La loi sur l’autonomie des universités veut faire fonctionner les facs comme des entreprises. Pour se financer, les universités pourront avoir recours à des fonds privés. Les patrons auront donc un contrôle sur le contenu des formations. Ils ne voudront financer que les filières qu’ils jugent rentables pour leurs domaines d’activité. Certaines filières, comme les lettres ou la philosophie, ne seront plus financées. Bientôt, les seuls diplômes proposés seront des licences Michelin, Crédit mutuel ou Coca-Cola. Cela voudrait dire aussi que les inégalités entre les universités se creusent : d’un côté, des facs « d’élite » et, de l’autre, des facs « poubelle ».
Mais les universités pourraient être tentées d’aller chercher l’argent aussi dans la poche des étudiants. L’autonomie financière des universités s’applique déjà, dans la majorité des pays européens, depuis plusieurs années. Partout, elle a entraîné une hausse des frais d’inscription et de la sélection. En Italie, aujourd’hui, il faut débourser 3 000 euros pour s’inscrire en licence. Le président de Dauphine a déjà annoncé que la loi sur l’autonomie des universités ne suffisait pas et qu’il fallait une loi qui permette l’augmentation des frais d’inscription.
En faisant voter cette loi au mois d’août, Sarkozy voulait éviter de revivre le CPE. Mais les étudiants ne l’entendent pas de cette façon. La résistance commence à s’organiser dans les universités. Des assemblées générales (AG) se tiennent sur l’ensemble des facs et les réflexes du mouvement contre le CPE ressurgissent. À plus de 1 000 personnes en assemblée générale, les facs de Rouen et Tolbiac ont voté la grève et le blocage. L’assemblée générale de Toulouse-Le Mirail, qui a rassemblé près de 950 personnes, a voté le blocage pour le mardi 6 novembre : blocage réussi, suivi d’une AG avec 1 500 étudiants ! La mobilisation est donc lancée.
Vu ce qu’il se prépare chez les cheminots, il n’y a pas de temps à perdre. Nous savons que, face à ce gouvernement, aucun secteur ne pourra gagner seul. Avec l’appel à la grève reconductible à la SNCF, le premier affrontement d’ampleur va commencer. C’est une occasion de faire céder le gouvernement. L’objectif est donc qu’un maximum de facs rejoignent la grève dans les prochains jours. Les universités déjà en grève ne tiendront pas longtemps si elles ne sont pas rejointes par d’autres, d’autant que la répression s’accentue. Plusieurs présidents d’université ont décrété la fermeture administrative de facs pour essayer de briser la mobilisation, comme à Tolbiac ou à Aix. En fermant les facs, les présidences veulent empêcher les étudiants de se réunir en assemblées générales et veulent ainsi empêcher la propagation du mouvement.
Une journée nationale d’action, le jeudi 8 novembre, a été appelée par la première coordination de facs en luttes, réunie le week-end des 27 et 28 octobre. Cette journée doit permettre un saut dans la mobilisation, en permettant à d’autres universités de voter la grève. Il faut réussir à ancrer la mobilisation dans les universités avant le 13 novembre. La grève des transports rendra l’accès aux universités plus difficile pour les étudiants, et ils risquent de ne plus y mettre les pieds si la mobilisation n’est pas solidement implantée. Il existe un fort potentiel. Les étudiants seront sans doute le premier secteur à rejoindre les cheminots dans la grève.
Une nouvelle coordination nationale devait se réunir, les 10 et 11 novembre, pour faire le point sur la mobilisation. Elle devrait appeler les étudiants à rejoindre la grève des salariés, les mercredi 14 et mardi 20 novembre.
Gabriel Lafleur
* Paru dans Rouge N° 2226, 08/11/2007.
Universités : contre l’autonomie
Infliger une défaite historique aux secteurs les plus combatifs, voilà la stratégie de Sarkozy. Avec les cheminots, la jeunesse est bien une cible privilégiée du nouveau gouvernement. La loi sur l’autonomie des universités est une mesure plus grave encore que ne l’était le CPE. Elle ouvre les universités aux financements privés, elle propose de soumettre le contenu des diplômes aux besoins des patrons, elle veut mettre en concurrence les facs et, dans ce but, ouvre la possibilité de la sélection et de l’augmentation des frais d’inscription. Avec cette loi, la précarité des salariés sera inscrite dès la formation.
En faisant voter cette loi au mois d’août, Sarkozy pensait infliger aux étudiants une défaite sans combat. Mais les jeunes ne l’entendent pas de cette façon ! Malgré la frilosité de la direction de l’Unef, qui refuse d’appeler au retrait de la loi, la résistance commence à s’organiser dans les universités. Depuis plus de deux semaines, des assemblées générales (AG) se tiennent dans presque toutes les facs de France. Même si la conviction de se battre contre cette loi n’est pas encore majoritaire chez les étudiants, de nombreuses AG étaient plus importantes que les premières du mouvement contre le CPE.
Jeudi 25 octobre, l’AG de Toulouse Le Mirail, rassemblant près de 800 étudiants, a voté la grève. Et les bonnes habitudes du mouvement CPE commencent à ressurgir. L’idée du blocage comme moyen d’élargir la mobilisation se discute dans plusieurs universités. Une première coordination nationale s’est réunie à Toulouse, les 27 et 28 octobre. Elle a rassemblé 21 universités et appelle à une journée de manifestations dans toutes les villes, le mardi 30 octobre, et à une journée nationale d’action, le jeudi 8 novembre.
Après la démonstration de force des cheminots, jeudi 18 octobre, les étudiants peuvent être le secteur qui se mobilise, sans attendre le 20 novembre, journée d’action dans la fonction publique. Mais, face à ce gouvernement, aucun secteur ne pourra gagner seul. Le premier secteur en lutte devra servir de locomotive pour entraîner les autres !
Juliette Stein