En Europe, les opérateurs du secteur postal se voient pousser des ailes, comme TNT Post, filiale de la poste hollandaise, qui propose d’embaucher en Allemagne des jeunes de 13 ans afin de distribuer des catalogues et des prospectus avec une rémunération comprise entre dix et quinze euros pour une durée de trois heures. Pour seule garantie, les dirigeants de TNT assurent « qu’ils ne feront travailler les enfants de 13 ans que s’ils ont une autorisation parentale » ! Il est utile de rappeler « qu’observateurs et économistes » érigent la poste néerlandaise en modèle...
Cette information, rapportée par le quotidien Die Welt, embarrasse quelque peu les pouvoirs publics. Le 27 novembre, par voie de presse, le gouvernement français annonçait qu’il aurait comme objectif, lors du Conseil des ministres européens, « de garantir le bon fonctionnement du service public postal ». Il poursuivait en menaçant, si les conditions de financement du service universel n’étaient pas satisfaites, de demander le maintien du secteur dit réservé, c’est-à-dire un bout de monopole sur la distribution du courrier. Un texte aux formules si ampoulées qu’on se demande s’il n’a pas été inspiré par un sketch de Coluche !
Pour rendre crédible une telle démarche, il serait nécessaire que le gouvernement annonce clairement qu’il revient sur la loi dite de régulation postale, votée à son initiative, le 20 mai 2005. Cette loi, censée transposer la précédente directive européenne, prépare la libéralisation totale de tous les secteurs de La Poste, y compris celui des services financiers par la création de La Banque postale, aux meilleures conditions pour les opérateurs privés. Ainsi, l’octroi des licences nécessaires pour de nouveaux opérateurs y est prévu sans aucune restriction alors que, dans d’autres pays européens, ces licences sont payantes ou obligent les nouveaux opérateurs à intervenir sur un territoire suffisamment étendu afin d’éviter l’écrémage des zones les plus rentables. Rien de tel dans la loi française : ce sera au marché de réguler.
Payer les salariés à la charge ou à la pièce est interdit. C’est pourtant ce qui se pratiquait à Médiapost, une filiale de La Poste chargée de distribuer la publicité, les catalogues, les journaux et la presse gratuite. Plusieurs salariés de cette entreprise, soutenus par SUD-PTT, ont fait condamner leur patron. Suite à un intense lobbying de La Poste et d’Adrexo - le principal concurrent actuel de La Poste, mais avec qui elle partage un service juridique -, le gouvernement vient de sortir un nouveau projet de décret. Celui-ci autorise, dans le secteur de la distribution directe, une dérogation au contrôle quotidien et hebdomadaire de la durée du travail. Cela revient à permettre, de fait, le paiement des travailleurs à la charge, un recul notable pour le droit des salariés ! Clin d’œil de l’histoire, au même moment, les postiers polonais étaient en grève pour, notamment, interdire cette pratique.
Tout cela démontre bien - mais était-ce nécessaire ? -, que la défense du service public postal n’est, pour le gouvernement, qu’une question de posture. Au niveau européen, l’adoption de la directive postale est soumise à la co-décision. Le Parlement européen devra, lors de la session de printemps, se prononcer sur le projet. Il est de la responsabilité de tous les acteurs, syndicats, associations, partis politiques et élus, de s’organiser, afin d’exercer une pression suffisamment forte sur les parlementaires pour enrayer un mécanisme qui ne peut conduire qu’au désastre.