SÉOUL ENVOYÉ SPÉCIAL
« C’est la fin de dix années d’effort de rapprochement avec la Corée du Nord. » Ce cri du cœur d’une opposante au nouveau président sud-coréen, Lee Myung-bak, témoigne des craintes suscitées par le programme de l’élu du Grand Parti national, le GPN, sur la question nord-coréenne. « Assurément, la politique sera plus ferme », estime Kim Keun, ancien éditorialiste au quotidien de gauche Hankyoreh.
Pendant la campagne, le représentant du parti conservateur a fustigé la politique de son prédécesseur de centre-gauche, Roh Moo-hyun, taxé de laxisme à l’égard de Pyongyang, notamment sur la question des droits de l’homme.
Pour autant, la « Sunshine Policy » (rapprochement avec Pyongyang), initiée en 1998 par l’ancien chef d’Etat Kim Dae-jung et poursuivie par M. Roh, ne semble pas véritablement menacée. « Lee Myung-bak a fait évoluer le GPN sur cette question. Avant, le parti n’en voulait pas. Aujourd’hui, il ne parle que de l’ajuster », fait remarquer un observateur. En guise d’ajustement, M. Lee envisage de revoir l’ensemble des projets décidés lors du sommet intercoréen de début octobre qui a vu la signature d’une historique « Déclaration de paix et de prospérité ».
Le nouveau chef de l’Etat prône une « politique d’engagement », fondée sur le donnant-donnant. S’il se dit prêt à aider la Corée du Nord, il exige d’abord un abandon total de ses activités nucléaires. Au cas où Pyongyang irait au bout de ce processus, il prévoit de mettre en œuvre des initiatives économiques devant, à terme, porter à 3 000 dollars le revenu par tête des habitants du Nord, aujourd’hui de quelques centaines de dollars.
L’élection de M. Lee intervient quelques semaines après la réouverture au trafic de marchandises d’une ligne ferroviaire entre les deux Corées et quelques jours après un nouvel échec des discussions sur la création d’une zone de pêche conjointe en mer Jaune, un projet initié lors du dernier sommet intercoréen.
Son arrivée au pouvoir coïncide avec les progrès observés dans les relations entre Washington et Pyongyang. Depuis l’accord du 13 février, lors des pourparlers à six (Corées, Etats-Unis, Chine, Japon et Russie), les avancées sur la question nucléaire nord-coréenne sont sensibles.
La désactivation de la centrale de Yongbyon a commencé et les deux pays négocient les modalités de déclaration de l’ensemble des données liées au nucléaire nord-coréen. Si ces pourparlers aboutissent, Washington pourrait retirer la Corée du Nord de la liste des Etats soutenant le terrorisme.
Le 10 décembre, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, évoquant le nouveau « réalisme américain » en matière de politique étrangère, a laissé entendre que les deux pays étaient sur la voie d’une normalisation de leurs relations.
Ce réchauffement américano-nord-coréen pourrait limiter les aspirations du président sud-coréen. M. Lee, qui veut aussi se rapprocher des Etats-Unis, souhaitera vraisemblablement éviter de provoquer un regain de tension avec Pyongyang.