Pilotés par le professeur Yvon Berland, auteur d’un rapport sur la démographie médicale, et par Annie Podeur, de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, les « états généraux » se sont mis en place au lendemain de la grève des internes et étudiants en médecine de novembre. Ces derniers ont obtenu de participer au « groupe permanent », aux côtés des syndicats médicaux, de représentants des associations d’usagers, des maires [1].
Après une phase d’auditions, et la tenue de deux « étapes régionales » à Rennes et Châlons-en-Champagne (Marne), la session du 8 février devrait proposer une première synthèse sur « l’offre de soins de premier recours », articulée autour du médecin généraliste. Une deuxième session, début avril, devrait faire des propositions définitives, qui pourraient être reprises dans un projet de loi beaucoup plus vaste sur la « modernisation du système de santé », débattu au Parlement cet été.
La grève des internes a mis en relief un paradoxe. Ce gouvernement ultralibéral est contraint de trouver des solutions (évidemment libérales) aux impasses de l’exercice libéral de la médecine. Avec la pénurie médicale organisée et la suppression massive des services hospitaliers de proximité, la situation devient, dans certaines régions, insupportable. Il n’y a pas de véritable permanence des soins sur tout le territoire et des « déserts sanitaires » se créent. La médecine générale reste le « parent pauvre » de la médecine. Entre 1995 et 2005, le nombre de médecins a progressé de 14 %, mais le nombre de diplômés de médecine générale n’a augmenté que de 6 %. Sur le terrain, le nombre de ceux qui exercent en « premier recours » n’a pas évolué. Quant aux inégalités entre régions riches et pauvres, elles ne font que se creuser.
Cette situation, à laquelle s’ajoutent la nécessité de l’avance du paiement sur les soins et l’accroissement de la part à la charge du patient, explique l’explosion du recours aux urgences des hôpitaux et leur saturation, car l’hôpital reste, pour l’instant, le seul endroit où l’on peut accéder, 24h/24, à des soins de qualité (presque) gratuits. Pour améliorer la répartition médicale sur le territoire, la tentative d’imposer autoritairement l’installation des jeunes médecins sous peine de « déconventionnement » [2] a été à l’origine de la grève de ceux-ci.
Mais des solutions, même partielles, aux problèmes posés se heurtent à l’opposition et au blocage des lobbies de praticiens libéraux et de leurs syndicats, et la montagne risque fort d’accoucher d’une souris. Comme le souligne le Syndicat de la médecine générale (SMG) : « Nous savons que le plus difficile n’est pas de construire une réponse cohérente, à partir de l’évolution de nos pratiques professionnelles, mais de modifier les comportements corporatistes. »
La « médecine de premier recours » doit pouvoir s’adosser à un hôpital public fort, alors que le projet gouvernemental est, au contraire, de redéfinir en les limitant les missions de l’hôpital, d’accélérer les restructurations hospitalières en fermant des services et des établissements de proximité. Comment, enfin, prétendre favoriser l’accès aux soins en imposant des barrières financières croissantes dans le recours aux soins, comme notamment les franchises médicales ? C’est seulement du côté de la remise en cause de la médecine libérale à l’acte, du développement d’un service public de santé avec des moyens croissants, des réponses de qualité et de proximité, de la gratuité totale des soins que les réponses pourraient être trouvées. Des choix politiques à l’opposé de ceux du gouvernement.