Nous dénonçons tous les amalgames cultivés depuis le 11 septembre 2001, selon lesquels jeunes issus de l’immigration = musulmans = intégristes = terroristes. En France, ces jeunes des deux sexes ont des convictions diversifiées mais elles et ils ont tous en commun d’être en butte à un contrôle policier de tous les instants et victimes de discriminations inacceptables, notamment à l’embauche ou dans l’accès au logement.
Pour lutter contre les humiliations et retrouver leur dignité, certain(e)s jeunes de confession musulmane, inspiré(e)s ou non par des imams fondamentalistes, ont choisi de mener une bataille politique pour le droit des jeunes filles à porter le voile à l’école, ou dans les services publics en tant que salariées. C’est se tromper de lutte. Le principe de séparation entre les Eglises et l’Etat obtenu en 1905 est le résultat d’un combat de plus d’un siècle pour la liberté de conscience et contre les prétentions de l’Eglise catholique à gouverner le pays selon ses normes. La laïcité est une chance : c’est la possibilité pour les jeunes d’apprendre à se connaître et à se respecter indépendamment de leurs affiliations religieuses ; à l’inverse, la multiplication des signes religieux à l’école risque d’encourager la division et tous les sectarismes. La laïcité, c’est la garantie que la liberté d’enseignement et de discussion ne sera pas limitée par des normes religieuses.
Aujourd’hui, il ne faut pas moins mais plus de laïcité : suppression du concordat en Alsace et Moselle ; suppression des aumôneries dans les collèges et lycées d’externat ; suppression des subventions publiques aux écoles privées. Proposer cela, ce n’est pas remettre en cause le droit d’exercer son culte. C’est considérer que l’engagement religieux est une affaire privée et que l’école n’a pas à connaître les convictions religieuses des unes et des autres pour faire son travail d’éducation. Par ailleurs, les musulmans doivent pouvoir faire construire des mosquées sans tracasseries administratives.
Au nom de la solidarité avec les jeunes des quartiers populaires contre le racisme, certaines personnalités nous invitent à censurer nos critiques à l’égard du voile. Elles se trompent. Quel que soit le sens donné à titre personnel par une minorité de jeunes filles musulmanes au port du voile (et nous savons qu’il est multiple), le port du voile prend le même sens dans toutes les religions monothéistes, à partir du moment où il est présenté comme une prescription religieuse incontournable. Ce n’est en rien un symbole d’émancipation. Il s’agit, par ce biais, de stigmatiser le corps des femmes comme la source de tous les péchés, d’assimiler le désir sexuel et la sexualité à quelque chose de honteux. C’est un moyen de faire le tri entre les femmes « pudiques » et les autres. Les femmes non voilées, musulmanes ou non, sont ainsi désignées comme « impudiques » et rendues responsables des agressions et des viols qu’elles peuvent subir.
Nous avons combattu pour la liberté des femmes à disposer de leur corps, avoir les moyens de contrôler leurs maternités grâce à la contraception et à la liberté d’avorter en cas de besoin ; nous avons combattu pour que les femmes, comme les hommes, puissent exercer librement leur sexualité dans et hors mariage, sans être insultées ou stigmatisées. Ce combat reste d’actualité à la fois parce que le gouvernement sabre les budgets sociaux, mais également parce que la vieille morale traditionnelle qui veut enfermer les femmes adultes dans une fonction prioritaire, celle d’épouse et de mère, retrouve une nouvelle vigueur. Nous dénonçons également les partisan(e)s des nouvelles normes néolibérales qui assimilent la liberté à la liberté du marché, la prostitution à un choix, et la multiplication des références porno- graphiques dans la publicité à une émancipation sexuelle.
Les féministes et les antiracistes sont divisés sur l’opportunité d’une loi ou pas, sur la conception même de la laïcité, mais nous pensons toutes et tous que la défense de la laïcité et de l’égalité des sexes mérite mieux qu’un débat simplificateur par médias interposés et que le projet de loi gouvernemental électoraliste qui a réussi à nous diviser. Malgré nos divergences, associations, partis et syndicats devons retrouver le chemin de l’unité face au développement de la pauvreté qui touche en particulier les jeunes et les femmes seules avec enfants, face aux menaces multiples qui pèsent sur les droits des femmes, des chômeurs et des salariés des deux sexes. Seul le développement de l’action unitaire peut aider à sortir des replis identitaires.
Le 8 mars doit être l’occasion pour toutes les féministes et toutes celles et tous ceux qui veulent défendre les droits des femmes de se retrouver.