Un récent colloque sur l’environnement à Dijon (France) a réuni une centaine de chercheurs pour débattre des dégâts écologiques générés par des conflits et des guerres contemporaines.
Le colloque, intitulé « Conflits et environnement : de l’écocide à la justice environnementale », organisé le 26 septembre par le Comité Côte d’Or pour le village de l’amitié, a été précédé le 25 septembre 2008 par la présentation des activités du village de l’amitié de Vân Canh au Conseil régional de Bourgogne.
À cette occasion, une exposition de photos, de documents et une projection du film du village de Vân Canh ont montré la solidarité internationale et le soutien aux victimes vietnamiennes de l’agent orange/ dioxine. Le village Vân Canh, situé au nord de Hanoi et créé à l’initiative d’anciens combattants français, allemands, britanniques, américains et japonais, est devenu le symbole de la réconciliation et de la fraternité. Il regroupe 10 pavillons où plus de 150 enfants et personnes âgées victimes de l’agent orange y vivent et reçoivent des soins adaptés aux malformations spécifiques unissant médecine occidentale et pharmacopée vietnamienne.
Une courte projection sur les atteintes aux écosystèmes et leurs conséquences au Vietnam a permis de visualiser l’intensité des dégâts causés aux plantes, aux animaux et à leurs habitats. Le volume de produits toxiques déversé à plusieurs reprises pendant une longue période a détruit arbres et animaux, pollué l’environnement et perturbé les écosystèmes, d’où des conséquences très pernicieuses pour les ressources forestières, l’écologie des sols et sur la santé des populations. La notion d’écocide a été évoquée pour la première fois à l’occasion de la guerre du Vietnam puis, rétrospectivement, au regard des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, ou pendant les conflits du Golfe (usage d’uranium appauvri UA), de la Serbie, du Kosovo et du Liban où furent utilisés des bombes à fragmentation.
Au Vietnam, un bilan de l’impact sur la santé humaine a été présenté, appuyé par des photos de victimes. Les maladies dues à la dioxine ont été présentées par l’INSERM en 2000 dans un rapport intitulé « Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ? » Par ailleurs, l’Académie des sciences des États-Unis a publié une liste des maladies dues à la dioxine et révisable tous les 2 ans. Les seuils de toxicité, comme dans le cas de l’amiante ou de la radioactivité, leur définition, donnent lieu depuis plusieurs années à de vives controverses. Toutefois, les actions à mener ont été définies en 1998 par le Comité de la prévention et de la précaution (France) qui a estimé que, en application du principe de précaution, on se devait sans attendre d’avoir acquis une certitude scientifique complète sur les effets néfastes des dioxines sur la santé, d’adopter une politique visant à réduire l’exposition des populations à ces polluants. Cette politique devrait porter en priorité sur les incinérateurs de déchets ménagers.
Un appel à la justice
« Le droit à réparation : quels recours ? » place le débat sur le terrain judiciaire. En effet, une plainte a été engagée à la Cour d’appel de l’État de New York, par l’Association des victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine (VAVA), en janvier 2004, à l’encontre de 37 entreprises chimiques (dont Monsanto et Dow Chemical) ayant fabriqué les défoliants, pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre, violations des lois internationales, fabrication de produits dangereux, dommages intentionnels, enrichissement abusif ». La plainte a été rejetée le 11 mars 2005 pour irrecevabilité, au motif que l’agent orange, officiellement un herbicide, ne saurait être qualifié d’arme chimique ni de poison. Le 22 février 2008, pour la 2e fois, la plainte de la VAVA été ajournée. Or, cette même Cour d’appel de l’État de New York a, en 1984, entériné un compromis en indemnisant les vétérans américains à hauteur de 180 millions de dollars, et ce sans jugement. Les vétérans des pays alliés des États-Unis pendant la guerre du Vietnam (Nouvelle-Zélande, Corée du Sud en particulier) ont engagé des procédures de demandes d’indemnisations auprès de leurs pays. En janvier 2006, en Corée du Sud, la Justice coréenne a contraint Monsanto et Dow Chemical à verser 62 millions de dollars à 6.800 vétérans. L’unique espoir des victimes vietnamiennes est de présenter une requête auprès de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique, le 6 octobre 2008. L’Association internationale des juristes démocrates (AIJD) appuie cette plainte et par une expertise de juristes, a lancé un « appel international de juristes pour la responsabilité des États-Unis envers le Vietnam pour les épandages de dioxine ». Ainsi, le principe « pollueur-payeur » devient immédiat. Ce principe, adopté par l’OCDE en 1972, figurant dans l’Acte unique européen de 1987, est inscrit dans le droit français. En France, les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur. Et l’AIJD va solliciter une grande audience médiatique par l’organisation et le recours à un tribunal international d’opinions dans les prochains mois.
La conclusion du colloque est revenu à un géographe qui a qualifié ce colloque d’incitateur entre la recherche et son application concrète dans des approches classiques aux approches globales et alternatives de la notion d’écocide.
Un appel pour la justice, pétition par le Comité français pour le village de l’amitié de Vân Canh, a été mise à la signature. Le colloque de Dijon a eu le mérite de porter à la connaissance du public la notion de préjudice écologique concernant l’impact des épandages d’agent orange/dioxine au Vietnam et les actions de sensibilisation aux troubles de santé des victimes civiles et militaires des guerres contemporaines.