Prenez un navire chimiquier, vieux de dix-sept ans, sur lequel on a constaté des défaillances techniques, battant pavillon panaméen, affrété par une firme immatriculée aux Pays-Bas, géré par une société grecque, et conduit par un équipage russe. Cela pourrait être l’Érika, ce fut le Probo Koala, qui a vidé dans le secret le plus complet plus de dix tonnes de déchets toxiques dans les décharges publiques d’Abidjan, près desquelles les Ivoiriens vivent et cultivent leurs jardins. Résultat : plus de 5 000 intoxiqués et trois morts, dont deux enfants.
Greenpeace estime qu’il s’agit là de boues issues du raffinage pétrolier, donc très toxiques. La Côte-d’Ivoire est un véritable pays poubelle : le navire avait commencé une vidange à Amsterdam, mais elle avait été stoppée suite à des plaintes. En Afrique, rien de tel, on peut profiter d’une nuit d’août pour déverser des cargaisons mortelles, enfreindre les conventions de Bâle sur le transport des déchets, sans que les responsables ne soient punis, alors que les pays riches sont bien mieux équipés pour traiter de tels déchets.
Malgré tout, la population, en découvrant l’ampleur de la pollution et le nombre d’intoxications, s’est révoltée, ce qui a pu accélérer la crise politique qui s’est traduite par la démission du Premier ministre, Konan Banny. Véritable recherche de la vérité ou simple prétexte pour se débarrasser de ses opposants de la part du président Laurent Gbagbo ? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est que les six experts en traitement des déchets envoyés par la France ne suffiront pas à éviter une nouvelle catastrophe, tant que le trafic maritime ne sera pas mieux réglementé, tant que les industries les plus polluantes proliféreront.