Le pape Benoît XVI a dénoncé, lundi 19 novembre, le rôle des organisations internationales dans la promotion de l’avortement en Afrique. Aux évêques kényans qu’il recevait au Vatican, le chef de l’Eglise a expliqué que « la destruction de vies innocentes ne peut trouver de justification, quelles que soient les circonstances » et cela même en Afrique où les 40 millions de personnes porteuses du virus VIH mourront à terme du sida.
Par le passé, le Saint-Siège avait notamment critiqué Amnesty International, qui défend dans les zones de guerre le droit à l’avortement en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. [1] Selon le Saint-Père, de telles organisations doivent leur popularité auprès des populations locales grâce à l’essor de « la culture laïque mondialisée ».
« Trop souvent, les maux qui frappent certains secteurs de la société africaine, la promiscuité sexuelle, la polygamie, la diffusion des maladies sexuelles, peuvent être directement associés à des notions faussées du mariage et de la vie de famille », a affirmé Benoît XVI.
* LEMONDE.FR avec AFP | 19.11.07 | 19h04 • Mis à jour le 19.11.07 | 19h04
Benoît XVI au Brésil en champion de la lutte contre l’avortement
SAO PAULO ENVOYÉ SPÉCIAL
Ciel gris, crachin et température fraîche : ce n’est pas un Brésil de carte postale que Benoît XVI a découvert, mercredi 9 mai, en atterrissant à Sao Paulo. Pour le bain de foule, sur un continent où vivent près de la moitié des catholiques du monde, le pape devra attendre aussi. Son premier voyage en Amérique latine a débuté sur un mode modeste, à l’image de la cérémonie de bienvenue, organisée sous un hangar hors d’âge, dans un recoin de l’aéroport. C’est en petit comité et selon un protocole dépouillé que le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a accueilli le chef de l’Eglise catholique.
Le président Lula s’est félicité de « la coopération dans le domaine social » qui s’est instaurée entre l’Eglise de son pays et l’Etat. L’engagement de la première dans les politiques de solidarité « surtout à l’égard des pauvres et des abandonnés » sera au cœur de la visite apostolique de cinq jours qu’entreprend Benoît XVI sur « le continent de l’espérance ».
Dans l’avion, le pape avait confié aux journalistes sa « préoccupation » face à la concurrence des mouvements évangéliques et pentecôtistes qui ont séduit 18 % de la population brésilienne ces vingt-cinq dernières années, et qui prospèrent sur le continent. « Nous devons trouver des réponses à la soif de Dieu et de religion, mais aussi aux problèmes de la vie quotidienne, y compris des solutions concrètes comme le font les sectes », a-t-il expliqué.
Comment l’Eglise peut-elle être présente dans les réformes en cours sur un continent qui connaît un basculement politique à gauche ? Adversaire de toujours de la « théologie de la libération », à qui il reproche d’avoir favorisé « la prolifération des sectes » par une politisation excessive du catholicisme, le pape suggère « un travail de discernement » afin que l’Eglise, sans faire elle-même de politique, « puisse indiquer des lignes pour une politique juste ». L’objectif, qui sera débattu à partir du 13 mai par la 5e conférence du Conseil des épiscopats latino-américains (Celam), sera de « rendre plus efficace la doctrine sociale de l’Eglise ».
« L’Eglise veut seulement indiquer les valeurs morales pour chaque situation et former les citoyens pour qu’ils puissent décider consciemment et librement », a déclaré Benoît XVI à son arrivée. Il a insisté en particulier sur un thème qui agite plusieurs pays de la région : l’avortement. Il a invité l’Eglise latino-américaine à « renforcer son identité en promouvant le respect de la vie humaine, du moment de sa conception jusqu’à son déclin naturel ». Au Brésil, où l’interruption de grossesse n’est autorisée qu’en cas de viol ou de risque mortel pour la mère, le ministre de la santé vient de proposer un référendum en vue d’en légaliser la pratique. Le président Lula, catholique et opposé à l’avortement « à titre personnel », considère qu’il s’agit d’« un problème de santé publique ».
La récente décision de la ville de Mexico de dépénaliser l’avortement a déclenché une réaction des évêques mexicains, qui menacent de ne plus donner la communion aux élus ayant voté la loi, dont le maire de gauche de la capitale mexicaine. Dans l’avion, Benoît XVI a soutenu l’épiscopat mexicain : « Ce n’est pas une menace arbitraire, elle est prévue dans le code de droit canon : il est écrit que le meurtre d’un enfant est incompatible avec l’eucharistie. » Pour lui, il est du devoir de l’Eglise de « résister à l’égoïsme et à la peur de l’avenir qui sont à l’origine de ces législations ».
Jean-Jacques Bozonnet
* Article paru dans le Monde, édition du 11.05.07.
Le pape Benoît XVI reprend le combat de Jean Paul II contre l’avortement et l’euthanasie
Personne ne pouvait imaginer qu’un nouveau pape, quel qu’il soit, puisse adopter des positions différentes de celles de Jean Paul II sur des thèmes aussi sensibles que l’avortement et l’euthanasie. Depuis samedi 7 mai, Benoît XVI a levé toute équivoque sur la question du « respect de la vie ». En prenant possession de la cathédrale de Rome, Saint-Jean de Latran, il a retrouvé le ton vigoureux de son prédécesseur pour condamner toute légalisation de l’interruption volontaire de grossesse et de l’euthanasie active, en déclarant dans son homélie : « La liberté de tuer n’est pas une vraie liberté, mais une tyrannie qui réduit l’être humain en esclavage. »
Le nouveau pape a récusé, par avance, toute accusation d’autoritarisme : « Le pape n’est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté sont la loi, a-t-il précisé. Au contraire, le ministère du pape est la garantie de l’obéissance envers le Christ et envers sa parole. Son pouvoir n’est pas au-dessus, mais au service de la parole de Dieu. » Le pape, a-t-il ajouté, « ne doit pas proclamer ses propres idées », mais faire « face à toutes les tentations d’adaptation ou d’affadissement, comme face à tous les opportunismes ».
Salué par les applaudissements, Benoît XVI a rappelé la persévérance de Jean Paul II dans ce combat pour la défense de la vie qui lui valut tant d’incompréhensions et de critiques : « Face à toutes les tentations, apparemment bienveillantes pour l’homme, et face aux interprétations erronées de la liberté », le pape défunt a montré, « de manière irrévocable, l’inviolabilité de l’être humain, l’inviolabilité de la vie humaine, de la conception jusqu’à la mort naturelle ».
Autrement dit, Benoît XVI a annoncé qu’il suivrait très exactement la voie tracée par son prédécesseur en ce qui concerne la défense des valeurs morales traditionnelles face aux idées libérales qui, selon lui, menacent la foi. On est là, pourtant, à un point de fracture entre l’Eglise catholique et les sociétés démocratiques. Dans l’encyclique Evangile de la vie qu’il avait écrite en 1995, soulevant bien des polémiques, Jean Paul II s’était déjà exprimé à propos de l’avortement et de l’euthanasie, parlant de « décisions tyranniques » et de « crimes contre l’humanité ». Il avait alors ajouté : « Des lois de cette nature non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais elles entraînent une obligation de s’y opposer par l’objection de conscience. »
On pouvait reconnaître, sous ce propos, la sévérité du cardinal Ratzinger, devenu depuis Benoît XVI. L’avertissement du nouveau pape à Saint-Jean de Latran a le mérite de la clarté et de la continuité. Mais reste entière la difficulté du médecin, du législateur et du couple, affrontés à des situations éthiques très concrètes. Comment à la fois rester fidèle au noyau dur de la doctrine chrétienne sur la vie et à la tradition d’accompagnement de la conscience, qui fait partie du meilleur de l’Eglise ? Ce sera l’un des chantiers les plus délicats de Benoît XVI pour l’avenir.
Publié le 10 mai 2005
Henri Tincq