Le suivi régulier du parc des Beaumonts à Montreuil (93) a commencé en 1993. Depuis, le site a connu d’importantes transformations spontanées (tendance à l’emboisement…) et planifiées (formalisation de « l’espace naturel », création de la zone humide…). Par ailleurs, le statut de certaines espèces a évolué dans notre région pour diverses raisons, pas toujours évidentes.
Une première série de rapports annuels rédigés par Pierre Rousset couvre les années 1993-2005. Le rapport 2006 – qui sera le dernier de cette série – devrait être bouclé d’ici quelques mois.
Une seconde série de rapports annuels, rédigés par David Thorns, couvre les années 2008-2010. Les rapports 2007 (le chainon manquant, qui deviendra le premier de cette série) et 2011 devraient être finalisés au cours du premier trimestre 2012.
Nous devrions donc avoir sous peu des synthèses annuelles couvrant toute la période 1993-2011 (sachant que le suivi a été d’intensité variable en fonction du nombre des observateurs impliqués et du nombre de leurs visites). Nous espérons aussi pouvoir compléter ces rapports, y compris rétrospectivement, grâce à la centralisation de données sur le nouveau site Internet Faune-Ile de France. Il sera alors possible de travailler sur cet ensemble d’observations. En attendant, voici une première estimation, assez « subjective », de l’état de l’avifaune des Beaumonts et de son évolution.
Quelques remarques générales concernant les milieux
Ce qui fait la richesse des Beaumonts, c’est la diversité des milieux et, en particulier, de la couverture végétale. En ce domaine, l’évolution au cours de ces 18 dernières années a été contradictoire.
Disparition des vergers et des zones de végétation rase
Dans les années 1980, le jardin-école, tout proche du parc des Beaumonts, contenait un verger où se trouvait encore la Chevêche (Athene noctua). Ce verger a disparu, ainsi que notre petite chouette. Même s’il est reconstitué (ce qui semble le cas et serait une bonne chose), il serait très étonnant que la Chevêche s’installe à nouveau en plein Montreuil. Cette espèce est pour nous considérée « disparue ».
Au début des années 1990, la friche du parc des Beaumonts comprenait des espaces de végétation rase où l’on trouvait encore des alouettes des champs (Alauda arvensis) et des pipits farlouses (Anthus pratensis) durant la période de nidification. Ces zones de végétation rase ont disparu et les deux espèces mentionnées ne sont plus présentes en temps de nidification. La friche étant aujourd’hui menacée d’emboisement, il y a beaucoup à faire avant que la reconstitution d’espaces de végétation rase puisse éventuellement être envisagée. Nous avons peut-être définitivement perdu ces deux espèces dans la liste des nicheurs certains ou probables.
Tendance à la fermeture de la friche
Ladite friche concerne la partie centrale (enclose) de « l’espace naturel » des Beaumonts ainsi (c’est important de ne pas l’oublier) que la bande au nord-est du sentier des Orchidées. C’est ici, notamment, que nichent la plupart des espèces « campagnardes ». Elle ne devrait comprendre que très peu d’arbres, beaucoup de buissons et des prairies, fleurs et graminées dans un paysage aéré. Or, elle est aujourd’hui partiellement boisée et « bouchée » (trop grande expansion des ronciers, etc.), et les sols s’enrichissent dangereusement. Ceci explique probablement pour une part la disparition de certains nicheurs (même si d’autres renforcent leur présence, comme le rossignol) ou la diminution de certaines populations d’oiseaux qui se nourrissent des graminées (chardonnerets…).
De même, une friche « ouverte » accueille occasionnellement divers migrateurs qui évoluent à terre : alouettes, pipits, traquets… et d’autres comme la bécasse des bois ou la bécassine des marais. Le milieu leur est aujourd’hui moins favorable (sauf pour la bécasse des bois…).
On atteint un point critique dans l’évolution de la friche. Des mesures ont commencé a être prises pour combattre cette tendance lourde à la « fermeture » et à l’emboisement (on en reparlera dans un autre texte), mais sans avoir encore inversé le processus.
Les parties boisées
Elles abritent des espèces comme les pics, la grive draine ou l’épervier, et bon nombre des oiseaux « urbains » à qui le parc des Beaumonts offre habitats et nourriture. Pour l’avifaune – ainsi que pour les insectes – il est (notamment) important de garder suffisamment d’arbres morts sur pied et de troncs abattus.
Le boisement est largement composé d’essences importées, robiniers et érables, de peu d’intérêt pour la biodiversité. Sans avoir l’ambition d’éradiquer le robinier des espaces boisés, il faudrait favoriser le développement d’essences franciliennes plus intéressantes.
La zone humide
La création de la zone humide a attiré de nouvelles espèces d’oiseaux au parc des Beaumonts : des nicheurs (colverts, poule d’eau, effarvatte) aussi bien que des visiteurs (parfois spectaculaires : le héron cendré) et migrateurs (comme parfois la rémiz). De nouvelles espèces pourraient s’installer (bruant des roseaux). Outre la pérennisation de cette zone humide (question traitée dans d’autres textes) et la gestion de ses équilibres (roselière, etc.), les principaux problèmes tiennent aux dérangements (pression humaines, pêcheurs, chiens pénétrant la roselière…) et à la prédation exercée par la colonie de rats surmulots installés depuis quelques années seulement, et qui s’attaquent en particulier aux poussins de poule d’eau et aux jeunes canetons.
Grâce à la zone humide, de limicoles (petits échassiers) se posent parfois sur le site et nous rêvons de lever un jour une bécassine sourde…
Les pelouses et coteaux non boisés
Les pelouses, au nord du plateau, sont déjà utiles, avec ce qui reste de coteaux non boisé. Elles sont notamment fréquentées par des résidants comme les pics verts qui se nourrissent à terre, ainsi que par des migrateurs (bergeronnettes, linottes…) et hivernants (grives…). Avec ses conifères, elles attirent des espèces comme les roitelets ou des mésanges rares pour le site (huppée, noire) – avec le temps, les conifères prenant de l’âge, peut-être que cette attraction va se renforcer.
L’intérêt de ces pelouses pour l’avifaune (et autres) pourrait être considérablement augmenté si l’on introduisait – comme cela a été envisagé – des « prairies » à fleurs ou à graines (par exemple dans la pente au dessus des cimetières) et des porteurs de baies. En revanche, planter un bois d’érable a été une très mauvaise idée.
Il reste une portion de coteau non boisé (au nord du grand escalier). Il est important d’éviter qu’elle ne se couvre elle aussi de robiniers !
Le pourtour
Nous n’avons pas prospecté le pourtour des Beaumonts ; il n’en joue pas moins un rôle souvent positif qui pourrait être renforcé. Par exemple, le sommet du château d’eau doit rester en herbe : il accueille notamment des migrateurs. Le moineau friquet (qui en Europe est le moineau des champs) a niché en bordure du cimetière, où le contrôle non chimique de la végétation ne peut qu’être bénéfique (mais où l’on pourrait planter des haies plus riches…). Il faudrait vérifier ce qu’offrent le jardin-école et les jardinets privés…
La combinaison
La richesse avifaunique des Beaumonts tient à la conjonction de ces quatre ensembles qui offrent une combinaison rare en milieu urbain de lieux de nidification, d’alimentation, de repos et de refuge (y compris parfois à de grands rapaces !). Le cœur du dispositif est constitué par la friche dont la disparition sous l’emboisement provoquerait une banalisation générale du site, et aussi par la zone humide dont dépend un pan entier de la biodiversité locale.
Les oiseaux ne sont pas les seuls à bénéficier de la combinaison des milieux qu’offrent les Beaumonts. Par exemple, les libellules pondent dans les mares et chassent dans la friche. Cependant, cette combinaison est particulièrement importante en ce qui concerne la diversité de l’avifaune. Or, cette combinaison n’est pas stable, « naturelle ». La tendance naturelle est l’emboisement, avec une forte domination de robiniers, ou d’érables (des essences importées). Le point d’équilibre serait… un bois aux essences peu attractives pour bien des insectes ou champignons. Toute la question est là – on y revient dans divers autres textes.
Le point le plus élevé de Montreuil
Il est possible que la situation élevée des Beaumonts – donc la visibilité du site – joue un rôle par rapport aux migrateurs. Il est certain, en tout cas, que cela en joue un d’importance pour l’ornithologie beaumontoise : il constitue un excellent point d’observation de la migration.
De fait, les Beaumonts sont devenus l’un des principaux sites d’observation de plaine (hors cols et côtes) de la migration en France. Les données recueillies sont mutualisées sur un site dédié aux migrations en Europe : Trektellen (http://www.trektellen.nl/).
L’observation du ciel permet aussi de noter, haut perché sur la cascade, ce qui se passe sur le site. Le soir, notamment, ont voit souvent des oiseaux converger de divers points cardinaux pour se poser « chez nous », ce qui confirme le rôle local des Beaumonts (en l’occurrence : abris pour la nuit). Cela permet aussi parfois de noter des arrivées inattendues (rapaces en quête d’un dortoir).
La trame ornithologique
Les Beaumonts s’inscrivent enfin dans une trame ornithologique régionale. Les données sont rendues publiques sur nos sites Internet et, depuis peu, elles sont ici aussi mutualisées via un site Internet spécialement dédié à cette question, celui de Faune-Ile de France (http://www.faune-iledefrance.org/).
Malheureusement, entre l’alimentation de nos propres sites, de Trektellen et de Faune-Ile de France, nous ne trouvons plus le temps de répondre à nos devoirs en ce qui concerne la base de données départementale de l’OBDU.
Revue des espèces
La liste complète des espèces observées aux Beaumonts est disponible (ESSF article 5414) ici :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article5414
Nous ne passerons pas en revue ici toutes les espèces des Beaumonts. Nous n’avons jamais tenté d’évaluer la population des espèces « courantes » et, notamment, le nombre des couples nicheurs. Nous ne pouvons donc pas estimer leur évolution. D’autres espèces sont d’apparition trop épisodique pour être abordées ici. Elles n’en seraient pas moins importantes, s’il s’agissait de présenter un tableau complet de la diversité avifaunique du parc.
Les rapaces
Que ce soit du fait d’une évolution réelle ou d’un meilleur suivi, le statut apparent des rapaces s’est renforcé au fil des ans.
Résidants
La principale nouveauté a été l’installation d’un couple d’éperviers d’Europe (Accipiter nisus) qui niche dorénavant dans les parties boisées et chasse sur l’ensemble du site (et au-delà). Avant le seul rapace « résidant » (bien qu’il niche aux environs, sur des bâtiments, et non pas dans le parc) était le faucon crécerelle (Falco tinnunculus). Cette installation semble correspondre à une tendance générale, l’épervier est aujourd’hui plus fréquemment trouvé cantonné dans Paris que par le passé.
Visiteurs
Nous avons progressivement noté que de grands rapaces se posaient parfois sur le site, certes rarement, mais moins que nous ne le supposions. Ils se perchent pour un bref repos ou pour passer la nuit.
La première à avoir été observée sur place est la bondrée apivore (Pernis apivorus). Elle a eu pour particularité d’être vue à terre, recherchant sa nourriture (comme sont nom l’indique – « apivore » – elle mange des guêpes et autres insectes similaires) – et non seulement perchée dans un arbre.
Puis se fut le tour de la buse variable (Buteo buteo) qui semble à l’occasion pouvoir passer plusieurs nuits hivernales consécutives sur place.
Enfin, le busard des roseaux (Circus aeruginosus) a été observé se posant sur un arbre du parc Mabille. Houspillé par des corneilles, il s’est envolé, et revenu, puis est reparti vers le sud.
Insectivores
Les Beaumonts intéressent les rapaces insectivores, comme on l’a noté pour la bondrée. Le faucon hobereau (Falco subbuteo) est parfois observé en chasse aérienne au-dessus du site et, récemment, a été vu perché.
Cette particularité explique probablement que l’on a observé à plusieurs reprises le faucon kobez (Falco vespertinus), une espèce rare dans la majeure partie du pays qui apparaît en Île-de-France surtout quand un grand nombre d’individus suivent une voie de migration plus occidentale que de coutume. La fréquence d’apparition du kobez dans notre région dépend donc de facteurs « exogènes ».
Les nocturnes
La chouette hulotte (Strix aluco) ne niche pas sur le site, mais le fréquente. Il semble que les riverains l’entendent actuellement beaucoup moins que par le passé. Pourquoi ? On pourrait envisager la pose d’un nichoir.
Nous considérions, l’effraie (Tyto alba) – chouette effraie ou effraie des clochers – « disparue », comme la chevêche. Elle a pourtant été récemment retrouvée, dans la friche.
Nous avons d’abord noté que le hibou des marais (Asia flameus) pouvait se poser sur le site (notamment dans la friche) à l’occasion de ses déplacements migratoires. Nous avons observé qu’il en allait de même du hibou moyen-duc (Asia otus) – qui a même été trouvé aussi une fois perché en pleine ville de Montreuil en un lieu assez passant.
Canards et poule d’eau
La (gallinule) poule d’eau (Gallinula choropus) est la première espèce inféodée au milieu humide à s’être installée après la création de la mare perchée, avec un, puis un ou deux couples nicheurs par an, malgré la pression humaine et canine. Le succès de la nidification a été mis en cause par l’occupation de l’ilot par une famille prolifique de rats surmulots, provoquant un échec complet la première année. Au prix de pertes certaines, un couple de poule d’eau a réussi en 2011 a mener à bien deux couvées successives (au moins quatre jeunes volants – il y en a eu beaucoup plus par le passé), mais l’équilibre reste probablement instable. En revanche, mare de Brie (beaucoup plus petite, mais où il n’y a pas de rats), un couple de poule d’eau a réussi, après de premiers échecs, à élever deux jeunes (grâce à une alimentation en eau plus constante).
On sentait qu’un couple de colverts (Anas platyrhynchos) voulait s’installer mare perchée. Il a fini par réussir à nicher… mais a vu sa première portée braconné tout entière (prédation humaine directe). Puis il a réussi à élever à bon terme une portée. Malheureusement, l’année suivante, il a lui aussi été victime des rats surmulots. En 2011, sur douze poussins que l’on a pu dénombrer, huit ont été tués par les rats. Quatre jeunes ont survécu.
La pression humaine et canine (dérangements) reste très grande. Il y a notamment un couple de grands chiens, laissés libres de leurs mouvements par leur maîtresse, qui course les canards dans la roselière. La vie est dure, entre rats et chiens… Il faudrait voir ce que l’on peut faire (au moins concernant les chiens coursant les canards – il ne sont pas nombreux, mais…).
Pigeons et perruches
Quelques couples de pigeons colombins (Colomba oenas) nichent probablement sur des bâtiments sur le pourtour du parc. Pas d’indication sur l’évolution locale des effectifs de cette espèce.
La perruche à collier (Psittacula krameri) – une espèce exotique devenue férale – ne niche pas (encore ?) sur le site, mais elle apparaît en bien plus grand nombre que par le passé. Ses effectifs doivent être en augmentation non loin des Beaumonts (bois de Vincennes, parc Montreau ?).
Les pics
Les pics nicheurs
La présence du pic vert (Picus viridis) apparaît stable. Celle du pic épeiche (Dendrocopos major) semble avoir été plus irrégulière au milieu des années 1990, avant de se stabiliser elle aussi. Celle du pic épeichette (Dendrocopos minor) est difficile à estimer, car cette espèce est la plupart du temps discrète.
Les visiteurs
Le pic mar (Dendrocopos medius) est observé plus souvent qu’auparavant (quasi annuellement) et sur une plage de temps plus étendue (incluant la fin d’été-automne – dispersion de jeunes – et non seulement le cœur de l’hiver).
Le pic noir (Dryocopus martius) reste beaucoup plus rare que je l’aurais imaginé. Hypothèse : s’il n’est pas motivé (par quoi ?), il évite de « monter » le coteau jusqu’au plateau sur lequel les Beaumonts se trouvent (et il ne nous arrive pas du nord…).
Les hirondelles
Une colonie d’hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) était établie en bordure du parc, 1-2 rue Bel Air/4-6 rue Henri Schmitt. Elle fréquentait assidument la mare perchée pour boire et se procurer de la boue (construction des nids). Les deux immeubles sur lesquels elles étaient établies ont été détruits. Depuis, il n’y a plus d’hirondelles de fenêtre « locale » (qui viendraient à la mare perchée et fréquenteraient quotidiennement le site en période de nidification). A l’automne, nous avons l’impression qu’un groupe de « fenêtre » s’attarde au coin NE du site (rien ne permet de vérifier qu’il s’agit, jour après jour, des mêmes individus). Hypothèse (tirée par les cheveux ?) : la colonie précitée a gardé la mémoire du site et y traîne avant de partir au sud.
Les hirondelles de cheminée (ou rustiques) (Hirundo rustica) ont toujours été peu nombreuses en période de nidification, mais on observait quotidiennement de un à quatre individus. C’est beaucoup moins vrai actuellement.
Les hirondelles sont en régression, or la présence de la mare perchée (facile d’accès aérien) est un « plus ». L’absence d’eau et de boue est en effet un obstacle à la nidification à Paris. Ce serait bien de voir comment on pourrait offrir à nouveau des bordures de toit (ou autres) favorables à leur cantonnement…
Alouettes, pipits et bergeronnettes
Comme on l’a noté, l’alouette des champs (Alauda arvensis) et le pipit farlouse (Anthus pratensis) ne sont plus présents en période de nidification.
L’alouette des champs et l’alouette lulu (Lullula arborea) se posent occasionnellement dans la friche, lors des migrations. La friche s’étant trop « fermée », le milieu est moins favorable et on a l’impression qu’elles le font moins souvent ou restent moins longtemps (dérangement).
Outre la friche « ouverte », durant la migration les pelouses nord accueillent à l’occasion des pipits et des bergeronnettes grises (Motacilla alba) ou printanières (Motacilla flava). Peut-être qu’en étudiant la série des rapports annuels, une fois qu’elle sera complétée, on pourra faire apparaître des tendances, mais ce n’est pas le cas pour l’heure. Bien que plus marginalement que la « ruisseau », la bergeronnette grise peut nicher à Paris (pelouses interdites au public…), mais on ne note pas (encore ?) une augmentation de sa fréquentation des Beaumonts.
En dehors de la période de nidification, la bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea) semble plus présente que par le passé, en augmentation dans la localité. Contrairement à ce que laisse penser son nom (par ailleurs mérité), cette espèce s’adapte aux milieux urbains, ses toits plats et ses cours d’eau (elle niche le long de la Seine et du canal Saint-Martin/Saint-Denis)… Aux Beaumonts, elle fréquente particulièrement la mare perchée et la mare de Brie (où elle est moins dérangée).
Rossignol, rougequeues, traquets, tariers
Le rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) est nettement plus présent que par le passé (qui remonte ici, rappelons-le, à 1993). Cela vrai lors des migrations – avec des haltes parfois prolongées, en particulier en automne –, et aussi lors de la nidification. En quelques années, ont est passé d’une nidification rare à une nidification annelle concernant d’abord un couple et maintenant peut-être trois.
Le rougequeue noir (Phoenicurus ochruros) niche aux alentours du parc, en milieu bâti (c’est l’une des espèces les plus répandues à Paris), mais il fréquente, parfois en nombre, les Beaumonts durant la dispersion postnuptiale et, surtout, les migrations. Il nous est impossible d’estimer l’évolution éventuelle des effectifs.
Le rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) affectionne lui les milieux « campagnards ». Il a peut-être (re)commencé à nicher aux Beaumonts, mais irrégulièrement. Sa présence en période de nidification semble encore (?) instable. En revanche, il s’arrête parfois durablement sur le site lors des migrations.
Le tarier des prés (traquet tarier) (Saxicola rubetra) n’utilise le site qu’en migration. En revanche, le tarier pâtre (traquet pâtre) (Saxicola torquata) était l’un des nicheurs emblématique des Beaumonts. II a cessé de nidifier – du fait de la fermeture de la friche et/ou d’une régression régionale ? –, et il est devenu plus rare même en halte migratoire.
Le traquet motteux (Oenanthe oenanthe) se pose sur le site lors des migrations. Evoluant à terre, il est devenu plus rare semble-t-il.
Grives et merles
Le merle à plastron (Turdus torquatus) est régulièrement observé sur le site lors des deux migrations d’automne et de printemps (le retour). C’est une particularité des Beaumonts. Il a besoin d’arbres, mais aussi de pelouses ou prairies – on l’a vu sur les pelouses autour du cimetière et pas seulement dans la friche. Il semble rester moins longtemps sur place que par le passé (réduction des espaces favorables avec la fermeture de la friche ?).
La grive draine (Turdus viscivorus) niche en petit nombre dans les parties boisées (Mabille). Elle semble en régression. Elle n’est (presque ?) jamais très nombreuse lors des migrations ou en hiver.
La grive mauvis (Turdus iliacus) peut hiverner en nombre utilisant aussi bien les parties boisées que les pelouses nord. Les effectifs sont très variables d’une année sur l’autre. Pas de tendance évidente. Il arrive que la grive litorne (Turdus pilaris) se pose en nombre sur le site, mais c’est fort rare ; il s’agit plus généralement de quelques individus. Là aussi, pas de tendance évidente.
Rousserolles, hypolaïs, fauvettes, pouillots
Une fois que la roselière de la mare perchée a atteint un volume suffisant, la rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirparceus) s’est installée pour nicher. Il y a eu régulièrement un ou deux couples mare perchée. L’espèce est notée aussi mare de Brie, mais sans nidification à ce jour. Problème, cette année-ci, des effarvattes étaient longtemps présentes au printemps, surtout dans la friche, mais n’ont pas niché. Pourquoi ?
Les effectifs de l’hypolaïs polyglotte (Hippolais polyglotta), qui niche dans les arbres de la friche, évoluent peut-être à la baisse (de trois, voire quatre couples, à deux ?).
Les effectifs nicheurs de la fauvette grisette (Sylvia communis), hôte de la friche, sont plus ou moins stables (autour de quatre couples ?), mais l’espèce semble moins présente dans la friche centrale et plus dans la zone qui borde le dépôt et le terrain de foot. Si l’emboisement continue, ses effectifs vont s’effondrer.
Les effectifs de la mal nommée fauvette des jardins (Sylvia borin) semblent aussi stables (autour de trois couples ?). Mais il ne faut pas que le milieu change trop…
La fauvette babillarde (Sylvia curruca) a commencé à nicher il y a quelques années (un ou deux couples), mais de façon irrégulière. Pas de nidification cette année.
Pour mémoire, les fauvettes à tête noire (Sylvia atricapilla) sont très bien représentées, cette espèce profitant de tous les milieux et nichant dans les parties boisées. Il en va de même du pouillot véloce (Phylloscopus collybita).
Evolution inquiétante, le pouillot fitis (Phylloscopus trochilus) a (momentanément) cessé de nicher. Il y avait, il y a quelques années encore, au moins deux-trois couples nicheurs. Le déclin est aujourd’hui consommé. Il continue évidemment à fréquenter le site durant les migrations.
Roitelets, gobemouches, mésanges, sittelles
Les roitelets sont présents lors des migrations (effectifs variables) et en hiver (mais pas toujours pour le triple bandeau). La question pendante est celle de leur nidification. A notre connaissance (les oiseaux sont discrets quand on le entend pas), le roitelet à triple bandeau (Regulus ignicapillus) a dû nicher une ou deux années dans les boisements de coteau. Le roitelet huppé (Regulus regulus) est attiré par les conifères de la pelouse nord (que l’on visite bien rarement à la belle saison).
Il n’est pas impossible que le gobemouche gris (Muscicapa striata) ait niché sur le site, il y a une quinzaine d’années (sans certitude aucune), mais cela ne semble de toute façon plus le cas depuis longtemps. Le gobemouche noir (Ficedula hypoleuca) est observé durant les migrations.
A notre connaissance, la mésange à longue queue (Aegithalos caudatus) n’a commencé à nicher sur le site qu’il y a quelques années – de un à trois couples probablement. La nidification semble actuellement régulière (boisement de coteau notamment). L’espèce est beaucoup plus présente en automne-hiver.
Il est possible que la mésange nonnette (Parus palustris) ait niché, mais alors très rarement. Bien qu’elle soit installée au bois de Vincennes, elle est irrégulière aux Beaumonts même en automne et hiver. Cette année, nous ne l’avons pas encore notée !
La mésange huppée (Parus cristatus) et la mésange noire (Parus ater) ne font que de rares apparitions en automne-hiver. Pas de tendance notable sauf que, certaines années, il y a des « invasions » hivernales de mésanges noires venues du nord ou de l’est, et cela se manifeste alors clairement aux Beaumonts.
Plusieurs couples de sittelles torchepot (Sitta europaea) nichaient dans les années 1990 sur le site de façon régulière (parc Mabille principalement). L’espèce est devenue rare et sa nidification douteuse. On a pas idée pourquoi. Elle aurait aussi disparu sans explication évidente de certains parcs parisiens en principe favorables à son maintien.
Moineaux et fringilles
Une remarque générale : au début de la période étudiée, il y avait souvent l’hiver de grandes bandes de moineaux friquets, de pinsons (y compris parfois le pinson du nord) et autres fringilles. Ce n’est plus le cas. Pourquoi ?
Le moineau friquet (Passer montanus) est, en Europe le moineau des champs (il est urbain en Asie). Il a niché sur le site (arbre mort, boisement de coteau), en bordure (gouttière de l’école horticole) ou à proximité (lisière du cimetière)… – un à trois couples Même après la disparition des bandes hivernales (jusqu’à plusieurs dizaines), un petit groupe de friquet était repéré se nourrissant à la mauvaise saison au fond du dépôt de voirie. Malheureusement, cette partie du dépôt a été « nettoyée » et n’offre plus aucun intérêt avifaunique… Nous avons perdu la trace du friquet, ce qui ne veut pas dire qu’il a disparu (l’espèce est discrète). Il est présent au bois de Vincennes.
Le serin cini (Serinus serinus) et le chardonneret élégant (Carduelis carduelis) sont toujours présents, mais leurs effectifs en période de nidification ont fortement diminué. C’est probablement parce que l’offre de nourriture dans la friche a diminué (« fermeture », moins de graminées…).
La linotte mélodieuse (Carduelis cannabina) a probablement niché quelque part à la frontière de la pelouse nord. Cela ne semble pas le cas actuellement.
Le bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) niche maintenant régulièrement, ce qui ne semble pas avoir été le cas il y a encore peu.
Les effectifs de grosbec cassenoyau (Coccothraustes coccothraustes) hivernant sont en augmentation et plus réguliers qu’auparavant. Une présence printanière persistante laisse penser que l’espèce (discrète pendant la nidification) a peut-être niché (???).
Le bruant zizi (Emberiza cirlus) était bien établi avec au moins deux couples nicheurs, les familles se réunissant apparemment pour passer l’hiver sur place. Il est pourtant devenu rare. On l’aperçoit pourtant encore parfois et on peut espérer qu’il se cantonne un jour à nouveau chez nous, d’autant plus qu’il reste présent au bois de Vincennes.
Le bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus) fréquente la friche et les mares lors des migrations et, plus irrégulièrement, en hiver. Mais un mâle a été noté au printemps manifestant apparemment bien de l’intérêt pour le site. Si une nouvelle espèce commence à nicher dans la roselière de la mare perchée, ce pourrait être elle.
Conclusion provisoire
Au cours des 18 dernières années, la richesse avifaunique du parc des Beaumonts s’est confirmée ; elle s’est aussi modifiée, avec des pertes et des gains (disparition et apparition d’espèces nidificatrices notamment). Il reste un sentiment de fragilité, lié en particulier à l’évolution de la friche.
Bien des espèces vagabondes ou migratrices n’ont pas été mentionnées ici. Il faudra pourtant le faire ultérieurement. Certes, pour chaque espèce prise individuellement, il peut être difficile ou impossible d’estimer l’évolution de leur statut sur la base des seules données collectées ici (il faudrait le faire à l’échelle régionale). Cependant, il peut être intéressant de voir si le nombre et la variété de ces espèces (du coucou à la pie-grièche écorcheur) restent globalement stables, augmente ou diminue – en tentant évidemment de tenir compte de la qualité, elle aussi variable, du suivi ornithologique : la première chose que les rapports annuels mesurent, c’est la présence des observateurs, avant celle des oiseaux. C’est plus facile à dire qu’à faire. Mais cela pourrait constituer un indicateur précieux de la qualité du milieu – ou plutôt de la combinaison des milieux.
Comme noté en introduction, au cours des 18 dernières années, le site s’est aussi profondément modifié, soit du fait de l’intervention humaine, soit par évolution naturelle. L’avifaune régionale évolue elle aussi, sous l’impact de facteurs plus généraux. Comparer l’évolution régionale à celle de notre site aiderait probablement à mieux comprendre les facteurs en cause.
Tout cela pour dire que ce texte est loin d’épuiser le sujet et qu’il reste bien du pain sur la planche.
Pierre Rousset