Les deux mandats d’Emmanuel Macron sont marqués par des niveaux inédits d’autoritarisme et de répression. D’une très longue liste, on se contentera de mentionner les séquences des Gilets Jaunes, de la mobilisation à Sainte-Soline ou de la révolte des quartiers de l’été dernier. Ce déchaînement de violence d’Etat est l’accompagnement nécessaire d’une politique antisociale d’une grande brutalité et le signe de l’isolement croissant du pouvoir.
Pourtant, un nouveau cap a été franchi depuis le 7 octobre avec la volonté acharnée de criminalisation des expressions de soutien au peuple palestinien. Interdiction totale des manifestations pendant plusieurs semaines, annulation de plusieurs réunions et conférences, expulsion d’une responsable politique palestinienne, poursuites à l’encontre des organisations et des militant.es politiques et du mouvement social, amalgame systématique de la dénonciation des crimes perpétrés par Israël avec l’antisémitisme, pressions et menaces de sanctions dans les universités et les institutions de recherche, un climat liberticide s’est installé dans le pays, avec l’active complicité des médias et d’une large partie du spectre politique.
L’un de ses premiers effets a été le blanchiment de l’extrême droite, désormais considérée comme faisant pleinement partie du prétendu « arc républicain », au moment où en était exclue la première formation politique de la gauche. La défense zélée d’Israël a ainsi permis aux héritiers d’un parti fondé par des anciens Waffen-SS, des miliciens collaborationnistes et des tortionnaires des guerres coloniales de participer à des manifestations censées dénoncer l’antisémitisme.
Dès lors, c’est à juste titre que le Rassemblement National se targue d’avoir remporté une « victoire idéologique » avec le vote à l’Assemblée d’une « loi immigration » qui ouvre la voie à l’instauration de la « préférence nationale », son thème de prédilection. On savait depuis longtemps que le calcul politique du macronisme reposait sur son face-à-face électoral avec l’extrême droite. A présent, on comprend que sa politique vise explicitement à l’installer comme la solution d’alternance légitime face à sa majorité chancelante.
Un instant, on a pu croire que le fond avait été atteint dans la chasse aux sorcières à l’encontre des voix dissonantes. Que le soutien officiel, certes tardif et timoré, à un cessez-le-feu à Gaza, à l’acheminement de l’aide humanitaire, et même à une « solution à deux Etats » marquaient un changement de cap. Que la reconnaissance par la Cour de Justice Internationale de la « plausibilité » du génocide commis à Gaza aurait un impact au sommet de l’Etat. Il a fallu déchanter. A la fin janvier déjà, le ministère de la justice, comptait 626 procédures au motif d’ « apologie du terrorisme » en lien avec la guerre à Gaza, et des poursuites engagées à l’encontre de 80 personnes.
Ces dernières semaines ont été marquées par une nouvelle escalade répressive, qui vise des acteur.ices de la gauche sociale et politique, des militant.e.s associatifs, des journalistes et des personnalités intellectuelles. Jean-Paul Delescaut, secrétaire de l’Union départementale CGT du Nord condamné à un an de prison avec sursis pour un tract syndical ; Mohamed Makni, élu municipal socialiste à Echirolles condamné à 4 mois de prison avec sursis pour avoir relayé des messages sur les réseaux sociaux ; Rima Hassan, militante franco-palestinienne candidate sur la liste LFI aux européennes et Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée, convoquées par la Police Judiciaire dans le cadre d’enquêtes pour « apologie d’actes de terrorisme », tout comme Anasse Kazib, syndicaliste SUD-Rail et porte-parole de Révolution Permanente, des militant.es de la section Solidaires Etudiant.es de l’EHESS, la journaliste Sihame Assbague et des dizaines d’autres ; une conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan à Lille annulée à deux reprises, ce ne sont là que quelques exemples de l’emballement répressif en cours.
Il devient urgent de réagir. La dénonciation des actes liberticides, l’expression de solidarité avec celles et ceux qui sont visés sont indispensables. Mais cela ne saurait suffire. Des actions concrètes, unitaires et de grande ampleur sont nécessaires pour mettre en échec cette politique de l’intimidation et de la peur. Les organisations de la gauche politique et syndicale, le mouvement social, les réseaux internationalistes, les espaces de résistance intellectuelle portent à cet égard une responsabilité particulière.
Comme l’ont déjà proposé des personnalités de la gauche sociale et politique, nous jugeons impératif de construire dès maintenant le front le plus large pour défendre les libertés démocratiques et le droit d’exprimer la solidarité avec le peuple palestinien. Contretemps prendra toute sa place dans cette démarche de rassemblement, indispensable pour arrêter la course au désastre et redonner espoir au camp de l’émancipation.
La rédaction de Contretemps-web
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Illustration : Photographie de Martin Noda / Hans Lucas / Photothèque rouge.