Parmi les hommages politiques au défunt roi d’Arabie saoudite Abdallah, celui de la directrice du Fonds monétaire international (FMI) a particulièrement surpris. Christine Lagarde a évoqué depuis Davos (Suisse) un homme qui, « de manière discrète », était « un grand défenseur des femmes ».
« C’était très progressif, a expliqué Christine Lagarde. Mais j’ai abordé cette question avec lui à plusieurs reprises et il y croyait fermement ». De plus, « il avait mis en place beaucoup de réformes », a-t-elle ajouté.
L’hommage fait grincer des dents, alors que le pays est l’un des pires au monde en matière de droits des femmes, celles-ci étant contraintes par la loi à une soumission quasiment totale aux hommes. À l’actif du roi : depuis 2011, les Saoudiennes peuvent voter et se présenter aux élections locales [1]. Le Parlement, dont tous les membres sont nommés par le roi, accueille désormais des femmes. Mais elles ne peuvent représenter plus de 20 % des effectifs, et leurs interventions sont limitées à des domaines considérés comme « féminins », notamment la famille Il avait nommé, en 2009, une femme ministre de l’éducation des femmes. Et deux Saoudiennes avaient pu, pour la première fois, participer aux jeux olympiques de Londres, en 2012. Enfin, elles ont été autorisées à faire du vélo, avec de fortes restrictions.
Des avancées bien maigres quand on sait que le pays est le dernier au monde où les femmes ne sont pas autorisées à conduire, et qu’elles doivent demander l’autorisation à un homme avant de pouvoir se marier, voyager, accepter un travail salarié, subir une opération chirurgicale ou suivre des études supérieures. En outre, les violences conjugales sont quasiment impunies et les lois sur le divorce ultra-favorables aux hommes.
Parallèlement, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a appelé vendredi le nouveau monarque saoudien à faire cesser les persécutions contre les dissidents et les discriminations à l’égard des femmes et de la minorité chiite. « Le roi Salmane doit faire progresser le pays en mettant fin à l’intolérance en matière de liberté d’expression, en extirpant le sexisme et les discriminations d’ordre confessionnel et en encourageant la mise en place d’un système judiciaire équitable et impartial », a estimé le directeur adjoint de HRW pour le Moyen Orient, Joe Stork.
Pour ce responsable de l’organisation de défense des droits de l’Homme, le nouveau souverain doit prendre des mesures « pour interdire les discriminations envers les femmes et les minorités religieuses et protéger la liberté de parole ».
Un blogueur saoudien a récemment été condamné à dix ans de prison et 1 000 coups de fouet en raison de ses propos, et Riyad, qui applique une version stricte de la charia (loi islamique) a perpétré le troisième plus grand nombre d’exécutions au monde en 2014.
« Un pas important serait de retirer la loi vague utilisée pour poursuivre en justice les Saoudiens, et rédiger un code pénal qui protège les droits de l’Homme », a insisté Joe Stork, ajoutant : « il doit aussi appeler à des reformes politiques ».
(23-01-2015 - Avec les agences de presse)