Jair Bolsonaro, le « Trump tropical », s’est abattu sur la démocratie brésilienne. Un vent de dégagisme d’une puissance inouïe a provoqué, dimanche 7 octobre au soir, une onde de choc dès ce premier tour d’une présidentielle qu’on annonçait pourtant plus mesuré. Avec 46 % des voix, le candidat d’extrême droite et sa petite formation ont balayé en un tournemain tous leurs adversaires, à l’exception notable du candidat du Parti des travailleurs (PT, gauche), Fernando Haddad. L’ancien maire de Sao Paulo, désigné il y a trois semaines à peine par l’ex-président Lula aujourd’hui incarcéré, est arrivé en deuxième position avec 29 % des suffrages. La vague a également déferlé sur le Parlement, engloutissant les caciques du vieux monde politique brésilien. Qu’on en juge : Geraldo Alckmin, l’homme fort de Sao Paulo, Dilma Rousseff, l’ancienne présidente, Marina Silva, l’ex-ministre écologiste, et tant d’autres ont été balayés.
Le candidat vainqueur n’a même pas eu besoin d’apparaître en public ou devant la presse, comme cela avait été annoncé. Sur son compte Facebook, il a annoncé, dans la soirée, face caméra, qu’il allait « unir le peuple », qu’« unis, les Brésiliens deviendront une grande nation » et que « personne n’avait le potentiel qu’ils avaient ». Avec à ses côtés une interprête qui traduisait ses mots en langue des signes, il a émis des doutes, comme à son habitude, sur « le système de vote [électronique] qui a eu des problèmes » : « Vous pouvez être sûrs que si ces problèmes ne s’étaient pas produits, nous aurions décidé du nom du futur président de la République dès aujourd’hui. » Et puis ceci : « Je suis certain que nous sortirons victorieux. Il existe désormais deux voies : notre voie de prospérité, de liberté, de la famille et de Dieu, ou la voie du Venezuela… »
De quoi faire exulter ses partisans, rassemblés une bonne partie de la nuit à Rio de Janeiro, devant l’entrée de sa résidence du quartier chic de Barra de Tijuca. « Il parle la langue du peuple », s’écrie Joao, la vingtaine, vendeur dans le quartier. « Il est le candidat de la sécurité, de l’honnêteté et de la famille, les trois choses les plus importantes », lâche Sergio Leite, électricien de 43 ans, voisin de quartier, « sans religion » et électeur de Lula en 2002 et 2006. « Je ne sais pas s’il est le meilleur, mais c’est le seul, en tout cas, pour lequel on peut voter. »
Débat « les yeux dans les yeux »
A l’Hôtel Pestana, à Sao Paulo, où s’est retrouvée l’équipe de campagne de Fernando Haddad, l’annonce d’un second tour a été accueillie avec un soulagement aux allures de demi-victoire. En début de soirée, les rumeurs donnaient Jair Bolsonaro vainqueur avec 56 % des voix. L’électorat du Nordeste, décisif, a offert à l’héritier de Lula une place au second tour. Bien qu’offrant un avantage massif au militaire, le résultat définitif a été accompagné de cris de joie. « On a été paniqués, raconte Leonardo Martins, militant du PT, sous le coup de l’émotion. Un second tour nous donne de l’espoir. Il y a une résistance au Brésil. On peut gagner ! »
Freinant un enthousiasme inapproprié au regard du raz-de-marée de l’extrême droite, Fernando Haddad a dit « prendre conscience du défi ». « Ce second tour est une opportunité inestimable », a-t-il poursuivi, appelant « toutes les forces démocratiques du Brésil à s’unir » en remerciant le parti, sa famille et Lula, son mentor.
Le camp de la gauche mise sur l’habileté rhétorique de Fernando Haddad face à un candidat connu pour son agressivité, ses dérapages et le manque de consistance de son programme. L’ancien ministre de Lula, poli et mesuré, pense reprendre l’avantage lors de débats « les yeux dans les yeux » que Jair Bolsonaro a évités jusqu’ici, du fait de son hospitalisation après son agression au couteau, le 6 septembre.
« Contre le fascisme »
Le représentant du PT peut aussi compter sur l’appui de Ciro Gomes, candidat de centre gauche pour le Parti démocratique travailliste (PDT, centre gauche), crédité de 12,5 % des voix. « Ele nao [Pas lui], sans aucun doute », a expliqué l’ex-gouverneur du Céara, Etat du Nordeste, quelques minutes après l’annonce des résultats, faisant référence au mot-clé #EleNao employé lors des grandes manifestations de femmes contre Jair Bolsonaro. « L’histoire de ma vie est marquée par la défense de la démocratie, contre le fascisme », a-t-il ajouté.
Des partisans de Jair Bolsonaro, dimanche 7 octobre, à Rio de Janeiro.
Mais il faudra plus qu’une poignée de voix supplémentaires pour permettre au poulain de Lula, lors du second tour, prévu le 28 octobre, de vaincre le représentant d’une nouvelle droite, extrême, militaire, avocate des « valeurs » et portée par la haine du PT et de son leader emprisonné, Lula. Au moment d’aller voter, dans le quartier de Moema, à Sao Paulo, Fernando Haddad n’a pu ignorer les bruits de casseroles qui tentaient de faire taire la petite foule venue l’acclamer. « Allez maintenant, les gens du PT, vous allez devoir travailler », a lancé, narquois, Ricardo Requena, électeur de Bolsonaro, à leur adresse.
Le triomphe de Jair Bolsonaro, même s’il ne l’emporte pas au premier tour, est réel. Son ascension, vertigineuse, irrationnelle, reflète à la fois ce vote saco cheio (« ras-le-bol ») d’un pays exaspéré par ses élites, fatigué par douze années de pouvoir du PT, et nostalgique d’un passé fantasmé. Presque malgré lui, le sexagénaire, député insignifiant pendant vingt-sept ans, considéré jusqu’ici comme un élément du « bas clergé » au Congrès, a su séduire, incarnant aux yeux des électeurs une figure de l’« antisystème » en costume de militaire.
Beaucoup ignorent l’essentiel du programme de l’ex-capitaine d’infanterie. Et la plupart négligent son profil phallocrate, raciste et homophobe, pour ne voir en lui que le représentant d’un ordre et d’une autorité perdus. Bien qu’attachée à la démocratie, une partie du pays se plaît ainsi à encenser la dictature militaire (1964-1985) à l’instar de son nouveau champion. « A cette époque, le pays était prospère et on pouvait marcher tranquillement dans les rues. Lorsqu’il y avait des bandits, la police les arrêtait », assure Ademar Bueno Jr, retraité de la métallurgie, à Sao Bernardo do Campo, ville ouvrière de la périphérie de Sao Paulo, hier fief de Lula et de la gauche.
L’« utopie » de la dictature
« Il y a un désir de voir la dictature comme une utopie qui améliorerait la sécurité, l’économie, la stabilité… tout ce qui va mal aujourd’hui. (…) Les Brésiliens ont tendance à voir leur gouvernant comme un père. Quelqu’un qui aurait de meilleures idées qui déciderait à leur place, qui exercerait leurs droits », observe l’historienne Lilia Schwarcz, interrogée par le site El Pais Brasil, le 7 octobre.
Sauveur autoproclamé d’une patrie en danger, Jair Bolsonaro est né sur les cendres fumantes d’une crise économique historique et d’une soif d’éthique provoquée par l’opération anticorruption « Lava Jato » (« lavage express »). Fatigués par l’oligarchie au pouvoir depuis des décennies, ne croyant plus aux institutions, les Brésiliens ont choisi une solution radicale. Un homme aux accents autoritaires, d’abord considéré comme un personnage effrayant par les milieux d’affaires avant d’apparaître, progressivement, comme un futur chef d’Etat acceptable. Une dédiabolisation favorisée par les différents candidats qui, du représentant de la droite, Geraldo Alckmin, à l’écologiste Marina Silva, ont mis dos à dos Bolsonaro et le PT. Deux candidatures présentées comme deux « extrêmes », deux « aventures » aussi dangereuses l’une que l’autre. Un face-à-face qui, dans un pays où le désir de changement était perceptible à chaque coin de rue, a largement profité à Jair Bolsonaro.
Nicolas Bourcier (Rio de Janeiro, envoyé spécial) et Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
• LE MONDE | 08.10.2018 à 11h20 • Mis à jour le 08.10.2018 à 20h44 :
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Fernando Haddad, le deuxième homme, peine à sortir de l’ombre de Lula
L’ancien maire de Sao Paulo s’est hissé au second tour du scrutin lors duquel il devra convaincre l’ensemble des opposants à l’extrême droite.
En se hissant au second tour de l’élection présidentielle au Brésil, Fernando Haddad, candidat de la gauche pour le parti des travailleurs (PT) évite l’humiliation d’une défaite immédiate et écrasante rêvée par Jair Bolsonaro, son adversaire d’extrême droite. Une expérience vécue en 2016, lors de la campagne municipale de Sao Paulo, où il briguait sa réélection, remportée haut la main dès le premier tour par Joao Doria, candidat de droite se prétendant apolitique, aujourd’hui sympathisant de Bolsonaro.
Universitaire, traducteur de Karl Marx, diplômé en droit, philosophie et économie, professeur de sciences politiques à l’université de Sao Paulo (USP), Fernando Haddad, 55 ans, appartient à l’aile modérée du parti des travailleurs. Refusant de qualifier le Venezuela de Maduro de démocratie, ce fils d’immigrés libanais est considéré par les analystes comme un social-démocrate. Mais ses ennemis, en particulier le camp des militants de Jair Bolsonaro, le voient davantage comme un communiste en passe de « vénézualiser » le Brésil.
Aujourd’hui challenger, dernier rempart de l’extrême droite, Fernando Haddad est en position délicate. Les derniers sondages le donnent perdant ou, au mieux, à égalité face au militaire de réserve lors du second tour.
Adoubé par l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva le 11 septembre, après l’invalidation de la candidature du « père des pauvres » pour corruption, Fernando Haddad attend son heure depuis près d’une décennie. Considéré comme la jeune garde prometteuse du PT, il devient, à 42 ans, ministre de l’éducation lors du premier mandat de Lula en 2005. A la tête de l’un des portefeuilles les plus en vue du gouvernement, il contribue à installer des universités dans les régions les plus reculées du pays.
« Marionnette de Lula »
Sûr de lui, celui qui est parfois surnommé « le vaniteux » est un temps pressenti pour succéder à Lula en 2010. Les caciques du PT lui préfèrent toutefois Dilma Rousseff, l’ancienne guérillera élue cette année-là et en 2014 – elle sera destituée en 2016. En lot de consolation, Fernando Haddad convoite et remporte en 2012 la mairie de Sao Paulo, plus grande ville d’Amérique du Sud où il laissera un souvenir mitigé.
Aujourd’hui sur le devant de la scène, le quinquagénaire mène une campagne dans l’ombre de son mentor. Son message « Haddad é Lula » (Haddad est Lula) a permis à l’ancien ministre de l’éducation, inconnu des masses, de grimper dans les sondages. Mais cette étiquette, couplée à des visites hebdomadaire dans la cellule de l’ancien métallo, ont fait de lui la « marionnette de Lula ».
Plus habile dans les conversations entre experts que lors de meetings de campagne, le candidat a dû affronter une haine anti-PT et anti-Lula nourrie par une partie du pays fatiguée par plus d’une décennie de gouvernement de gauche et ulcérée par les scandales de corruption. Face à cette agressivité et à la montée du courant d’extrême droite, Fernando Haddad, homme poli et mesuré, serait « une personnalité qui n’a pas de punch, pas d’énergie ni autorité pour faire face à cette vague fasciste qui s’empare du pays », a lancé Ciro Gomes, candidat du Parti démocratique travailliste (PDT, centre gauche), lors de son passage dans la favela de la Rocinha à Rio de Janeiro, le 5 octobre. Arrivé troisième au premier tour (avec 12 % des voix), il a dès dimanche appelé à voter pour Fernando Haddad le 28 octobre. Ce dernier espère être à même de franchir la dernière marche du pouvoir pour tenter de réconcilier les Brésiliens.
Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
• LE MONDE | 08.10.2018 à 10h55 • Mis à jour le 08.10.2018 à 16h16 :
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Jair Bolsonaro et ses « douze apôtres »
Le candidat d’extrême droite arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, dimanche, s’est entouré d’une équipe réduite de fidèles qui fonctionne en vase clos.
Le style agressif, la parole misogyne, des mots blessants à l’égard de ses adversaires, un côté disruptif aussi, proarmes, anti-Etat, nostalgique d’une période que l’on croyait sortie des mémoires et viscéralement attaché aux réseaux sociaux qui tiennent lieu de porte-voix et d’outil utile de propagande, Jair Bolsonaro ressemble singulièrement au président des Etats-Unis. Dans le propos, mais aussi dans la forme et l’organisation.
Tout comme le milliardaire américain, le candidat d’extrême droite arrivé largement en tête, dimanche 7 octobre, du premier tour de l’élection présidentielle brésilienne a su s’entourer d’une équipe de campagne réduite et fermée sur elle-même.
Comme si Jair Bolsonaro, capitaine parachutiste de réserve, avait transposé son expérience militaire à la politique, où la loyauté, le clan et l’ambition constituent pour lui aussi les piliers de son entreprise personnelle. Un univers clos, animé par l’esprit de corps autour de celui que ses collaborateurs appellent parfois le « mythe », un terme que le candidat a demandé à ses followers de ne pas adopter.
Ils sont comme « les douze apôtres du messie », note le quotidien Valor en référence aux aspirations christiques du candidat et à son nom, Jair Messias Bolsonaro. Des hommes et aucune femme.
« J’aime la politique, pour Jair »
Le cœur du noyau est constitué par les trois fils aînés du candidat, le député d’Etat Flavio, 37 ans, l’élu fédéral Eduardo, 34 ans, et le conseiller municipal Carlos, 35 ans, qui joue le mentor de la famille sur Internet. A la baguette, Gustavo Bebianno Rocha. A 54 ans, cet avocat, ceinture noire de ju-jitsu, a été imposé à la tête du Parti social-libéral (PSL, populiste, droite) par Jair Bolsonaro, microparti repris en main par ce dernier en début d’année.
Les deux hommes se sont connus en 2017. Sans avoir jamais occupé un poste électif, ni participé à une campagne électorale, M. Bebianno devient rapidement le bras droit du candidat. C’est lui qui tient son agenda et s’occupe des relations avec les partis. « Je suis une sorte de bombril [brosse en métal], j’ai mille et une utilités », a-t-il coutume de dire, en référence à une célèbre publicité brésilienne.
« Je déteste la politique. Je n’ai jamais été impliqué en politique, je ne me suis même jamais essayé à être élu à un syndic de copropriété. » , déclarait-il en août. Avant d’ajouter, toutefois : « Mais aujourd’hui, j’aime la politique, pour Jair. » C’est lui qui a remplacé, dimanche soir, son candidat à la table de la conférence de presse et a répondu à quelques questions des journalistes. En cas de victoire au deuxième tour, M. Bebianno devrait occuper le ministère de la justice.
Quatre autres membres forment une sorte de deuxième cercle : deux dirigeants du PSL, Julian Lemos et Luciano Bivar, l’ancien président de la formation, Antonio de Rueda, et le député fédéral Major Olimpio.
Groupe restreint
Dans cet aréopage, Nabhan Garcia, le président de l’Union démocratique rurale, l’association des grands propriétaires terriens, a pour mission de prendre contact avec les hommes d’affaires et les parlementaires. C’est lui qui a obtenu le soutien des élus de la bancada ruralista, principal lobby du Congrès (40 % des parlementaires).
Le député Onyx Lorenzoni, membre influent de la bancada da bala (lobby des armes), a été annoncé pour occuper le ministère de la maison civile (sorte de chef de cabinet du gouvernement). Lui-même a avoué avoir reçu un financement de JBS, le numéro un mondial de la viande impliqué dans des scandales de corruption, lors de sa campagne de 2014.
L’économiste Paulo Guedes, coordinateur du programme et garant de la campagne auprès des hommes d’affaires, chantre des privatisations, a été annoncé comme futur chef d’un superministère de l’économie. Le pasteur sénateur Magno Malta fait, lui, campagne auprès des évangéliques.
Deux militaires étoilés appartiennent encore à ce groupe restreint. Le général Augusto Heleno, considéré comme tenant d’une ligne dure, et le général Hamilton Mourao, colistier de Bolsonaro. Ce dernier a été sévèrement critiqué pour avoir fait des déclarations controversées, notamment sur la suppression du treizième mois. On ne l’a plus entendu depuis.
Nicolas Bourcier (Rio de Janeiro, envoyé spécial)
• LE MONDE | 08.10.2018 à 06h37 • Mis à jour le 08.10.2018 à 12h04 :
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Les principaux candidats à la présidentielle
Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, un nostalgique de la dictature militaire, grand favori de ce premier tour.
Un Brésil en crise et très divisé a commencé à voter, dimanche 7 octobre, pour une présidentielle aux enjeux importants. Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, un nostalgique de la dictature militaire, est le grand favori du premier tour.
Le profil détaillé des principaux candidats :
Jair Bolsonaro, le nostalgique de la dictature et de ses tortionnaires
Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, le 7 octobre à Rio de Janeiro.
A l’extrême droite, Jair Bolsonaro, militaire de réserve, est en tête des sondages. Avec 40 % des intentions de vote, il a su profiter de ce sentiment d’exaspération envers le PT au pouvoir plus d’une décennie, Lula et les scandales de corruption. Se présentant comme « honnête » et « patriote », il promet, sur le ton de la plaisanterie, dira-t-il plus tard, de « fusiller les “petralhas” », les membres du PT. Un ton agressif qui lui a valu le soutien de cette classe moyenne désenchantée par la crise et apeurée par le déclassement.
Dans un pays nourri par un sentiment de chaos et de décadence, ce grand nostalgique de la dictature (1964-1985) incarne la figure du militaire, garant de l’ordre et de l’autorité qui serait à même de venir à bout de l’insécurité qui gangrène le pays. Après une attaque au couteau le 6 septembre qui a failli lui coûter la vie, Jair Bolsonaro, a cultivé, via une campagne orchestrée presque exclusivement via les réseaux sociaux, son profil de « sauveur de la patrie ». En dépit de ses propos racistes, misogynes, homophobes, il fédère désormais une partie de la bourgeoisie, des chrétiens évangéliques, du monde agricole et des milieux d’affaires.
Fernando Haddad, le poulain de Lula
Considéré par ses contempteurs comme la « marionnette de Lula », Fernando Haddad est sorti de l’ombre le mardi 11 septembre après avoir été adoubé par le « père des pauvres », dont la candidature venait d’être rejetée du fait de sa condamnation pour corruption. L’ancien maire de Sao Paulo, inconnu du grand public, a alors mené une campagne sans ambiguïté, baptisée « Haddad est Lula » pour profiter de l’aura de son mentor. Une stratégie qui a permis à l’ancien ministre de l’éducation de progresser dans les enquêtes d’opinion jusqu’à devenir le challenger de Jair Bolsonaro. Il est aujourd’hui crédité de 25 % des intentions de vote.
Mais la bénédiction de Lula et son appartenance au PT provoquent également le rejet d’une partie du Brésil fatiguée des promesses de la gauche et avide de changement. En l’absence de Jair Bolsonaro lors des débats, Fernando Haddad est devenu l’homme à abattre. Il a dû affronter des feux nourris de la quasi-totalité de ses adversaires qui, de Geraldo Alckmin (droite) à Marina Silva en passant par Ciro Gomes (centre gauche) l’ont confronté au bilan du PT, dont une partie de l’état-major est impliquée dans des scandales de corruption et dont la politique dépensière est jugée en partie responsable de la récession historique de 2015.
Désireux d’incarner une « troisième voie », les autres candidats ont renvoyé dos à dos le PT et Jair Bolsonaro, deux extrêmes représentant un danger équivalent pour le Brésil. Une stratégie risquée, qui, à ce stade, n’a fait que légitimer l’ascension du héraut de l’extrême droite.
Marina Silva, l’écolo évangélique
Originaire de Rio Branco, capitale de l’Etat de l’Acre au fin fond de l’Amazonie, l’ancienne ministre de l’écologie de Lula a remporté 20 % des voix lors des deux précédents scrutins présidentiels. Femme de caractère, elle avait jeté sa carte du PT, dégoûtée par les concessions du gouvernement à l’agrobusiness. A 60 ans, elle espérait vivre, enfin, son moment.
Las, créditée de 16 % des intentions de vote en août, celle qui fut domestique et analphabète jusqu’à ses 16 ans affiche désormais un médiocre 3 %. Pas assez incisive pour les uns, mal préparée pour les autres, la leadeuse du parti écologiste a semblé inaudible dans une campagne agressive.
Geraldo Alckmin, le candidat de l’establishment dépassé par l’extrême droite
Ancien gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, l’ex-président du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), 65 ans, représente le camp de la droite républicaine. Une droite « élégante » mais décrédibilisée pour avoir participé au gouvernement du très impopulaire Michel Temer, accusé d’avoir enfoncé le Brésil dans les tréfonds d’une crise morale et politique.
Face à des électeurs écœurés par les scandales de corruption, le PSDB pâtit des multiples affaires ou soupçons entourant Aecio Neves, candidat du scrutin de 2014. Comparé à un sorbet de « chu chu », une cucurbitacée insipide, pour son manque de charisme, Geraldo Alckmin a été incapable de se distinguer face à ceux qu’il qualifie de « deux faces d’une même pièce », Fernando Haddad et Jair Bolsonaro. Stagnant à 8 % des intentions de vote, il a perdu l’appui des milieux d’affaires qui lui ont préféré Jair Bolsonaro et son très libéral conseiller économique, Paulo Guedes.
Ciro Gomes, l’exalté, espoir d’une troisième voie
Celui qui fut à la fois ministre du gouvernement d’Itamar Franco en 1994 et de Lula – de 2003 à 2006 – a navigué entre sept partis avant d’échouer au Parti démocratique travailliste (PDT, centre gauche). Longtemps considéré comme un suppléant potentiel de Lula, dont il s’est dit chagriné par la condamnation, Ciro Gomes a perdu de l’élan après la candidature de Fernando Haddad. Il est aujourd’hui crédité de 15 % des intentions de vote.
Réputé pour son impulsivité, il a expliqué à Marina Silva que cette campagne avait besoin de « testostérone » et s’est laissé aller, lors d’un meeting de campagne, à traiter un journaliste de « fils de pute ». L’ascension vertigineuse de Jair Bolsonaro et la haine anti-PT feraient de Ciro Gomes une option crédible pour incarner une « troisième voie » et offrir la victoire du camp progressiste face à l’extrême droite. Dans les simulations de second tour, Ciro Gomes est le seul à battre Jair Bolsonaro à 47 % contre 43 % selon l’enquête Datafolha du 6 octobre. Il lui reste à décrocher une improbable place au second tour.
Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
• LE MONDE | 07.10.2018 à 15h46 • Mis à jour le 07.10.2018 à 15h47 :
https://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2018/10/07/bresil-les-principaux-candidats-de-la-presidentielle_5365931_3222.html
Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, un nostalgique de la dictature militaire
Le capitaine de réserve, tantôt grossier, raciste ou homophobe, est arrivé largement en tête du premier tour de la présidentielle, dimanche.
La session du Congrès brésilien a commencé depuis plusieurs heures, le 17 avril 2016, quand Jair Bolsonaro, à l’époque député, s’approche du pupitre. Apportant sa voix en faveur de l’« impeachment » (destitution) de la présidente de gauche, Dilma Rousseff (Parti des travailleurs, PT), il dédie son vote « à Dieu », « à la famille », « aux forces armées », « contre le communisme » et « à la mémoire du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra », l’un des tortionnaires de la dictature militaire (1964-1985).
Le Brésil, choqué, découvre ce jour-là le visage d’un parlementaire jusqu’ici insignifiant. Un homme avide de notoriété et de polémiques, souvent moqué pour son inculture et réputé pour ses petites phrases, agressives, vulgaires et misogynes : « Je ne vous violerai pas car vous ne le méritez pas. Vous êtes très laide » (à l’encontre d’une consœur députée, en 2003 et 2014) ; « L’erreur de la dictature fut de torturer et non de tuer » (entretien à la radio Jovem Pan, en 2016) ; « Je serais incapable d’aimer un fils homosexuel. Je préférerais qu’il meure dans un accident de voiture » (entretien au magazine Playboy, en 2011).
A 63 ans, le militaire de réserve, tantôt grossier, raciste ou homophobe, est arrivé largement en tête de l’élection présidentielle, dimanche 7 octobre, avec 46,06 % des voix, selon les résultats définitifs.
« Sortir du placard »
Suscitant un culte quasi religieux de la part de ses militants qui le surnomment « Bolsomito » (Bolso le mythe), il représente, « l’opportunité, pour l’extrême droite ultraréactionnaire et nostalgique de la dictature militaire, de sortir du placard. Et même de prendre le pouvoir », estime Chico Alencar, candidat au Sénat pour le Parti socialisme et liberté (PSOL, gauche).
Son ascension vertigineuse surprend encore les analystes. Elu sept fois député, avec trente ans de carrière politique, Jair Bolsonaro incarne pourtant le candidat « antisystème ».
Haïssant la gauche et en particulier le PT, au pouvoir de 2003 à mi-2016, et son leader, l’ancien chef d’Etat Luiz Inacio Lula da Silva, emprisonné pour corruption, mais aussi contempteur de la droite traditionnelle, il a su capter le vote « saco cheio » (ras-le-bol). Cette volonté de « dégagisme » d’un Brésil épuisé par une crise économique historique, les scandales de corruption et la violence quotidienne.
Né à Glicério, petite ville de l’Etat de Sao Paulo, ce fils de descendants d’immigrés italiens entame sa carrière dans les forces armées. Indiscipliné, revendicatif, le capitaine d’infanterie signe en 1986 un article aux accents syndicalistes dans la revue conservatrice Veja titré « Le salaire est bas », pour réclamer une meilleure rétribution des soldats.
L’audace lui vaudra quinze jours de mitard. Deux ans plus tard, il largue le képi pour embrasser une carrière politique. Et alors que le pays sort à peine de la dictature, Jair Bolsonaro assume la défense des militaires, vantant la grandeur du régime et la traque à mort des « communistes ».
« Un acteur »
« Pour curieux que cela puisse paraître, Jair Bolsonaro est un homme plutôt plaisant. Il a des positions extrêmes, mais c’est aussi un acteur. Il a souvent appelé les journalistes pour les prévenir qu’il allait faire à telle heure, à tel endroit, un scandale qui devait absolument être filmé », raconte un journaliste de Brasilia qui le suit depuis plus de vingt ans.
Alors qu’il est affilié au Parti progressiste (PP, droite), l’un des plus impliqués dans l’opération anticorruption « Lava Jato » (« lavage express »), il tente, en 2014, de faire avancer sa candidature pour l’élection présidentielle. En vain. Le parti le snobe et le militaire de réserve migre alors vers divers partis avant d’atterrir au Parti social-libéral (PSL).
Jair Bolsonaro en campagne électorale, le 28 mars, à Curitiba (Brésil).
Dévoré par l’ambition, il élargit son spectre d’influences. Catholique, il se rapproche des évangéliques du Congrès, se fait baptiser en 2016 par un pasteur en Israël et adopte un discours anti-avortement.
Puis il séduit la « bancada ruralista », le puissant lobby de l’agronégoce. Adulé des forces de l’ordre, auxquelles il promet d’amnistier les crimes, Jair Bolsonaro devient aussi la coqueluche des fazendeiros (grands propriétaires terriens) à qui il promet de libéraliser le port d’armes et d’autoriser plus largement les pesticides.
Paulo Guedes, la carte maîtresse
« Jair Bolsonaro est un homme qui a des valeurs et ne te juge pas, il respecte l’agronégoce et lutte véritablement avec des mots et des actions pour que le Brésil soit le grenier du monde », confie Athos Junqueira, producteur rural et fondateur du groupe « Bolsomito Official Br » sur Facebook et Instagram.
Le père de cinq enfants serait sans doute resté un candidat de l’extrême droite effrayant mais sans véritable potentiel, s’il n’avait fait venir dans son équipe une carte maîtresse : Paulo Guedes. Un économiste ultralibéral, « Chicago Boy » anti-Etat et adepte des privatisations à outrance, qui a permis au militaire, hier nationaliste, de récolter l’adhésion des marchés financiers.
Le coup de couteau infligé par un déséquilibré, le 6 septembre, lors d’un meeting de campagne, achèvera de construire le « mythe ». Martyr, Jair Bolsonaro esquivera les débats qui auraient pointé la vacuité de son programme. Les artistes, les femmes ont eu beau manifester leur effroi criant « Ele nao » (pas lui), le capitaine de réserve semble aujourd’hui à une marche du pouvoir.
Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
• LE MONDE | 05.10.2018 à 10h36 • Mis à jour le 08.10.2018 à 16h15 :
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Pasteurs évangéliques, « Jair Bolsonaro est le seul à défendre les valeurs de l’Eglise »
De plus en plus de pasteurs évangéliques de haut rang appellent ouvertement à voter pour le candidat d’extrême droite.
Elle promène son chien en laisse, d’une main ferme et nerveuse, de ceux qui ont trop perdu dans leur existence pour se permettre une nouvelle déconvenue. Irene Silva, la chevelure grisonnante et la voix sonore, s’est installée à Varginha voilà déjà quarante et un ans. Elle avait 20 ans et la vie devant elle. Descendue du Minas Gerais, Irene s’était installée dans cette petite communauté située dans la périphérie nord de Rio de Janeiro pour son calme, sa nature environnante et sa paroisse catholique. Et puis la carte postale changea de couleur.
Au fil des ans, Varginha est devenue une favela comme tant d’autres, gangrenée par la violence et le trafic, délaissée par les services publics, polluée à l’excès et touchée de plein fouet par la déferlante évangélique. Plus de la moitié des habitants se sont convertis aux cultes pentecôtistes et baptistes, à l’image de l’Etat de Rio, le moins catholique du Brésil, avec 55 % de fidèles. La venue du pape François, ici même, en 2013, dans la petite église catholique Sao Jerônimo, n’y changea rien.
Irene, elle aussi, a basculé. Depuis une vingtaine d’années, trois fois par semaine, elle participe au culte de l’Assemblée de Dieu, principale église évangélique brésilienne. Et comme beaucoup ici, elle dit ne plus croire en la politique. Certes, elle a voté Lula en 2002 et en 2006, pour sa réélection, « mais on ne [l’]y reprendra plus, le PT [Parti des travailleurs, gauche], les dirigeants, tous sont pourris ». Au premier tour de la présidentielle, dimanche 7 octobre, elle aurait préféré promener son chien et regarder ailleurs. « Je suis fatiguée de voter, mais le pasteur nous a indiqué qu’il fallait glisser un bulletin dans l’urne pour Jair Bolsonaro, alors je vais le faire. » Elle ajoute, enjouée et soudainement inspirée : « Dans le fond, il a raison et tout le monde le dit : Bolsonaro est différent et il est le seul à défendre les valeurs de l’Eglise. »
« C’est un miracle »
Le sourire d’Irene jette une lumière crue sur la fidélité des électeurs évangéliques à la parole de leurs pasteurs. Un sondage effectué en 2012 par l’Institut Datafolha révélait déjà qu’un tiers des fidèles déclaraient voter pour le candidat indiqué par leur guide spirituel, alors qu’un autre tiers disait « le prendre en considération ». Il renvoie surtout à une unité inédite des principales chapelles évangéliques derrière ce capitaine de réserve d’extrême droite.
Jamais autant de leaders évangéliques n’avaient ainsi soutenu un candidat à la présidentielle. Dernier en date, Edir Macedo, évêque autoproclamé de l’Eglise universelle du royaume de Dieu, qui a affirmé, dimanche, sur sa page Facebook, soutenir Bolsonaro. Patron de Record, deuxième chaîne de télévision du pays, il avait fait campagne contre Lula dans les années 1990 avant de le rejoindre. Son Parti républicain avait même intégré le gouvernement de Dilma Rousseff pendant ses deux mandats. Il ne l’a lâchée que lors de sa chute. Sa formation s’était jointe au groupe de députés évangéliques, qui a voté à 93 % en faveur de sa destitution.
Aujourd’hui, comme la majorité des figures reconnues par les électeurs évangéliques, il appartient à la frange la plus conservatrice de la droite. Son soutien affiché à Bolsonaro n’en constitue pas moins une vraie déconvenue pour le candidat du PT, Fernando Haddad. On attribue d’ailleurs aux prêches du dimanche la récente montée du rejet de Haddad dans les sondages (dix points) et la poussée des intentions de vote en faveur de Bolsonaro (près de douze points).
Pour beaucoup, ce dernier ne fait que récolter les fruits d’un travail de terrain, sur fond de dégagisme de la classe politique. Dès le départ, l’ancien député du Parti progressiste (PP, droite) a orchestré sa campagne comme étant celle du candidat de « l’unité évangélique ». Bolsonaro est catholique, mais il a été « baptisé » en 2016 dans les eaux du fleuve Jourdain, en Israël, par le pasteur Everaldo Pereira, signe de son alliance avec les pentecôtistes. Il a reçu le soutien du célèbre pasteur Silas Malafaia, le chef spirituel de l’Assemblée de Dieu, l’Eglise d’Irene, et l’une des voix les plus rétrogrades du champ évangélique, demandant notamment une marche arrière sur le mariage pour tous et la fin de toute éducation sexuelle à l’école.
Figure éminente du populisme religieux brésilien, Malafaia s’est également illustré aux côtés de Bolsonaro convalescent. Il est allé à l’hôpital après l’attaque au couteau dont a été victime le candidat. « C’est un miracle », s’est-il alors écrié.
« Contre la théorie du genre »
Encore la semaine dernière, ce fut au tour du député Hidekazu Takayama, pasteur lié au très traditionaliste Ministère de Belém et président du Front parlementaire évangélique, qui réunit 84 des 513 députés de la Chambre, d’apporter son soutien. « Il y a une unanimité sur le fait que Bolsonaro est le seul candidat de la vie, de l’Eglise, de la famille et de l’économie libérale, de l’école libre et contre la théorie du genre », a ajouté Robson Rodovalho, leader de l’Eglise Sara Nossa Terra et membre influent au sein du Conseil des pasteurs du Brésil.
« La nouveauté, c’est que les responsables évangéliques ont décidé de s’entendre et d’en finir avec la compétition institutionnelle au nom d’un bien supérieur, pour produire un candidat avec la marque évangélique », souligne Henrique Vieira, pasteur évangélique, « progressiste », précise-t-il, acteur et ancien conseiller municipal pour le Parti socialisme et liberté (PSOL).
« Il est ridicule de penser que tous les évangéliques sont conservateurs par essence, même s’ils le sont en majorité, parce que la majorité de ceux qui dialoguent avec eux vient de la droite », ajoute le jeune pasteur. Selon les derniers sondages, les évangéliques, qui représentent un tiers de la population, disent soutenir à 48 % Bolsonaro, contre 18 % Haddad. Un écart qui pourrait encore s’accroître en vue d’un deuxième tour entre les deux candidats.
« Les erreurs de la gauche, et du PT en particulier, ont été nombreuses, admet Henrique Vieira. De tout temps, parler par exemple de la famille pour la gauche, c’était être conservateur, abandonnant ainsi ce thème à la droite. Certes, le PT a mis en place des politiques sociales, mais le parti s’est distancé culturellement des pauvres, incapable d’apporter un discours pour répondre à la valorisation de l’autonomie individuelle face aux difficultés quotidiennes, le cœur même des prêches évangéliques. »
« Un président qui va travailler pour nous »
A cela s’est ajoutée une présence plus massive dans l’espace public. « Jusqu’à il y a quelques années, la stratégie était d’occuper les assemblées locales et fédérales, mais l’exécutif est désormais devenu une cible des groupes évangéliques importants, comme les Eglises pentecôtistes et néopentecôtistes, les plus puissantes en matière de notoriété et d’impact médiatique », note Valdemir Figueredo, professeur de sciences politiques, théologien et pasteur carioca.
Elu maire de Rio en octobre 2016, une première pour un tel poste, le pasteur évangélique Marcelo Crivella promettait déjà, dès 2011, comme le rappelle si justement Lamia Oualalou, auteure de Jésus t’aime (Ed. Cerf, 288 pages, 20 euros), la conquête de la magistrature suprême : « Je ne sais pas si cela sera dans notre génération, mais les évangéliques vont élire un président de la République, qui va travailler pour nous, et pour nos Eglises. Nous allons accomplir la mission qui est depuis 2000 ans le principal défi de l’église, qui est d’amener l’Evangile à toutes les nations de la terre. »
Lors de la dernière messe, le pasteur d’Irène a demandé aux fidèles de revenir dimanche à « 5 heures » pour l’homélie dominicale. « Nous avons tous repris en chœur : “17” heures, le numéro sur les bulletins du candidat Bolsonaro ! », lâche-t-elle avant de tourner les talons et de disparaître.
Nicolas Bourcier (Rio de Janeiro, envoyé spécial)
• LE MONDE | 05.10.2018 à 10h25 :
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