Outre-Atlantique, “les manifestants qui défilent contre le racisme et les violences policières sont de plus en plus souvent confrontés à des groupes de civils armés qui disent venir soutenir et aider une police débordée et épuisée par les manifestations”, souligne le Washington Post.
Or ces confrontations ont fait trois morts ces derniers jours, rappelle le quotidien de la capitale fédérale, deux morts et un blessé à Kenosha dans la nuit du 25 au 26 août et une victime, membre du groupuscule d’extrême droite Patriot Prayer, à Portland le 29 août.
Dans les deux cas, les autorités locales et les forces de police ont été accusées “d’encourager la violence en tolérant la présence de ces civils armés, venus seuls ou en groupe pour, disent-ils, faire respecter l’ordre”.
Brigades citoyennes
Les motifs avancés par ces “justiciers” civils armés, impossibles à distinguer les uns des autres lorsqu’ils patrouillent dans les rues, vont de la protection de la propriété privée à celle de la sacro-sainte liberté d’expression, mais peuvent aussi aller “jusqu’à la défense de la suprématie blanche, voire l’apologie d’une nouvelle guerre civile”, poursuit le quotidien.
Certes, certains shérifs et édiles locaux ont publiquement désavoué ces civils armés, déclarant qu’ils n’avaient pas besoin de leur aide, à l’instar du shérif du comté de Kenosha et du maire de cette petite ville du Wisconsin, John Antaramian, qui a déclaré la semaine dernière : “Je n’ai pas besoin de plus d’armes en circulation dans les rues de ma ville, alors que nous tentons d’assurer la sécurité de la population.”
Mais des images filmées à Kenosha montrent néanmoins des policiers déployés sur le terrain remercier un groupe d’Américains lourdement armés, se désignant comme des brigades citoyennes, et dont faisait partie l’adolescent Kyle Rittenhouse qui a été inculpé pour le meurtre de deux manifestants.
Des cas documentés de coopération
Le Washington Post cite également l’exemple de la ville de Snohomish dans l’État de Washington, dont le chef de la police a été démis de ses fonctions en juin “pour avoir accueilli des dizaines de civils armés, dont un homme portant un drapeau confédéré, venus prêter main-forte à la police après des rumeurs colportées sur Internet alertant que des pillards antifas étaient prêts à mettre la ville à sac”.
Dans la banlieue de Dallas, au Texas, un policier du comté de Hood a lui “encouragé des membres de la milice des Oath Keepers à venir défendre un salon de coiffure de la ville de possibles pillards”.
À Salem dans l’Oregon, “une vidéo montre un officier de police conseillant à des civils armés de rester discrètement à l’intérieur d’un bâtiment avant que la police ne commence à arrêter les manifestants pour violation du couvre-feu”.
Liaisons dangereuses avec l’extrême droite
Dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian, Mike German, un ancien agent du FBI, s’inquiète, lui, des liens existant entre services de police et groupuscules d’extrême droite ainsi que d’une certaine porosité idéologique.
“Depuis des décennies, le FBI alerte ses agents en interne sur le fait que certains des groupuscules suprémacistes blancs et d’extrême droite qu’il surveille entretiennent des liens avec les forces de l’ordre”, écrit-il dans une tribune publiée par le quotidien britannique. Pourtant, le “ministère de la Justice n’a jamais mis en œuvre de stratégie” pour lutter contre cet état de fait.
Il souligne également que depuis 2000, de nombreux cas d’agents de police ayant des liens avec des groupes suprémacistes ou impliqués dans des activités militantes racistes ont été rapportés et documentés dans plus d’une quinzaine d’États américains. Il cite de nombreux exemples de policiers locaux vus en train d’arborer des insignes de milices ou de groupes d’extrême droite, et de villes où la police n’est pas intervenue et a parfois pactisé avec ces groupuscules extrémistes comme à Philadelphie, en Pennsylvanie, au mois de juin.
Pour lui, dans le contexte actuel, “la présence de suprémacistes blancs au sein des forces de l’ordre, aussi infime soit-elle, est un problème qui doit être traité avec la plus grande urgence”.
Bérangère Cagnat
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