La possibilité de sélectionner à l’entrée de la première année de master (quatrième année) n’est plus mentionnée dans le nouveau projet de loi. Rappelons cependant que plusieurs dizaines de filières, les magistères, sont déjà sélectives entre la troisième et la quatrième année. Et que la quasi-totalité des licences professionnelles, dont le nombre ne cesse d’augmenter et qui regroupent 14 % des étudiants en licence, sont sélectives. La sélection existe donc déjà pour un étudiant sur sept.
Les conseils d’administration (CA), qui prennent les décisions à l’échelle de chaque université, actuellement composés de 64 membres, seront réduits à 20 ou 30 membres - au lieu de 20 dans la première version ! - et le poids des « représentants du monde économique » - traduisez représentants du patronat - y deviendra décisif. Au départ, la réforme devait s’appliquer « à la carte », chaque université pouvant appliquer ou non la réforme, créant ainsi une université à deux vitesses, comme le regrettait la direction de l’Unef... La concession a été facilement faite : maintenant l’autonomie concernera toutes les universités ! Or, derrière cette autonomie, l’essence de la loi est d’aggraver les inégalités et de permettre la mainmise du patronat sur l’université.
Comme dans la première mouture du projet, les personnels enseignants et non enseignants pourront être recrutés en contrat de droit privé par le président d’université qui gérera également la carrière et les primes des personnels. Ainsi, les présidents auront les mêmes prérogatives que des patrons vis-à-vis de leurs personnels. La possibilité, pour les directions d’université, de répartir elles-mêmes leur budget est également maintenue. Ainsi, tout devient permis : la suppression de filières jugées non rentables, le recours massif aux financements privés, etc. Les entreprises en profiteront pour dicter le contenu des formations et ce sera la généralisation des diplômes ultra-professionnalisés, comme ces licences professionnelles intitulées « back et middle office Banque CIC », « chargé de rayon Carrefour ». Des diplômes adaptés à un poste précis dans une entreprise précise, et non reconnus dans les conventions collectives.
Enfin, cette autonomie sera un outil aux mains du gouvernement pour forcer les universités à se regrouper afin de faire face à la « concurrence internationale ». On voit ainsi se constituer des Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (Pres), avec, d’un côté, les « pôles d’excellence » disposant de formations de qualité en lien avec la recherche et, de l’autre, des universités de seconde zone, formant des salariés clés en mains pour le patronat local.
Ce projet constitue une attaque contre la recherche publique et un enseignement supérieur de qualité accessible à tous. Il marque aussi une étape essentielle dans le processus de casse des droits des futurs salariés, un processus largement entamé avec la réforme Licence-Master-Doctorat (LMD).
L’enjeu de la bataille pour rejeter ce projet n’est pas seulement universitaire. Si le gouvernement a fait de cette loi une priorité, c’est parce que les étudiants ont été à l’avant-garde du mouvement contre le CPE. Le gouvernement veut commencer par défaire les secteurs les plus combatifs du mouvement social, les étudiants et les salariés du public (avec le service minimum). Leur défaite ouvrirait la voie à l’attaque de tous les acquis sociaux. Les universités doivent être les premières à se mettre en mouvement, pour exiger le retrait du projet d’autonomie, et pour entraîner l’ensemble du mouvement social dans la lutte contre Sarkozy et son programme !
Bruno Timestère
* Paru dans Rouge n° 2213 du 5 juillet 2007.
Darcos : coupes claires dans les effectifs
Après avoir manœuvré en abrogeant le décret de Robien (voir ci-dessous), le gouvernement montre son vrai visage, celui d’une droite qui veut liquider au maximum l’emploi public. Le ministre de l’Éducation, Xavier Darcos, a annoncé 10 000 suppressions de postes au budget 2008, soit deux fois plus que son prédécesseur. Et ce n’est qu’un début. Ce n’est plus le « dégraissage » promis par Allègre, c’est une attaque inégalée contre le service public, faisant partie d’un plan d’ensemble visant à ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux.
Cette mesure cadre mal avec le discours sur la priorité à l’Éducation. Les explications données par le ministre ne montrent qu’un souci d’économie. Les pistes qu’il évoque pour parvenir à ces suppressions parlent d’elles-mêmes : « regrouper des options », « changer les programmes ». Il ne s’agit plus d’adapter les moyens à ce qu’il convient d’apprendre pour former des citoyens, mais de réduire l’offre de formation pour réduire les dépenses. Voilà donc la rupture promise par Sarkozy ! Un des moyens entrevus par Darcos pour faire des économies est l’introduction d’heures supplémentaires, notamment pour aider les élèves en difficulté. Il faut, selon lui, que les professeurs « acceptent d’être moins nombreux » et qu’ils consentent à « des volants d’heures supplémentaires importants ». Nous devons, au contraire, exiger que cette aide soit intégrée à l’emploi du temps des enseignants, sans heures supplémentaires et sur la base du volontariat.
Face à la provocation de Darcos, qui annonce des arbitrages sur les suppressions de postes dès le mois d’août, les premières réactions syndicales sont nettes. Le SNUIPP-FSU (instituteurs et professeurs des écoles) parle d’annonce « ahurissante et inacceptable », l’Unsa dénonce les suppressions, la FSU promet qu’elle « fera tout pour organiser la riposte la plus unitaire possible ». Il s’agit maintenant de concrétiser sans attendre ces bonnes intentions en provoquant une rentrée de lutte dans l’Éducation nationale. Le démantèlement promis par Darcos ne doit pas passer.
Robert Noirel
Attaque majeure contre l’université
La loi sur les universités de la ministre à l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, reprend les dangereux projets du candidat Sarkozy : pouvoir discrétionnaire des présidents d’université sur le recrutement des personnels et la répartition des services ou primes, légalisation de la précarité, financement en partie privé par le biais de fondations, obligation pour les étudiants d’une pré-inscription en première année à des fins d’orientation, sélection dès l’entrée du master (bac +4), etc.
Cette restructuration autoritaire permettra d’accentuer la mise en concurrence des universités comme le chantage au financement public, et de donner le pouvoir aux fonds privés. Les déclarations de Sarkozy contre les « filières sans débouchés » visent en premier lieu les sciences humaines et la culture. Mais, en affirmant qu’il veut doubler les filières professionnelles courtes, il s’attaque plus largement aux filières longues, généralistes ou professionnelles, souhaitées par toujours plus d’étudiants. Sa vision est strictement utilitariste. C’est le vieux programme de la droite : réduire l’offre de formation, le nombre d’étudiants et les coûts.
Le texte de loi a été un électrochoc pour les syndicats des personnels ou étudiants qui, après le 6 mai, se sont englués dans une « concertation » factice avec Valérie Pécresse, que Sarkozy a été toutefois contraint de prolonger. Le rejet du texte par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), le 22 juin, est un premier pas pour une mobilisation d’ampleur à construire cet été et à la rentrée.
* Paru dans Rouge n° 2212 du 28 juin 2007.
Education : les grandes manœuvres
Le décret de Robien a été abrogé par Nicolas Sarkozy. C’est une victoire syndicale, mais il faut aussi y voir une tactique du président qui essaye de rassurer les organisations syndicales avant de lancer ses grandes attaques contre le service public d’éducation.
Robert Noirel
La directive Robien, précédent ministre de l’Éducation nationale, a mobilisé les enseignants du second degré pendant une bonne partie de l’année scolaire. Elle réduisait de fait les salaires en supprimant les « heures de décharge » liées aux classes de première et terminale et utilisées en particulier pour corriger les copies. Le texte permettait également aux chefs d’établissements de contraindre certains enseignants à enseigner deux matières (la « bivalence »).
Il y a eu de nombreuses grèves, souvent massives, contre ce décret scélérat. Son retrait représente donc un succès pour les mobilisations dont on ne peut que se féliciter.
Mais on ne peut se contenter de se frotter les mains. D’une part, le retrait n’est pas accompagné du retour des 5 000 postes supprimés. D’autre part, les aspects les plus dangereux de la politique du ministère sont maintenus avec force, notamment la suppression de la carte scolaire, la confirmation des grands axes de la loi Fillon (dont l’application du « socle commun de la connaissance »), la remise en cause de l’éducation prioritaire, la diminution des horaires des élèves et la réduction de l’offre de formation, le non-remplacement de tous les départs en retraite des enseignants. Si on ajoute à cela la prochaine autonomie des universités, c’est l’inquiétude qui demeure.
Sarkozy, en faisant ce « cadeau » aux professeurs du secondaire, a cherché à montrer qu’il réalise la « rupture » par rapport au précédent gouvernement et à faire faire oublier un peu plus encore qu’il y appartint. Une semaine avant le deuxième tour des législatives, il tente d’enfoncer un coin dans le rapport qui se distend entre le milieu enseignant et la gauche. En effet, même si le vote enseignant pour Ségolène Royal au second tour de la présidentielle a été majoritaire, il n’a pas été aussi écrasant que dans le passé, l’effet Allègre ou certaines déclarations de Ségolène Royal ayant provoqué un fort mécontentement.
C’est bien pourquoi, s’il convient de rappeler que cette abrogation résulte de la mobilisation enseignante, il faut aussi apprécier son caractère manœuvrier. La direction du SNES, même si elle rappelle à juste titre les risques à venir et les exigences des personnels, « veut voir dans cette décision la prise en compte par le président et le gouvernement d’une conception ambitieuse du métier et de la nécessité de le revaloriser ». Ce type de formulation ne contribue pas à éclairer les personnels sur les enjeux à venir. Le mouvement syndical semble aujourd’hui tétanisé par la défaite électorale, et pas seulement dans l’Éducation nationale. Aux salariés de le réveiller car les attaques ne vont pas tarder à revenir.
* Paru dans Rouge N° 2211, 21/06/2007