Côté LFI
Dans l’Avenir en commun, le programme pour l’Union populaire de LFI, une seule page est consacrée au sujet sur 150 ! Le constat que « L’activité humaine est à l’origine de la sixième extinction de masse » n’amène qu’une « mesure clé » : « interdire les dépôts de brevets sur les organismes vivants ». Léger pour enrayer la crise de biodiversité avec cette mesurette.
Dire « protéger concrètement les habitats et les espèces », sans expliquer comment, c’est lisible dans n’importe quel programme !
La mesure « bannir les pesticides » est sérieusement réduite par « en commençant par les interdire autour des zones habitées ». Comme l’est la proposition de « lutter contre l’artificialisation des sols » par la formule « en empêchant notamment la multiplication des entrepôts géants ». On voit mal comment stopper la crise de biodiversité par la diminution du nombre des entrepôts !
On cherche en vain le sens des « normes communes et contraignantes » annoncées dans l’unique page et comment « la France doit donner l’exemple » avec les maigres propositions.
Côté forêt, un chapitre « Défendre la forêt, poumon de la planète » propose une mesure clé : « interdire les coupes rases, sauf en cas d’impasse sanitaire avérée ». La fin de phrase déçoit car il s’agit de la mesure clé ! Les autres mesures relèvent des bonnes intentions dont on ignore la faisabilité. On notera cependant : « Laisser au niveau national 25 % de la surface de la forêt française en libre évolution ». La « libre évolution » consiste à ne plus intervenir du tout sur les parcelles. Résumons : la forêt française représente 168 000 km2, soit 31 % du territoire. 75 % de cette forêt est privée. Pour appliquer les 25 %, soit on remet en cause la propriété privée de la forêt (Mélenchon s’en garde bien), soit les 25 % vont uniquement concerner la forêt publique. Mais alors, cela ferait 100 % des forêts domaniales confiées à l’organisme public ONF, qui, du coup, ne seraient plus exploitées. C’est cela que veut dire Mélenchon ?
Crédit Photo. Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas
Côté EÉLV
Avec Jadot, on se dit que, vu l’histoire du parti, on va pouvoir engager un débat sur la base de propositions concrètes.
Son programme, dévoilé récemment, nous fait déchanter ! C’est à la page 17 du programme (sur 75) que le sujet est abordé avec un bel effet émotionnel : « Protéger notre pays, sa beauté et son incroyable biodiversité ». La suite démarre fort avec : « Nous atteindrons 40 % d’aires protégées sur le territoire terrestre d’ici 2030 ». Derrière l’intention, qu’avons-nous ? Le diable se niche dans les détails…
Jadot ne dit pas ce qu’est une « aire protégée ». Le ministère affiche sur son site 23,5 % d’aires protégées. Comment, avec un quart du territoire en aires protégées, n’arrive t’on pas à enrayer la crise de biodiversité ? C’est tout simple : il n’y a en fait aucune protection sérieuse sur ces territoires ! Parmi eux on trouve ainsi (et surtout !) les Parcs naturels régionaux qui protègent avant tout le tourisme !
C’est tellement vrai que l’État a dû inventer le terme de « protection forte » pour délimiter les territoires où il y a une réelle (mais très insuffisante) protection. Et cela fait 1,36 % du territoire…
Et ce même État, pour se mettre en conformité avec les engagements européens, veut placer en « protection forte » 10 % du territoire d’ici 2030. Comment va-t-il faire en si peu de temps pour passer de 1,36 % à 10 % ? Les énarques ont trouvé la solution : changer la définition de la protection forte… En catimini a eu lieu début février une prétendue enquête publique sur le site du ministère, pour passer de la notion de protection forte à une définition tellement floue l’on pourra y mettre n’importe quoi, dans l’arbitraire le plus total et arriver ainsi à 10 %, sans rien faire de plus !
Avec ses experts, le candidat Jadot ne peut l’ignorer ! D’ailleurs, il ajoute à sa « surenchère » (40 % contre 23,5 %) une petite note : « Dans chaque région, 5 % des aires naturelles seront sous protection forte », notion qu’il connaît donc parfaitement. C’est-à-dire concrètement deux fois moins que les engagements de l’État. Évidemment toujours pas de définition de la notion de « protection forte » !
Il espère qu’en fait on retiendra le chiffre de 40 %, chiffre non contraignant qui n’engage à rien. Il a raison, c’est ceci qui est mis en valeur dans l’article du Monde du 27 janvier par des journalistes qui n’ont pas assez travaillé leur sujet et ne se sont manifestement pas aperçu de la subtilité !
La suite est à l’avenant :
– « Nous protégerons nos forêts et en sanctuariserons 10 % laissés en libre évolution. » Loin des 25 % de Mélenchon, ces 10 % représentent toutefois 40 % de la forêt publique gérée par l’ONF hors activité économique. Jadot est encore une fois démagogique en avançant une proposition qu’il n’appliquera pas, opposé qu’il est aux conséquences et choix politiques permettant d’appliquer les promesses, c’est-à-dire la nationalisation de toutes les grandes surfaces forestières privées.
– « Nous instaurerons la règle de zéro artificialisation ». Est-ce sérieux d’avancer ceci sans préciser comment faire ?
– « Nous mettrons fin à la chasse le week-end et pendant les vacances scolaires ». Puis l’interdiction de l’agrainage et de la chasse à l’enclos. Ces mesures sont effectivement applicables en l’état et nous les soutenons. Mais sont oubliés des problèmes liés à l’activité de la chasse et à son impact important sur la biodiversité. Ainsi, une bonne partie des candidats en 2017 (dont Macron) s’étaient engagés à protéger les espèces à statut de conservation défavorable (2/3 des oiseaux chassés en France). Promesse vite oubliée. Jadot n’en dit pas un mot. Rien non plus sur le fait qu’on chasse toute l’année et qu’il est nécessaire de restreindre la période de chasse (et de régulation) à quatre mois (octobre à janvier). Rien sur l’impérieuse nécessité de protéger réellement les prédateurs (on tire au fusil légalement sur le loup pourtant protégé !). Rien sur le fait qu’en France on chasse aussi dans les réserves naturelles et certains parcs nationaux, pourtant sous « protection forte ».
– « Nous diviserons par deux l’usage des engrais et des pesticides de synthèse d’ici 2027 et demanderons la suppression des pesticides en Europe en 2035. Dès 2022, nous interdirons les néonicotinoïdes, le glyphosate et tous les pesticides et fongicides les plus dangereux ». Mais comment contrôler leur division par deux si on ne précise pas ce qu’est l’usage ? S’agit-il de quantité ou de toxicité ? Jadot emploie le mot « interdiction », mais en réduit significativement la portée. On sait que les industriels de la chimie sont passés maîtres dans la capacité à contourner les textes en changeant les appellations et en inventant de « nouveaux » produits, toujours plus dangereux. Il faudra une mesure d’interdiction totale des pesticides et donc, du passage de toute l’agriculture au bio. Jadot ne le dit pas. Tout au plus, il restreint la mention du bio…aux cantines ! Il veut « demander » la suppression des pesticides pour 2035 en Europe. Aucun risque qu’un pays lui dise : « Euréka, nous n’y avions point pensé ! » Jadot est le champion de la démagogie et des effets d’annonce !
Commission nationale écologie
Sources
– Jean-Luc Mélenchon, l’Avenir en commun, le programme pour l’union populaire.
– Commissariat général au développement durable, Évaluation du taux d’artificialisation en France, 2019.
– Yannick Jadot, Changer la France pour vivre mieux. 120 propositions pour une France écologique, sociale, républicaine.
– Ministère de la transition écologique, Stratégie nationale pour les aires protégées, 2030.
– CNPF, Les chiffres clés de la forêt privée française. Édition 2021.
– INPN, Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, 2017.
– INPN, Synthèse de données pour Natura 2000, 2021.
– Rapport 2019 de l’IPBES.
– La disparition des insectes. Étude PLoS One, octobre 2017.
– Common European birds are declining rapidly while less abundant species numbers are rising. Ecology Letters University of Exeter 2014.