banque européenne. La santé, les retraites, les dépenses des collectivités locales, les travailleurs de la fonction publique seront particulièrement touchés. Le contenu du document est à ce point régressif que le ministre de Refondation s’est vu contraint de ne pas participer au vote.
C’est cependant la politique étrangère, et tout particulièrement le décret de refinancement des missions militaires à l’étranger, qui traduit le mieux la réalité de la politique gouvernementale et l’involution politique simultanée que connaît le PRC. Sous la pression populaire, le gouvernement retirera les troupes italiennes d’Irak, même si cette décision s’étalera jusqu’à l’automne. Mais il propose de redistribuer immédiatement des crédits aux autres missions de l’armée à l’étranger, notamment en Afghanistan, où les soldats italiens sont de plus en plus directement engagés dans la guerre. Le ministre de la Défense a d’ailleurs souligné, à plusieurs reprises, la place de l’Italie dans les opérations de l’Otan et, plus généralement, son rôle aux côtés des puissances occidentales sur l’échiquier international.
Retrait d’Irak, pas d’Afghanistan
Dans un premier temps, nombreux furent ceux qui présentèrent l’affaire afghane comme un pas vers la réduction de l’intervention italienne et, donc, comme un compromis acceptable dans la mesure où « on ne peut pas tout obtenir tout de suite ». Ce fut notamment la position du groupe dirigeant du PRC. Les secteurs de gauche du parti démontrèrent facilement, au contraire, que l’engagement italien, plutôt que de diminuer, augmentait. Au demeurant, la question afghane ne faisant pas partie du programme de gouvernement négocié avant les élections, le PRC pouvait facilement assumer sa liberté de choix face au reste de la majorité interventionniste. Huit sénateurs (quatre de Refondation, trois des Verts et un des communistes italiens [1]) ont annoncé qu’ils ne voteraient pas le refinancement de la mission.
On le sait, la majorité de centre gauche est très réduite au Sénat. Une puissante campagne a donc été déclenchée pour obliger les huit sénateurs à avaliser une opération de guerre qui va à l’encontre des sentiments de la majorité de la population. Le mouvement pour la paix s’est à son tour divisé à propos des résolutions adoptées par le Forum social d’Athènes, une partie défendant le « compromis », d’autres parlant de la « réduction des dommages », d’autres encore s’inquiétant mais s’adaptant, les derniers soutenant qu’il était impossible de ne pas voter, à condition de chercher une autre position pour le moment où la mission en Afghanistan devra être à nouveau financée (c’est-à-dire dans six mois).
Le samedi 15 juillet, à l’initiative de nombreux représentants du mouvement antiguerre et d’une quinzaine de sénateurs et de députés, une grande assemblée a été organisée en soutien à la position qui refuse clairement la guerre, sans « si » et sans « mais ». Une bataille très importante s’engage, de nature à redistribuer les cartes entre les forces politiques et sociales. La guerre conduit toujours à des choix auxquels personne ne peut échapper. Le groupe dirigeant du PRC a l’intention, quoi qu’il advienne, de voter le décret du gouvernement et, ces derniers jours, il a menacé de lourdes sanctions les parlementaires qui entendaient exprimer un vote négatif. Le prix de la participation à un gouvernement social-libéral est très élevé.
Note
1. Le parti des communistes italiens (PDCI) est issu d’une scission de droite du PRC.
Encart
Nouveau revers pour Berlusconi
Silvio Berlusconi vient de prendre une troisième claque après sa défaite aux élections législatives : les 25 et 26 juin, les électeurs italiens ont rejeté par plus de 60 % des voix le projet de réforme constitutionnelle et de décentralisation élaboré et défendu par son parti, Forza Italia, et la Ligue du Nord.
Cette réforme avait un double objectif. Le premier était de renforcer les pouvoirs du chef du gouvernement, qui aurait pu ainsi nommer et révoquer seul ses ministres, sans l’accord du président de la République. Le deuxième était de renforcer la décentralisation, en octroyant aux régions la prise en charge de l’école et du système de santé.
Et le xénophobe leader de la Ligue du Nord, Umberto Bossi, ne cachait pas que cette décentralisation n’était qu’une première étape, son objectif étant que les régions conservent une part très importante des impôts récoltés sur leur territoire, ce qui ne peut avoir pour effet que d’accentuer les disparités économiques et sociales entre l’Italie du Nord et l’Italie du Sud. Il avait menacé par ailleurs de se réfugier en Suisse si sa réforme n’était pas acceptée. Tant mieux pour l’Italie, tant pis pour la Suisse...