L’objectif avoué était de profiter de la présidence allemande de l’Union européenne pour « relancer le processus ». Ce sommet illustre parfaitement la volonté des partisans du traité constitutionnel européen (TCE) de passer en force, au mépris de la volonté des peuples qui ont « mal voté ». Les participants se targuent de représenter dix-huit pays et 270 des 490 millions d’Européens. Ce qu’ils oublient de dire, c’est que seuls deux de ces pays (l’Espagne et le Luxembourg) ont pris le risque de consulter leurs populations par référendum. Dans tous les autres pays (dont l’Allemagne et l’Italie), le TCE n’a été ratifié que par un simple vote du Parlement. Si cette procédure avait été utilisée en France, la Constitution aurait été approuvée par plus de 85 % des députés, alors qu’elle a été rejetée par 55 % des électeurs ! Mais la conviction des dirigeants européens est que, décidément, la « construction européenne » est une chose bien trop sérieuse pour consulter les citoyens européens ordinaires !
De fait, les « conjurés de Madrid » proposent de mettre en chantier un autre traité qui, en plus de la réforme des institutions de l’Union européenne, inclurait « un renforcement des politiques en matière d’immigration, de sécurité, de défense, la lutte contre le réchauffement climatique ou encore la coordination des politiques économiques ». En bref, une aggravation des politiques libérales et une nouvelle étape de consolidation de « l’Europe forteresse »...
Multiplier ainsi les pressions pour faire comme si le 29 mai 2005 n’avait jamais existé est un cadeau empoisonné pour les « principaux » candidats à la présidentielle française. Assez discrets sur le sujet, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal préféraient essayer de faire oublier leurs campagnes pour le « oui », désavouées par les électeurs. Sarkozy se proposait de limiter les risques en faisant ratifier par le Parlement un « mini-traité », centré sur les questions institutionnelles. Le projet du PS se prononçait contre « une ratification du TCE tel qu’il a été rejeté le 29 Mai ». Mais cela n’a pas empêché Royal d’affirmer que « les Français ne doivent pas pénaliser les pays européens qui se sont prononcés »...
Une autre Europe
À l’inverse, il faut faire vivre le clivage du 29 Mai. La victoire du « non » a été une insurrection démocratique contre les possédants et les sommets du pouvoir. Son ressort, largement majoritaire, a été social : le refus de la construction libérale de l’Union européenne et des politiques libérales menées par les partisans du TCE, au niveau national comme au niveau européen.
Aux côtés de beaucoup d’autres, la LCR a joué, en 2005, un rôle significatif dans la bataille contre le TCE ; c’est donc tout naturellement que la campagne présidentielle 2007 d’Olivier Besancenot réaffirmera ses thèmes et propositions. Reconstruire l’espérance européenne implique une double rupture, sur la méthode et sur le contenu. Une nouvelle Constitution ne peut résulter que d’un processus constituant, un large débat démocratique - quelle Europe voulons-nous ? - impliquant chacun des peuples européens, l’élection de délégués, mandatés pour élaborer un nouveau document qui serait ensuite ratifié par référendum dans chaque pays.
Ce processus devrait consacrer la construction d’une Europe sociale basée sur le principe de l’égalisation par le haut des acquis sociaux, c’est-à-dire l’extension au niveau européen, dans chaque domaine, de la législation du pays où elle est le plus favorable aux travailleurs. Cette démarche implique naturellement la dénonciation de tous les traités européens actuels, l’abrogation des directives européennes antisociales ou liberticides (sous prétexte de lutte contre le terrorisme), le contrôle de la Banque centrale européenne par les assemblées élues, la construction de services publics européens sur la base du monopole public, un Smic européen. Cette autre Europe, c’est aussi une Europe des droits des femmes, avec la reconnaissance du libre accès à la contraception et à l’IVG, ce qui n’est le cas aujourd’hui ni en Pologne, ni en Irlande, ni au Portugal (un référendum sur ce sujet aura lieu le 11 février prochain). Autant d’objectifs qui ne sont pas concevables sans de puissantes mobilisations sociales pour défaire l’Europe des multinationales.