En tant qu’ancienne déléguée du Bureau de l’égalité, vous tirez, à mi-législature, un bilan critique de la politique du Conseil d’Etat concernant les droits des femmes et des familles. Quelles sont vos principaux griefs ?
Nous reprochons au gouvernement d’avoir péjoré la situation financière des familles et des femmes. Là où la réalité commandait par exemple d’augmenter fortement les subsides à l’assurance maladie ou les avances sur pensions alimentaires, on les a baissés en 2006 ; ça a des conséquences dramatiques sur la vie des personnes concernées. Ce n’est pas une bagarre de chiffres, c’est une bagarre de vies, et cela, le gouvernement semble avoir tendance à l’oublier. Nous reprochons au gouvernement de n’avoir pas appliqué la loi sur les structures d’accueil pour les enfants. Non seulement il n’a pas respecté la législation, plébiscitée par le peuple neuchâtelois, mais le nombre de places a diminué depuis un peu plus d’un an !
Nous reprochons au gouvernement d’avoir réduit lemandat de l’Office de la politique familiale à un simplemandat interne à l’administration c’est-à-dire au service des seule-s fonctionnaires, aumépris total de la volonté populaire. Et en plus sans compétences réelles pour mener à bien cette tâche ! L’administration cantonale a un rôle demodèle à jouer c’est sûr.Mais la volonté populaire exprimée dans le lancement de l’initiative cantonale pour une politique familiale active – initiative acceptée par le Gouvernement et par le Parlement – demandait un Office de la politique familiale et de l’égalité au service de l’ensemble de la population. Le quotidien des femmes et des familles de notre canton se péjore de jour en jour, quand bien même il y a une embellie économique. Cela démontre qu’un office au service de tous et toutes est plus que jamais nécessaire.
Jean Studer, conseiller d’Etat responsable du bureau de l’égalité rétorque par voie de presse que la situation des familles monoparentales ne sera pas péjorée par la réforme fiscale qu’il propose (Express, 1er sept.2007) et que vous confondez facture fiscale et revenu imposable. Derrière cette bagarre de chiffres, que se cache-t-il ?
Jean Studer a tort. Nous, nous ne confondons rien du tout. En fait, le projet de réforme fiscale prévoit des déductions supplémentaires pour les enfants, et pour les frais de garde. Et cela pour toutes les familles.Mais, en ce qui concerne les foyers monoparentaux, la réforme implique aussi la suppression de la déduction fiscale spécifique à ces foyers, qui s’élève à 7700 francs plus 1800 francs par enfant supplémentaire. Ces familles-là verront donc leur revenu imposable augmenter d’autant. En revanche, leur facture d’impôt, calculée différemment, va baisser.
Jusque-là, tout va bien. Le problème, c’est par exemple que les tarifs des crèches sont fixés en fonction non pas du montant d’impôt à payer, mais du revenu imposable. Avec cette réforme, toutes les familles payeront moins d’impôts, c’est l’aspect facture fiscale. Mais pour certains foyers monoparentaux, l’augmentation des frais de crèche risque d’être plus importante que la diminution de la facture fiscale ; c’est l’aspect revenu imposable. Et l’aspect très concret, c’est que ces familles risquent d’avoir moins d’argent dans leur porte-monnaie. Au final, le problème de cette réforme, c’est qu’elle a été pensée par des spécialistes des chiffres, qui n’ont visiblement pas une vision globale des liens et des incidences entre la fiscalité et d’autres prestations de politique sociale et familiale.
Quelles sont, selon vous, les revendications les plus urgentes pour débloquer la situation ?
La première revendication, c’est que la politique de la famille et de l’égalité soit considérée comme une priorité politique majeure, ancrée dans les programmes de législature, avec des objectifs détaillés clairs, quantifiables et mesurables. Les politiques familiales et de l’égalité n’ont jamais progressé sans que les autorités politiques n’y manifestent des signes forts et y mettent les ressources nécessaires. Nous attendons donc que la majorité de gauche – que les femmes et les familles ont largement aidé à élire ! – prenne enfin lesmesures pour améliorer le quotidien des enfants, des familles et des femmes de ce canton.Nous attendons que la politique familiale et de l’égalité deviennent une préoccupation transversale, qui touche à tous les domaines de compétences de l’Etat.