Alors que l’épidémie progressait, il n’y a pas eu de réaction de la part du gouvernement (il faut dire qu’il n’y en a pas) : les interminables négociations post-électorales pour former la coalition qui dirigera le gouvernement fédéral priment sur la crise sanitaire.
Le ministre de la Santé du dernier gouvernement, Jens Spahn, s’est distingué par une cohérence digne de Sibeth Ndiaye ou d’Agnès Buzyn en mars 2020. Il y a quelques semaines, il annonçait la fin prochaine de l’urgence sanitaire. Maintenant, il jongle avec les règles pour accéder aux lieux publics : 3G (testé, guéri ou vacciné), 2G (guéri ou vacciné) ou 2G+ (guéri ou vacciné… et testé), et a été contraint de rétablir la gratuité des tests antigéniques (une fois par semaine !) le 14 novembre.
Si les autorités parlent beaucoup de la troisième dose vaccinale, c’est un peu en décalage avec la réalité, car l’explosion des cas vient aussi d’un taux de vaccination assez bas, 67 % de la population (contre 75 % en France), voire bien moins comme en Saxe où elle plafonne à 57 %. C’est d’ailleurs en grande partie des non-vaccinéEs qui sont hospitalisés.
En Autriche, où la flambée épidémique est encore plus violente, un confinement des non-vaccinés débute ce lundi 15 novembre. Comme il y a deux ans, ce sont toujours des mesures improvisées en urgence, mais aucun investissement dans le système de santé n’est prévu.
La colère des soignant.es
Au contraire. De plus en plus de soignants et de soignantes démissionnent, exténués par les conditions de travail. À Berlin, où ils sont dépistés à chaque prise de service, le moindre test positif d’un.e soignant.e pose problème, à cause du manque structurel de personnel.
Pourtant, contrairement aux politiciens, les soignant.es ont appris de cette crise. Au début de la pandémie, le syndicat ver.di avait cédé face à la pression gouvernementale et médiatique, en avortant une grève pour des embauches et des augmentations de salaires. Cette année en revanche, les travailleur.es des hôpitaux berlinois, la Charité et Vivantes, ont fait plus d’un mois de grève en septembre et octobre, ensemble et même avec les filiales sous-traitantes (nettoyage, laboratoire…).
Ce mouvement a permis de gagner certaines améliorations, mais elles ne se font pas encore sentir au quotidien. Une fois de plus, c’est aux soignant.es de porter le poids de la crise sanitaire. Mais l’atmosphère a changé dans les services : personne ne veut revivre la situation de l’hiver dernier. Dans plusieurs Länder de l’ouest, la Sarre, la Rhénanie-Westphalie et le Schleswig-Holstein, des élections régionales sont prévues l’an prochain, et ver.di (syndicat unifié des services) veut profiter de la pression électorale pour pousser les négociations. Des nouvelles grèves se préparent dès maintenant. Les premières manifestations ont commencé ces dernières semaines, rassemblant notamment de jeunes soignant.es en formation.
À Berlin, c’est un gouvernement social-démocrate/écologiste/gauche radicale (SPD/Verts/Linke) qui a été contraint de céder partiellement face à la mobilisation des hospitalier.es. Alors que deux de ces trois partis négocient avec les libéraux pour constituer le prochain gouvernement, la mobilisation des soignant.es pourrait bien les forcer à répondre aux revendications. Cette fois à une échelle nationale.
Maria Brücke, Dima Rüger